Face à Trump, le Canada présente un budget « historique »

Mark Carney parle en point de presse.
Le premier ministre du Canada Mark Carney (Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick)

Le Canada a présenté mardi un budget « historique », n’hésitant pas à doubler son déficit pour donner un nouveau souffle à l’économie de son pays bousculé par le virage protectionniste de son voisin américain.

Le budget de Mark Carney, élu il y a six mois sur la promesse de transformer le Canada, prévoit un déficit de 78,3 milliards de dollars canadiens (48,4 milliards d’euros) pour l’année en cours, soit quasiment le double de l’an dernier.

Nous avons le vent de face, a expliqué François-Philippe Champagne, le ministre des Finances, lors d’une conférence de presse pour justifier le creusement du déficit. Mais il y a une grande différence entre les dépenses et les investissements. Ce que vous voyez aujourd’hui, c’est un budget d’investissements.

Dans son document budgétaire, le gouvernement affirme que le contexte géopolitique actuel ne constitue pas « une simple transition ».

C’est une rupture, un changement de portée historique qui se déroule sur une courte période. Cette nouvelle réalité transforme nos fondations économiques, explique le gouvernement.

Les nouvelles politiques du président américain Donald Trump, qui a imposé des droits de douane à son allié, frappent en effet déjà durement le pays, faisant grimper le chômage et mettant sous pression les entreprises dans des secteurs cruciaux (automobile, aluminium, acier).

Ottawa a dit d’ailleurs s’attendre à un ralentissement de son économie en 2025 et 2026, tablant sur une croissance de 1,1% cette année (contre 1,9% prévu il y a un an) et de 1,2% en 2026 (contre 2,1% annoncé un an plus tôt).

Défendre chaque mètre carré

À 60 ans, Mark Carney, qui n’est entré en politique qu’en janvier, répète depuis des mois que la relation canado-américaine « ne sera plus jamais la même » et que le Canada devra faire des « sacrifices ».

Ottawa prévoit donc en parallèle des compressions de 60 milliards de dollars sur cinq ans au sein de la fonction publique, qui seront réinvestis dans les infrastructures, la défense et le logement pour aider le Canada face aux bouleversements économiques mondiaux provoqués par les droits de douane américains.

Le gouvernement canadien prévoit au total de dépenser, dans les cinq prochaines années, 115 milliards de dollars canadiens dans le développement de grandes infrastructures.

L’autre grand volet concerne le budget de la défense, qui est fortement revu à la hausse, comme le premier ministre l’avait déjà annoncé.

Quelque 82 milliards seront injectés dans la défense, pour aligner le Canada sur les objectifs de l’OTAN de 2% d’ici la fin de l’année et de 5% du PIB d’ici 2035.

Les dépenses militaires doivent permettre de moderniser et renforcer les forces armées pour défendre « chaque mètre carré » du territoire canadien, et notamment l’Arctique, aujourd’hui très convoité.

C’est un budget ambitieux avec beaucoup d’argent sur la table, mais est-ce que ça va changer la nature de l’économie canadienne et la rendre moins vulnérable par rapport aux Américains? Cela reste encore à démontrer, a réagi auprès de l’AFP Geneviève Tellier, professeure à l’université d’Ottawa.

Cette dernière note que l’environnement et la santé sont « les grands absents » de ce budget.

« Ce n’est pas un jeu »

Au Canada, le budget fait l’objet d’un vote de confiance, ce qui signifie qu’un vote défavorable entraînerait la chute du gouvernement et plongerait le pays dans sa deuxième élection en moins de 12 mois.

En effet, lors de leur victoire électorale en avril, les Libéraux n’ont pas réussi à obtenir la majorité au Parlement (il leur manque trois sièges).

Et ces dernières semaines, le gouvernement a été sous pression des autres partis: beaucoup pointent les nombreuses concessions faites aux Américains sans rien obtenir en retour. Il y a dix jours, Donald Trump a même mis brutalement fin aux négociations commerciales bilatérales.

Les conservateurs, principal parti d’opposition, sont sans doute les moins enclins à aider à faire adopter le budget. Leur chef, Pierre Poilievre, a formulé une série d’exigences en échange de son soutien.

Mais pour Geneviève Tellier, le contexte de guerre commercial « va permettre au budget de passer ».

Selon elle, aucun des partis d’opposition n’a intérêt à déclencher des élections prochainement.

Le vote sur ce projet de budget devrait se tenir autour de la mi-novembre.

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