Des Inuit souhaitent une meilleure représentativité à Ottawa

Pénurie de logements, prix élevés des aliments, infrastructures vieillissantes : des électeurs inuit de la vaste circonscription d’Abitibi–Baie-James–Nunavik–Eeyou estiment que leurs préoccupations sont peu entendues à la Chambre des communes. En cette période électorale, ils espèrent une voix plus forte à Ottawa.
À Ivujivik, Thomassie Mangiok exprime sa déception face à ce qu’il perçoit comme un désintérêt des élus pour les enjeux du Nunavik. Il souligne notamment la rareté des visites de la députée sortante Sylvie Bérubé, qui ne s’est rendue dans la région qu’à deux reprises depuis son élection en 2019.
« Les seules fois qu’on voit des politiciens ici, c’est pour des photos. Depuis longtemps, on demande plus de ressources, surtout que nous, les Inuit, on est en train d’évoluer culturellement très rapidement », explique le père de famille, qui réside dans le village le plus nordique du Québec.
Ce dernier souhaite que les réalités du Nunavik soient mieux prises en compte dans les discussions à Ottawa, parce que la région manque cruellement d’infrastructures et de services essentiels.
« Il n’y a pas longtemps, on habitait dans des igloos, on n’avait pas de mode d’écriture, la population était basse. Les choses changent rapidement. Pour évoluer et s’adapter au monde moderne, il faut des ressources, et il y a un grand manque de ça », ajoute-t-il.
La mairesse de Puvirnituq, Lucy Qalingo, partage cette préoccupation. Elle évoque le récent bris d’équipement, qui a ralenti l’approvisionnement en eau potable et a laissé plusieurs familles sans eau courante pendant des jours. Elle déplore le manque d’appui du gouvernement.
« On est pas bien représentés. Des élus viennent parfois visiter notre communauté pour voir les problèmes, mais je n’ai pas vu un financement adéquat jusqu’à maintenant », lance la mairesse Lucy Qalingo.
Manque de logements
Le maire d’Ivujivik, Adamie Kalingo, affirme que les élus ignorent souvent l’ampleur des défis que vivent les habitants du Nunavik. Selon lui, la pénurie de logements illustre une forme d’inaction gouvernementale.
En 2021, Statistique Canada rapportait que 47 % des logements de la région étaient surpeuplés, une situation liée à de nombreux problèmes de santé publique.
« Nos logements sont parmi les pires au pays, en matière des besoins d’entretien. Il y a un problème constant de chauffage et d’eau courante pour se laver et être en bonne santé. […] Comme peuple, nous avons besoin d’attention, pour améliorer notre qualité de vie », indique le maire Kalingo.
Pour mieux représenter les réalités du Nord, le maire propose la création d’une circonscription fédérale distincte pour les territoires cris et inuit.
« Nous avons une grande région, et nous voulons la contrôler de la manière dont on le souhaite. On travaille là-dessus depuis 50 ans, mais on n’y est pas encore », dit-il, désolé.
Malgré les enjeux criants, la campagne électorale semble plus se concentrer sur les régions du sud de la circonscription.
Seule la candidate libérale Mandy Gull-Masty prévoit une visite au Nunavik, avec un séjour de deux jours à Kuujjuaq.
Les autres candidats invoquent les coûts élevés et les difficultés logistiques comme freins à leurs déplacements.

La position des candidats
Sylvie Bérubé — Bloc québécois
Pour améliorer la représentativité des communautés du Nunavik, la candidate bloquiste s’engage à traduire davantage ses communications écrites avec les communautés de la région, dont la langue d’usage est l’inuktitut et l’anglais.
« On est quand même au Québec, on parle la langue française. Je respecte aussi les langues autochtones. J’ai commencé à faire des communiqués qui étaient en français, mais en anglais aussi. Je travaille dans ce sens », assure la députée sortante.
Cette dernière souligne que ses visites au Nunavik lui ont permis de bien saisir les enjeux de la région, qu’elle souhaite continuer de défendre dans un éventuel troisième mandat.
Mandy Gull-Masty — Parti libéral du Canada
La candidate libérale dit avoir à cœur les enjeux qui touchent le Nunavik et souligne que son expérience comme grande cheffe de la Nation crie lui a permis de travailler en étroite collaboration avec ses homologues inuit. Elle souhaite poursuivre ce travail, dans la création d’une table régionale où des représentants de chaque sous-région de la circonscription pourraient défendre leurs priorités.
« Quand vous avez des informations comme ça, c’est là que tu peux te présenter à Ottawa et démontrer les besoins, qui sont différents entre les groupes, mais aussi les forces communes », note la candidate libérale Mandy Gull-Masty.
Steve Corriveau — Parti conservateur du Canada
Pour sa part, le candidat conservateur Steve Corriveau propose, s’il est élu, de mettre en place quatre bureaux de circonscription dans les différentes régions du territoire. Il compte en installer à Val-d’Or, Chibougamau, Chisasibi et Kuujjuaq. Il voudrait aussi engager deux personnes locales par bureau, qui pourraient répondre aux préoccupations des citoyens.
« Ils pourraient m’informer, lors de rencontres par Zoom ou Teams régulièrement, non seulement de ce qui arrive dans la région, mais aussi des bonnes choses comme, par exemple, un festival, un tournoi de pêche, une course de chiens », explique le candidat conservateur.
Thai Dillon Higashihara — Nouveau Parti démocratique
Le candidat néo-démocrate, qui n’a toujours pas visité la circonscription, souhaite pour sa part mettre de l’avant les valeurs de son parti, qui est selon lui le mieux placé pour bien représenter les intérêts des Inuit à Ottawa.
« Il y a eu une trop grande concentration de représentation du sud de la circonscription. Si on regarde le bilan des partis, il n’y a eu que le NPD qui a bien représenté les communautés marginalisées de manière efficace », dit-il.