Les narvals s’adaptent partiellement au réchauffement en retardant leur migration, montre une étude

Le narval dépend de la glace de mer pour sa survie. (Paul Nicklen/WWF)
Avec la diminution de la banquise arctique, les narvals entament leur migration automnale des côtes vers le large de plus en plus tard chaque année. Cela montre leur capacité d’adaptation aux changements climatiques, mais représente aussi une menace, selon des travaux de chercheurs canadiens.

Ces mammifères marins emblématiques de l’Arctique affectionnent les eaux froides et dépendent dans une large mesure de la glace de mer pour leur survie. Les narvals vivent en moyenne 50 ans, mais certains individus peuvent vivre jusqu’à 100 ans.

En été, la population de narvals de la baie de Baffin se tient près des côtes, formées de baies et de fjords, où elle peut donner naissance aux petits et rester protégée, dans une certaine mesure, du vent et des prédateurs. 

À l’automne, elle gagne le centre de la baie, entre la fin septembre et la mi-novembre, où les eaux sont profondes et se couvrent de glace. En hiver, cette glace mobile et compacte, qui leur permet de respirer, agit comme une protection pour cette espèce face aux prédateurs comme les épaulards et à la mer agitée. Les courants leur apportent les nutriments dont ils ont besoin. Ils passent donc l’hiver en plongée à la recherche de nourriture.

Les chercheurs de l’Université de Windsor et de l’Université de la Colombie-Britannique ont suivi les déplacements d’une quarantaine d’individus de cette population de 1997 à 2018 en utilisant des images prises par satellite. 

Ils ont constaté que sur le long terme, malgré les variations annuelles, les narvals quittaient de plus en plus tard leurs aires d’estivage pour aller vers leurs aires d’hivernage. 

Ils entamaient leur migration environ 10 jours plus tard par décennie, selon les calculs de l’équipe, qui a rapporté ses travaux dans la revue PNAS.

Cette migration retardée correspond à la formation de plus en plus tardive de la glace sur la baie de Baffin, notent les chercheurs.

Les narvals semblent rester plus tard dans leurs aires d’estivage en attendant que la glace commence à se former. Quand les risques deviennent trop élevés, que la glace se forme en eaux peu profondes et qu’ils y restent pris, ils prennent le large. Et ce processus s’effectue toujours plus tard, parallèlement à l’apparition plus tardive de la glace.

Cela veut dire que les individus sont capables de modifier leur comportement au cours d’une seule vie, ce qui est une illustration probante de la capacité d’adaptation de l’espèce, expliquent les chercheurs. Cette adaptation ne passe pas par l’évolution sur le plan génétique.

Un narval dans son milieu naturel (Radio-Canada)
Des menaces pour le narval

Cela signifie-t-il que les narvals s’adapteront bien, au bout du compte, au réchauffement climatique dans l’Arctique?

« Malheureusement, partir plus tard [à l’automne] n’est pas forcément une bonne nouvelle pour le narval », affirme Marie Auger-Méthé, coautrice de l’article et professeure à l’Institut des pêches et océans de l’Université de la Colombie-Britannique. 

Rester plus longtemps dans les aires d’estivage pourrait entraîner une exposition supplémentaire au trafic maritime pour le narval, explique la chercheuse dans un communiqué, d’autant plus que la mine de fer de Baffinland, sur la côte nord-est de l’île de Baffin, pourrait être agrandie. Cela provoquerait encore plus de circulation.

« Nous savons qu’ils sont sensibles aux perturbations de la navigation et que leurs niveaux de stress ont augmenté au cours des 20 dernières années », poursuit-elle.

« De plus, rester plus longtemps dans leurs aires d’été pourrait augmenter le risque que des narvals soient pris soudainement dans la glace qui gèle rapidement. De tels pièges à glace peuvent tuer des centaines de narvals. »

Outre les changements climatiques, l’activité humaine, le tourisme et les brise-glaces constituent autant de facteurs qui impactent la migration de ces cétacés et constituent des sources de stress pour ces animaux, poursuit la chercheuse.

Un épaulard poursuit des harengs dans le cercle polaire arctique. (Olivier Morin/AFP/Getty Images)

On note aussi la présence de plus en plus importante dans l’Arctique de populations d’épaulards de l’Atlantique Nord, de féroces prédateurs pour les narvals, les bélugas et d’autres baleines. En retardant leur migration, les narvals sont plus exposés à ces prédateurs, selon les scientifiques.

Plus tôt cette année, une autre étude portant sur plusieurs espèces de mammifères marins soulevait des préoccupations concernant l’avenir des populations de narvals dans l’Arctique compte tenu de la diminution de la glace de mer.

La recherche groenlandaise mentionnait que les narvals pourraient compenser une partie de leur perte d’habitat en allant chercher leur nourriture plus en profondeur, car ce sont d’excellents plongeurs. Toutefois, « le narval est reconnu comme l’une des espèces de mammifères marins arctiques les plus sensibles aux changements climatiques en raison de sa dépendance à la glace de mer, de sa niche restreinte, de son aire de répartition limitée, de son régime alimentaire spécialisé et de la structure complexe de sa population », remarquaient les scientifiques, qui se faisaient pessimistes pour ces populations.

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