Le bruit des navires dans l’Arctique affecterait les narvals sur 20 km

De récentes recherches menées dans le détroit d’Éclipse au Nunavut suggèrent que les narvals seraient plus sensibles au bruit du trafic maritime qu’on ne le pensait. La proximité des navires entraînerait notamment d’importants changements de comportement chez le mammifère.
L’étude, publiée en juillet dans la revue Nature (nouvelle fenêtre) (en anglais), indique que les narvals cessent d’utiliser l’écholocalisation et quittent un secteur lorsqu’ils sont exposés à des sons de navires à basse fréquence. Elle précise qu’ils sont sensibles à des sons émis dans un rayon pouvant atteindre 20 km.
Avant cette étude, il semble qu’il était admis que les narvals n’étaient affectés qu’à courte portée des navires. Cependant, en discutant avec les chasseurs et les aînés, on réalise que ce n’était pas le cas
, indique Alex Ootoowak, chercheur à Pond Inlet, au Nunavut, et l’un des coauteurs de l’étude.
Les résultats des recherches confirment ainsi les observations des chasseurs à propos des projets miniers dans la région, mais aussi leur conviction que les narvals sont plus sensibles au bruit des navires que ce qu’indiquent les directives actuelles sur le bruit maritime, souligne M. Ootoowak.
Les gens semblent comprendre que nos recherches prouvent ce qui est compris et connu depuis longtemps dans la région
, ajoute le chercheur qui fait également partie du programme de surveillance acoustique de la société Oceans North.
Le partage des connaissances
L’étude dans le détroit d’Éclipse est le fruit d’une longue collaboration entre Oceans North, l’organisation de chasseurs trappeurs Mittimatalik Hunter Trappers Organization (MHTO), à Pond Inlet, et le centre de recherche sur les océans Scripps Institution of Oceanography de l’Université de Californie.
Chaque été, les narvals reviennent dans le détroit d’Éclipse pour se nourrir en eaux profondes.
Cependant, selon les chercheurs, leur nombre aurait chuté d’environ 90 % au cours des 20 derniers étés, passant d’environ 20 200 individus en 2004 à 2081 en 2021.
Un triste changement
, aux yeux d’Alex Ootoowak, qui se remémore l’abondance de vie marine dans le détroit où il partait chasser avec son père à l’adolescence.
Nous étions constamment occupés à chasser, à observer et à profiter de la vue de centaines et centaines de narvals qui passaient sous nos yeux.
Je veux que les prochaines générations puissent voir ce que j’ai vu
, dit-il.
Augmentation de la circulation des navires
Selon les chercheurs, entre 2015 et 2019, la circulation navale s’est accrue de 384 % dans le détroit d’Éclipse, 80 % des navires étant liés aux activités minières de la région et 20 % au tourisme.
Kristin Westdal, directrice scientifique à Oceans North, et coautrice de l’étude, note que les chasseurs inuit de la région ont été les premiers à remarquer les changements dans le comportement des narvals et le déclin de leur population lorsque les premières cargaisons de minerais ont quitté la mine Mary River de Baffinland en 2015.
Elle explique que les narvals passent moins de temps à plonger, un comportement généralement lié à l’alimentation, et qu’ils changent de direction lorsqu’ils croisent un navire. Les données peuvent aider à déterminer quel niveau sonore est excessif pour l’animal.
La recherche contribuera à orienter le plan de gestion provisoire de l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga et de futures aires protégées, selon elle. La Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions pourra également utiliser ces données au moment d’évaluer des projets comme la mine Mary River, poursuit-elle.
Étudier l’écholocalisation
Les chercheurs ont utilisé les clics d’écholocalisation des narvals et des données satellites pour mesurer la distance qui les sépare des navires et analysé la façon dont les narvals réagissent au son des navires qui circulent dans le secteur.
Ces clics d’écholocalisation sont associés à des fonctions importantes comme la recherche de nourriture, l’alimentation ou la navigation
, explique Joshua Jones, scientifique responsable du projet de recherche mené avec Oceans North et le MHTO.
Les narvals sont sensibles au son de moins de 1 kHz, note Jack Ewing, assistant de recherche au Scripps Institution of Oceanography de l’Université de Californie et autre coauteur du rapport. Il s’agit d’une fréquence plus basse que ce que les recherches précédentes suggéraient.
Les narvals réagissent également à des niveaux de pression acoustique à large bande bien au-dessous de 120 dB, ajoute M. Ewing. Ces niveaux sonores sont pertinents au moment d’évaluer l’impact du son sur les narvals.
Avec les informations de Avery Zingel
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