Grand Nord canadien : le Nunavik réapprovisionné d’urgence en carburant d’avion cet été

Du carburant a été envoyé d’urgence par avion au courant du mois de juin. (Daniel Thomas/Archives/Radio-Canada)
Les stocks de carburant pour avion se sont presque épuisés à Kuujjuaq cet été, ce qui a obligé le fournisseur régional à lancer une campagne de réapprovisionnement d’urgence pour éviter une importante perturbation du trafic aérien au Nunavik.

La Fédération des Coopératives du Nouveau-Québec (FCNQ) avait pourtant haussé ses réserves de kérosène à Kuujjuaq pour atteindre un niveau record de 6 millions de litres en 2022-2023. L’augmentation soudaine du trafic aérien dans la région a, malgré tout, surpris l’organisation.

« On cherche encore des explications de la hausse des volumes de vente […] On a vu une augmentation annuelle de 20 % des ventes de carburant à avion au courant des deux dernières années. Ç’a eu un impact important sur nos inventaires et notre capacité d’entreposage », explique le directeur des services pétroliers à la FCNQ, Jean-Luc Malette.

L’aéroport de Kuujjuaq est le plus important de la région. Il est le point de départ pour la majorité des vols vers les autres communautés du Nunavik. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

La FCNQ est responsable de l’acheminement annuel de tout le carburant au Nunavik, soit près de 90 millions de litres de mazout, de diesel, d’essence à voiture et de kérosène d’avion.

Avions en renfort

La FCNQ a donc nolisé d’urgence un avion-cargo de type Boeing 737 en juin. Son premier voyage de ravitaillement a eu lieu à partir de Schefferville.

L’appareil a été muni d’un immense réservoir souple d’une capacité de près de 16 000 litres. Cela a permis de maintenir le trafic aérien à Kuujjuaq.

Les feux de forêt dans la région de Sept-Îles, sur la Côte-Nord, ont toutefois retardé l’approvisionnement par avion durant près d’une semaine. Le chemin de fer entre Sept-Îles et Schefferville était fermé pour des raisons de sécurité.

Le kérosène était envoyé par train entre Sept-Îles et Schefferville, avant de prendre les airs jusqu’à Kuujjuaq. (Radio-Canada)

Face à la baisse rapide des stocks de carburant à Kuujjuaq, les autorités aéroportuaires ont donc restreint l’accès à l’aéroport pour les avions nolisés, en priorisant les plus grands transporteurs tels qu’Air Inuit et Canadian North.

Le manque de carburant a même forcé l’aéroport à ne permettre que les évacuations médicales, durant une période critique de 24 heures.

La réouverture de la voie ferrée entre Sept-Îles et Schefferville a finalement permis l’acheminement du kérosène d’urgence, évitant l’arrêt des activités aéroportuaires.

Seuls les vols prioritaires pouvaient s’approvisionner en carburant à Kuujjuaq. (Williams Bastille-Denis/Achives/Radio-Canada)
Un navire bloqué

L’acheminement de tout le carburant du Nunavik se fait par navire l’été, lorsque les glaces ont libéré les baies d’Hudson et d’Ungava.

Le navire de ravitaillement est arrivé dans l’embouchure de la rivière Koksoak à la fin du mois de juin, mais a été contraint d’attendre près d’une semaine sans pouvoir décharger le kérosène.

Le niveau de la rivière était trop bas pour que les petites barges de transport puissent naviguer de façon sécuritaire.

Les barges doivent attendre la marée haute pour pouvoir atteindre Kuujjuaq depuis le point d’ancrage du navire de ravitaillement. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Ces barges font l’aller-retour entre le dépôt d’essence de Kuujjuaq et le navire de ravitaillement, amarré à une vingtaine de kilomètres en aval.

« On n’avait jamais vu ça des niveaux d’eau aussi bas. Il est environ un mètre plus bas que ce qu’on est habitué à voir […] Le niveau a finalement remonté un peu, mais ça demeure une opération complexe », explique Danny Boulet, superviseur responsable du déchargement du carburant pour la FCNQ.

Danny Boulet dit n’avoir jamais vu la rivière Koksoak atteindre un niveau aussi bas. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Les barges de transport d’essence remontent ainsi nuit et jour la rivière Koksoak. Les équipes doivent toutefois attendre la marée haute pour relier le navire de ravitaillement et les citernes.

À chaque voyage, les barges transportent 300 000 litres de carburant, qui est pompé par des tuyaux flottants.

Kuujjuaq est la seule communauté du Nunavik à nécessiter une telle opération en raison de sa grande distance par rapport à la mer.

L’essence est pompée par ces tuyaux flottants, jusque dans les citernes de Kuujjuaq. (Félix Lebel/Radio-Canada)
Augmentation de la demande

L’augmentation du trafic aérien à Kuujjuaq et la grande demande de kérosène semblent avoir surpris la FCNQ.

L’administration aéroportuaire confirme cette augmentation du trafic, mais n’arrive pas à la quantifier pour le moment. Un rapport des différents transporteurs est attendu à la fin de l’année.

De son côté, Air Inuit n’a pas souhaité divulguer l’ampleur de l’augmentation de la fréquence de ses vols, estimant qu’il s’agit de données « commerciales critiques ». Canadian North n’a pas non plus répondu à nos questions.

L’augmentation des réserves annuelles de la FCNQ de 20 % à Kuujjuaq, de 2021 à 2023, pourrait toutefois donner une idée de l’ampleur du phénomène.

Pour cette année, près de 8 millions de litres de carburant à avion seront conservés dans ces citernes, près de l’aéroport de Kuujjuaq. (Félix Lebel/Radio-Canada)

L’organisation prévoit que la tendance à la hausse se poursuivra, c’est pourquoi elle a encore augmenté ses réserves de carburant d’aviation à près de 8 millions de litres, cette année. Deux grandes citernes de diesel ont aussi été converties pour entreposer davantage de kérosène.

Il est toutefois difficile de prévoir l’ampleur de l’augmentation de la demande pour la FCNQ, qui achète le carburant plus d’un an d’avance. L’organisation souhaite maintenant s’asseoir avec les différents acteurs du milieu pour mieux planifier les prochains approvisionnements et éviter qu’une telle situation ne se reproduise.

Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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