Les caribous utilisent les mêmes aires de mise bas dans l’Arctique depuis au moins 3000 ans

Plusieurs caribous dans la nature (Joëlle Taillon/Radio-Canada)
Selon une nouvelle étude de l’Université de Cincinnati, les caribous utilisent les mêmes aires de mise bas dans l’Arctique depuis plus de 3000 ans. Ainsi, chaque printemps, une migration de grande envergure conduit les hardes dans la même région.

Les femelles caribous perdent leurs bois quelques jours après la mise bas, laissant derrière elles une trace de leurs déplacements annuels à travers l’Alaska et le Yukon, au Canada. Les restes sont conservés dans la toundra pendant des centaines, voire des milliers d’années. Les chercheurs ont retrouvé des bois qui n’ont pas été déplacés dans la toundra arctique depuis l’âge de bronze.

« Se promener dans la zone et ramasser un objet vieux de 3000 ans est vraiment étonnant », souligne dans l’étude Joshua Miller, professeur adjoint de géosciences à l’Université de Cincinnati.

Le chercheur dirige des expéditions estivales dans le refuge faunique national de l’Arctique depuis 2010. Ils utilisent des radeaux pour naviguer sur des rivières éloignées à la recherche de bois de caribou laissés dans la toundra.

« Il faut souvent creuser dans le sol pour trouver ce genre d’histoire écologique, mais sur la plaine côtière, la végétation pousse très lentement », raconte M. Miller. « Les os laissés par des animaux qui ont vécu des dizaines, voire des centaines de générations dans le passé, peuvent fournir des informations cruciales. »

Un avion survole la harde de caribous Porcupine de la réserve faunique nationale de l’Arctique, en Alaska. (U.S. Fish and Wildlife Service/The Associated Press)

L’étude, publiée en anglais dans la revue scientifique Frontiers in Ecology and Evolution, montre l’importance de la région pour un animal dont les peuples autochtones de l’Alaska et du Canada dépendent encore pour leur subsistance, alors même que les compagnies énergétiques cherchent à exploiter les ressources pétrolières et gazières de cette zone protégée.

En 2021, l’Administration américaine, sous la présidence de Joe Biden, a suspendu les baux de forage dans le refuge faunique national de l’Arctique, la plus grande étendue de nature sauvage non exploitée des États-Unis.

« Nous savons que ce territoire a été un endroit important pour les caribous pendant des millénaires. Cela devrait nous faire réfléchir sur la façon dont nous pensons préserver les lieux », indique M. Miller.

Les bois les plus anciens trouvés dans nos recherches poussaient à peu près à l’époque où Homère écrivait l’Iliade et l’Odyssée.Patrick Druckenmiller, directeur du musée de l'Université d'Alaska Fairbanks et coauteur de l'étude
Des forêts à la place de la toundra

L’étude rappelle que les caribous de la toundra entreprennent la plus longue migration terrestre de la nature. Ils parcourent plus de 1200 kilomètres chaque année pour atteindre leurs aires de mise bas au printemps dans le refuge faunique national de l’Arctique et le parc national d’Ivvavik au Canada. La population du plus grand troupeau de cette région, qui porte le nom de caribous de la rivière Porcupine, compte des centaines de milliers d’animaux.

Les scientifiques d’ailleurs pensent que les caribous utilisent ces zones parce qu’elles ont moins de prédateurs et offrent une végétation saisonnière à proximité d’endroits où ils peuvent éviter les piqûres de moustiques.

« Les moustiques sont terribles. Ils vous envahissent, vous en êtes littéralement couvert. Ils peuvent ainsi causer des problèmes de santé importants aux jeunes caribous », mentionne M. Miller.

Quelle que soit la raison, les bois qu’ils laissent derrière eux constituent une trace physique de leurs migrations annuelles que les scientifiques peuvent analyser grâce à l’observation isotopique. Les bois des caribous, comme ceux des wapitis, des cerfs et des élans, sont constitués d’os à croissance rapide que les animaux perdent chaque année et qui repoussent l’année suivante.

Un comptage aérien de la harde de caribous de la Porcupine en juillet fait état de 202 000 à 235 000 animaux, soit près de deux fois le nombre enregistré à un point bas en 2001. (Archives/iStock)

Alors que les bois des caribous mâles mesurent quatre pieds et pèsent plus de 20 livres, ceux des caribous femelles sont beaucoup plus petits. Les bois contiennent des éléments nutritifs comme le phosphore et le calcium qui sont importants pour les plantes et les animaux.

L’Arctique se réchauffe plus rapidement que les autres régions du globe, et dans certaines parties du Grand Nord qui étaient autrefois de la toundra stérile sont en train de pousser de nouvelles forêts d’épinettes.

« Là où il y avait autrefois de la toundra ouverte, de grandes étendues de ce sol stérile sont maintenant pleines d’arbres partout. Qu’arrivera-t-il au caribou de la toundra lorsque cet habitat sera converti en forêt? », s’interroge-t-il.

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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