L’insécurité alimentaire au Nunavut, un thème central des élections

Deux organismes d’Iqaluit qui tirent la sonnette d’alarme à propos de l’insécurité alimentaire au Nunavut ont décidé d’en faire un enjeu électoral à l’approche du scrutin territorial du 27 octobre.
Le centre alimentaire Qajuqturvik et l’organisme Qupanuaq estiment que la situation s’est aggravée depuis que le gouvernement fédéral a resserré les règlements pour accéder à « L’initiative: Les enfants inuits d’abord », un programme de bons alimentaires destiné aux enfants inuit.
Ils réclament un engagement du prochain gouvernement.

Récemment, nous avons admis un bébé [à l’hôpital] qui souffrait de crises d’épilepsie parce que sa mère avait dû diluer son lait maternisé pour que la poudre puisse tenir jusqu’au mois suivant, déplore Sindu Govindapillai, pédiatre et directrice de l’organisme à but non lucratif Qupanuaq qui vient en aide aux familles et aux enfants.
Elle explique que diluer la poudre de lait maternisé peut entraîner des déséquilibres dans les électrolytes que consomment les enfants. Dans ce cas-ci, le taux de sodium du bébé était tombé tellement bas que le nourrisson a commencé à avoir des convulsions.
Ce n’est pas la première fois que je vois cela au Nunavut, explique-t-elle.
Le 10 octobre, le centre de Qupanuaq a accueilli les candidats des quatre circonscriptions d’Iqaluit pour prendre part à une discussion sur leurs solutions à la crise alimentaire, s’ils étaient élus députés.
Les candidats ont dit comprendre l’urgence de la situation, certains soulevant même leur propre expérience d’itinérance ou de pauvreté.

Le resserrement des critères d’admissibilité au programme national d’aide pour les enfants inuit a été pointé du doigt à de multiples reprises pendant l’échange qui a duré environ une heure.
Le programme de bons d’épicerie offerts dans certains hameaux a pris fin en avril 2025. Ce programme fédéral, financé par l’Initiative: Les enfants inuit d’abord, fournissait 500 $ par enfant pour l’épicerie et 250 $ supplémentaires pour acheter des couches pour les enfants de moins de 4 ans.
Si le financement a été renouvelé jusqu’en mars 2026, affirme une porte-parole de Services aux Autochtones Canada, le resserrement des règles est tel que les hameaux n’y ont plus accès puisque « les demandes sont reçues et examinées au cas par cas ».
Certains candidats promettent de faire pression pour ramener ce programme, alors que Robin Anawak, candidat dans Iqaluit-Sinaa, souhaite que le territoire offre un financement coûte que coûte, sans attendre.
Lors des discussions avec de nombreuses personnes en ville, le programme de bons alimentaires a été le meilleur programme gouvernemental pour s’attaquer à l’insécurité alimentaire, m’a-t-on dit, explique-t-il à Radio-Canada.
La faim se fait sentir
À la fin de septembre, Joseph Murdoch-Flowers, le directeur général du centre alimentaire Qajuqturvik à Iqaluit, estimait que l’insécurité alimentaire était « à un point de bascule ».
Le 17 septembre seulement, le centre alimentaire dit avoir nourri près de 8 % de la population d’Iqaluit, affirme M. Murdoch-Flowers, soit 639 repas seulement le midi.
Nous voyons la crise, mais comment peut-on fournir à la demande? s’indigne-t-il, précisant qu’il lui faudrait 1 million de dollars supplémentaires pour répondre à la demande.
Joseph Murdoch-Flowers précise qu’il a demandé des fonds supplémentaires à la Municipalité d’Iqaluit ainsi qu’au gouvernement territorial.
La difficulté à se procurer de la nourriture traditionnelle, comme de la viande de gibier ou du poisson, est un autre problème qui nuit à la sécurité alimentaire.
À Cambridge Bay, une communauté dans l’ouest du Nunavut, la faim se fait aussi sentir.
La fondatrice et directrice générale de la Kitikmeot Friendship Society, Kendall Aknavigak, a constaté une augmentation des besoins alimentaires du public qui fréquente les activités offertes par le centre.
Nous avons constaté une augmentation des personnes sur Facebook qui demandent des dons alimentaires, qui sollicitent des restes de repas, qui réclament de l’aide pour acheter des collations, du jus, des petites choses, déplore-t-elle.
Selon la candidate et députée sortante dans Cambridge Bay, Pamela Gross, il y avait beaucoup de gens reconnaissants à Cambridge Bay grâce au programme d’initiative pour l’enfance inuit.
Quand elle était ministre de l’Éducation avant la dissolution de l’Assemblée législative, Pamela Gross dit avoir plaidé auprès de ministres fédéraux pour qu’ils rétablissent le programme, notamment auprès de la ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty.
L’espoir, selon elle, est de voir le retour du programme dans sa version initiale dans le budget fédéral du 4 novembre prochain.
Les besoins sont criants cependant, explique la Dre Gonvindpillai, à tel point, dit-elle, que certains de ses collègues ont constaté que des Nunavmimiut souffraient « de la faim ».
C’était une première dans leur carrière, s’exclame-t-elle.
Une solution, explique Mme Aknavigak, serait de travailler avec les organismes locaux et à but non lucratif pour s’assurer qu’ils disposent d’un financement adéquat pour fournir des services.
Son organisme sert une centaine de personnes au fil de l’année dans une série d’activités.
Ce sont autant d’occasions d’offrir des repas ou des collations santé, confirme-t-elle.
Or, elle remarque depuis quelque temps une plus grande fréquentation des activités offertes par la Kitikmeot Friendship Society « parce que les participants savent que nous y offrons de la nourriture ».
Néanmoins, les organismes à but non lucratif ne devraient pas servir de solution tampon, croit M. Murdoch-Flowers.
« Il y a trop de barrières bureaucratiques », renchérit la Dre Govindapillai.
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