Un inventaire de caribous sauvé par des cellulaires au Nunavut

Pris au dépourvu, avec un avion de recherche en panne, des biologistes se sont tournés vers leurs téléphones cellulaires pour réaliser un inventaire aérien précis de la harde de caribous de Beverly, dans la région de Kivalliq, au Nunavut.
Les scientifiques s’étaient rendus dans cette zone éloignée du Nunavut, en 2023, pour réaliser un inventaire de la harde.
Leur temps était compté, puisque les caribous ne se regroupent que quelques jours chaque année pour mettre bas.
Ils forment des troupeaux, que les scientifiques vont survoler en avion, pour les photographier et estimer leur nombre.
Après cette période, ils se dispersent à nouveau dans un immense territoire. Leur aire de répartition s’étend des zones forestières des Territoires du Nord-Ouest jusqu’aux côtes dénudées du passage du Nord-Ouest, au Nunavut.
Durant la période de mise bas, la fenêtre d’action est très courte. Ça peut être entre 5 et 10 jours. Si tu ne réussis pas à les avoir durant cette période, ils s’éloignent du territoire de mise bas et le recensement ne sera pas possible, explique le chercheur Mitch Campbell, biologiste du gouvernement du Nunavut.
Juste avant de commencer, les scientifiques ont eu la mauvaise surprise d’avoir un bris mécanique sur leur avion de recensement, équipé d’équipements photographiques.
On avait deux choix, soit de se regrouper et réessayer l’année prochaine, mais ces recensements coûtent très cher. Soit on trouvait une solution alternative, qui était dans ce cas, d’utiliser nos téléphones pour filmer des images, raconte le chercheur.
C’est précisément ce qu’ils ont fait. Avec du ruban adhésif et les moyens du bord, ils ont attaché quelques cellulaires aux fenêtres d’un second avion de brousse de type Twin Otter.
Après quelques jours de survol, sans savoir si leurs images allaient être utilisables, ils sont retournés à leur bureau pour faire le décompte.
Ils ont programmé un logiciel, qui a superposé des images satellitaires, aux vidéos prises sur leurs téléphones. La technique a permis de géolocaliser les troupeaux des caribous de manière précise, en comparant les deux images, avec comme point de référence, des lacs et des étangs.
La grande résolution des images et le réglage automatique de la mise au point auront donc permis de sauver le recensement.
On a réussi grâce aux avancées incroyables dans les technologies vidéo des téléphones. Personne ne se doutait que ça allait fonctionner, mais on a réussi. Ce qui est phénoménal, se réjouit Mitch Campbell.
Ses équipes et lui ont été surpris de ce résultat, puisque l’utilisation de caméra vidéo standard n’avait pas été satisfaisante par le passé.
On avait des reflets, la mise au point n’était plus bonne et tu ne pouvais pas compter efficacement les animaux, ajoute-t-il.
Les téléphones ne remplaceront pas tout de suite les appareils professionnels, selon Mitch Campbell. Ils sont toutefois devenus une bonne solution de rechange lors des recensements animaliers, en cas de pépin technique.
Des résultats encourageants
Les résultats de ce recensement de 2023 ont été rendus publics dans les dernières semaines.
Le troupeau de caribous de Beverly serait en hausse marquée, avec un total de 153 000 individus en date de 2023.
C’est un signe encourageant pour les chercheurs. Le troupeau avait connu une baisse substantielle entre 2011 et 2018. Il était passé de 136 000 caribous à 103 000, en seulement sept ans.

Selon Mitch Campbell, cette baisse était due notamment au cycle de vie des caribous, qui varie naturellement en fonction de la disponibilité de la nourriture sur le territoire.
La chasse, l’activité minière et les changements climatiques pourraient aussi avoir un effet sur les hardes de caribous.
En 1994, le troupeau avait atteint un sommet de 276 000 individus, mais ce nombre a depuis chuté.
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