L’industrie minière remise en question au Yukon après le déversement de la mine Eagle

Il y a un an, le 24 juin 2024, le Yukon était le théâtre de l’un des pires déversements miniers de l’histoire du Canada. La catastrophe a non seulement eu des conséquences environnementales et financières, mais elle a aussi provoqué une remise en question profonde de la place de l’industrie minière au Yukon. État des lieux.
Un an après l’affaissement d’une partie du bassin de lixiviation en tas de la mine d’or Eagle, le rapport sur les causes de l’incident se fait toujours attendre.
Consultez notre dossier sur l’effondrement de la mine Eagle au Yukon.
La cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) du Yukon, Kate White, exige maintenant une enquête publique sur l’incident qui a mené à l’arrêt de la mine et qui a contaminé le cours d’eau adjacent au cyanure, perturbant l’écosystème ainsi que les activités traditionnelles de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun.
Le gouvernement et les compagnies minières nous avaient dit que la lixiviation en tas était sans danger, on nous avait dit que les risques étaient minimes, se rappelle-t-elle.Ça nous a ouvert les yeux.
Avec le recul, la politicienne, qui a déjà travaillé pour une minière, voit dans l’incident de Victoria Gold le symptôme de problèmes plus graves au sein de l’industrie.
Nous avons vu beaucoup de scénarios de ce genre par le passé au Yukon, affirme Kate White, cheffe du NPD du Yukon. Yukon Zinc et la mine Wolverine, par exemple, ont mis fin à leurs activités sans remettre leur site en état. Ce sont les Yukonnais qui continuent de payer pour les coûts associés à la remédiation de ces sites. Le cas de Minto Minerals et de la mine de Minto était similaire.
À l’heure actuelle, les coûts que devra payer le gouvernement yukonnais sont évalués à plus de 220 millions de dollars, environ 10 % du budget annuel du territoire, se plaît à rappeler Kate White.
À quelques mois des élections territoriales [qui se tiendront le 3 novembre prochain], la politicienne croit que la place de l’industrie minière, ses retombées, mais surtout ses coûts, seront au cœur de la prochaine campagne. Malheureusement, l’industrie minière a bénéficié d’un passe-droit pendant trop longtemps
, estime-t-elle.

Des conséquences environnementales importantes
Depuis l’accident, les Autochtones de la région ne peuvent plus aller chasser ou pêcher dans les environs de la mine. Même un an plus tard, les autorités rapportent toujours des niveaux de cyanure au-delà des normes jugées acceptables.
Si l’eau est contaminée, les plantes et les poissons sont contaminés, la faune en contrebas est contaminée et puis même potentiellement l’homme, souligne le spécialiste en restauration de sites miniers Guillaume Nielsen, associé à la firme CoreGeo.
On a vu beaucoup de poissons morts dans Haggart Creek juste après l’incident et ça a continué pendant des périodes assez longues, donc le problème est réel.
La colère est telle que la cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, Dawna Hope, a exigé, ces derniers mois, un moratoire sur l’exploitation minière dans toute la région.

(Radio-Canada / Camille Vernet)
Un moteur pour l’économie
Dans un territoire comme le Yukon, dont l’histoire est intimement liée à la ruée vers l’or, impossible toutefois de rejeter cette industrie essentielle à l’économie locale.
En 2023, Victoria Gold rapportait avoir extrait 400 millions de dollars en or sur place. Au lendemain de la catastrophe, des centaines d’employés ont perdu leur emploi.
Même pour les personnes qui ne travaillent pas directement ou indirectement dans l’industrie minière, ça a eu un impact, rappelle le directeur de la Chambre des mines, Jonas Smith.Des restaurants ont dû modifier leurs heures d’ouverture ou fermer leurs portes, et les compagnies aériennes ont dû modifier leurs horaires de vol pour s’adapter à la baisse du trafic aérien.
Un an plus tard, l’impact économique se fait toujours sentir à l’échelle du territoire. Depuis l’arrêt des activités à la mine Eagle, une seule mine d’importance, la mine d’argent Keno Hill, est toujours en activité sur le territoire.
Notre économie se portait très bien jusqu’à ce que ça se produise, n’hésite pas à rappeler de son côté le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources, John Streicker.

Les répercussions associées au ralentissement de l’industrie ont aussi eu un impact sur la recherche. Le chercheur Guillaume Nielsen, dont la chaire de recherche industrielle en remédiation des mines du Nord à l’Université du Yukon était financée en partie par l’industrie, a perdu son financement le 1er avril dernier.
Plusieurs misent sur une reprise des activités de la mine Eagle, maintenant contrôlée par la firme PricewaterhouseCoopers à la suite de la mise sous séquestre de l’entreprise Victoria Gold, pour relancer le secteur minier.
Plusieurs questions toujours en suspens
Le ministre, dont l’équipe travaille toujours d’arrache-pied pour contrôler les conséquences du déversement, rappelle l’ampleur des questions qui restent toujours, un an après l’accident, sans réponse.
Nous ne savons pas encore quelles sont les causes sous-jacentes du glissement ni quelles seront les solutions pour empêcher que ça ne se reproduise ou pour corriger la situation maintenant, énumère-t-il.La dernière question est de savoir si le secteur privé souhaitera reprendre la mine.
Chose certaine, le ministre comprend l’importance de son rôle et du succès de sa mission.
C’est un événement majeur pour le Yukon, mais aussi pour le Canada, dit John Streicker, ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources. Compte tenu de nos relations avec les États-Unis, de notre volonté de nous éloigner des combustibles fossiles et de la nécessité d’assurer la transition de notre économie énergétique, nous allons avoir besoin de minéraux essentiels.
L’or n’est pas un minéral critique, mais l’exploitation minière est importante pour les minéraux critiques et l’or est important pour l’exploitation minière, souligne-t-il.
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