Loi SCAN : à qui revient la responsabilité de la sécurité collective?

Dans les provinces et territoires où elle existe, la Loi sur la sécurité des collectivités et des quartiers permet l’expulsion rapide des occupants d’un logement en raison d’activités qui sont susceptibles de compromettre la sécurité du voisinage. (Photo d’archives)
(Travis McEwan/Radio-Canada)

À la suite d’une succession d’incidents liés au trafic de drogues illicites, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest étudie cet été une nouvelle législation semblable à la Loi sur la sécurité des collectivités et des quartiers, espérant sa mise en application en mai 2026.

Connue dans le Canada anglophone sous l’acronyme SCAN, pour Safer Communities and Neighbourhoods Act, et appliquée dans six provinces, cette législation permet aux tribunaux de faire rapidement verrouiller une propriété et d’en expulser les occupants lorsque leurs comportements ou activités nuisent à la sécurité ou à la tranquillité du voisinage.

« Ce n’est pas le problème à d’autres personnes, c’est notre problème à tous. Et nous avons tous un rôle à jouer pour le résoudre. »

Une citation de R.J. Simpson, premier ministre des Territoires du Nord-Ouest

Comme l’a présenté le premier ministre des T.N.-O., la législation tend à impliquer les citoyens en leur permettant d’alerter les autorités d’une nuisance – notamment associée au trafic de drogues –, et ce, de façon anonyme, sans avoir à entamer des procédures pénales, y compris l’identification de preuves dans un cadre judiciaire. R.J. Simpson veut aussi responsabiliser les consommateurs occasionnels, exposant leur contribution à la souffrance infligée à vos compatriotes du Nord.

Le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, R.J. Simpson. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Les opposants au SCAN pensent que confier la responsabilité d’agir aux citoyens peut encourager des comportements de justicier et risque aussi de discréditer les outils juridiques existant, comme le Code criminel ou le Residential Act. Un gouvernement ténois a tenté d’introduire le SCAN en 2007, mais ce dernier a été rejeté, par crainte qu’il soit utilisé pour des conflits de voisinage ou qu’il aggrave les difficultés des personnes qui sont déjà en situation de vulnérabilité.

Critiqué par des groupes de défenses des citoyens, ce type de loi a été adoptée en Colombie-Britannique en 2013, mais il n’a jamais été mis en action. À l’inverse, l’Alberta se réjouit de son utilisation et continue d’investir dans cette législation créée en 2008.

En décembre 2024, la Saskatchewan a révisé le texte et ajouté la possibilité d’intervenir dans des maisons abandonnées ou des squats sans attendre qu’une plainte soit portée.

Criminalité et logement

Utiliser la législation SCAN ne permet pas de régler l’enrayement d’une personne dans un réseau criminel, qui continuera les activités dans un nouveau lieu, prévient Meghan McDermott, directrice de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique.

Une telle loi aux T.N.-O. pourrait rapidement être attaquée avec les arguments utilisés dans d’autres juridictions, comme au Yukon, où la section visant l’expulsion sous cinq jours a été jugée inconstitutionnelle en septembre 2024.

Lors de l’expulsion surprise d’une mère et ses huit enfants, l’avocat Vincent Larochelle a mis en avant que la loi ne remplissait pas son rôle premier, soit de rendre la communauté plus sécuritaire. Il s’étonne également du manque de données disponibles pour s’assurer que la loi n’est pas appliquée de manière discriminatoire, mais aussi simplement pour savoir si cette loi est efficace.

« Les experts disaient que, justement, d’expulser des personnes qui sont dans des situations précaires, ça exacerbe le risque auprès de la communauté, ça rehausse le potentiel de criminalité. »

L’avocat Vincent Larochelle était l’avocat de Celia Wright, qui a reçu en décembre 2020 un avis d’éviction en vertu d’une disposition de la Loi visant à accroître la sécurité des collectivités et des quartiers. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Une citation de Vincent Larochelle, avocat au Yukon

Pour Lisa Thurber, fondatrice de la Tenants Association Northwest Territories, la réalité sociale et la crise du logement des territoires ne s’apparentent pas aux autres provinces du pays, et le SCAN ne ferait que déplacer les risques au sein même de la communauté.

« Où vont aller ces gens? Ils vont aller à la maison des sans-abri. Chez leur oncle, leur tante. Ils vont aller quelque part », dit-elle.

Dans un territoire majoritairement autochtone, Lisa Thurber propose l’utilisation d’autres solutions, comme les cercles de justice.

« Nous devrions investir dans les Premières Nations et leur dire : “C’est votre membre, gérez-le” ».

Une citation de Lisa Thurber, fondatrice, Tenants Association Northwest Territories

Conscient de la complexité de ce problème multidimensionnel, le gouvernement ténois va entreprendre un engagement public à l’automne, si la proposition législative est approuvée cet été.

D’autres outils existent déjà

C’est aux propriétaires de logements locatifs de prendre leur responsabilité, selon Lisa Thurber. À son avis, il serait plus judicieux de mettre à jour le Residential Tenancy Act plutôt que d’ajouter une nouvelle législation qui outrepasse le système juridique actuel.

« Ils pourraient aussi créer des lois stipulant que tout propriétaire de plus de quatre logements doit avoir une gérance sur place. Prenez soin de vos immeubles. Vous devez avoir une meilleure sécurité. »

Une citation de Lisa Thurber, fondatrice, Tenants Association Northwest Territories

De l’avis de Meghan McDermott, l’utilisation des services juridiques permet de protéger les citoyens et de faire le suivi de leur situation après un litige, par la mise en contact avec des services d’aide.

« Ces systèmes sont en dehors du droit pénal et même des lois sur la location, ce qui signifie que les gens ne bénéficient pas du soutien normal qu’ils pourraient obtenir, comme un défenseur des locataires ou même simplement l’aide juridique. »

Une citation de Meghan McDermott, directrice de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique

Vincent Larochelle, lui, estime que les outils existent déjà, et il ajoute que l’étendue des comportements est trop large.

La législation SCAN ne s’attaque pas seulement aux activités liées au trafic de drogue, mais également à celles de la prostitution, à la vente illégale d’alcool, à l’entreposage d’armes ou à toute consommation de substance désignée toxique.

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