Une délégation du Nord canadien ira en France pour demander l’extradition du prêtre Rivoire

Marius Tungilik, aujourd’hui décédé, et Steve Mapsalak sont deux victimes alléguées de l’ex-prêtre Johannes Rivoire (archives). (Photos fournies par Tanya Tungilik et Steve Mapsalak)
Une délégation inuit menée par Nunavut Tunngavik Inc. (NTI) se rendra en France du 12 au 15 septembre pour faire pression sur le gouvernement afin d’extrader l’ancien prêtre oblat Johannes Rivoire, accusé d’agressions sexuelles commises dans les années 1960 et 1970 au Nunavut.

La présidente de NTI, Aluki Kotierk, fait partie de la délégation de six personnes, qui espèrent rencontrer l’ex-prêtre Rivoire.

Son bureau a envoyé plusieurs lettres au responsable des Oblats, ainsi qu’au président Emmanuel Macron, à la première ministre et au ministre de la Justice.

Johannes Rivoire est un fugitif recherché au Canada, qui doit être traduit en justice.Aluki Kotierk, présidente, Nunavut Tunngavik Inc.

La présidente de Nunavut Tunngavik Inc., Aluki Kotierk, dit que l’église et ses prêtres ne sont pas au-dessus de la loi, et espère que l’ex-prêtre Rivoire sera traduit en justice au Canada. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

NTI a retenu les services d’une avocate spécialisée en immigration et en asile de droit français, Nadia Debbache, qui a déjà géré des cas semblables. Me Debbache est aussi membre de l’organisation Ending Clergy Abuse (ECA), qui défend les droits des enfants et des victimes du clergé dans le monde.

Elle explique qu’une décision sur l’extradition de l’ex-prêtre est attendue du ministre de la Justice français, Éric Dupond-Moretti, et que la pression du public français pourrait aider leur cause.

« Nous n’avons pas beaucoup de temps, car M. Rivoire est très âgé », dit Nadia Debbache.

Des victimes membres de la délégation

Steve Mapsalak, un ancien député territorial, fera partie de la délégation. Lorsqu’il avait 6 ans, il a dû quitter sa communauté de Naujaat pour se rendre à l’externat indien fédéral sir Joseph Bernier, à Chesterfield Inlet. C’est lors de son passage à l’externat, dans les années 1960, que l’ex-prêtre Rivoire aurait abusé de lui.

Steve Mapsalak arrive difficilement à mettre des mots sur ce qu’il a vécu, tant les souvenirs sont douloureux.

C’est embarrassant. C’est difficile. De penser que [les prêtres] m’ont enlevé de ma famille. Ce sont eux qui nous disaient ce qui était bien et ce qui était mal.Steve Mapsalak, membre de la délégation

Les deux enfants d’une ancienne présumée victime aujourd’hui décédée, Marius Tungilik, feront aussi partie du voyage. Tanya Tungilik sait déjà ce qu’elle dira à l’ancien prêtre si elle le rencontre.

« Je veux lui dire qu’il a ruiné la vie de mon père, et nos vies aussi. Je veux que Johannes Rivoire soit traduit en justice, qu’il soit emmené au Canada », raconte la résidente de Rankin Inlet.

Le père de Tanya Tungilik, qui aurait été victime de l’ex-oblat Johannes Rivoire, aurait voulu le confronter, mais est mort avant d’en avoir eu la chance. Tanya Tungilik fera partie de la délégation inuit qui se rendra en France. (Evan Mitsui/Radio-Canada)
L’ex-prêtre nie les allégations

Un premier mandat d’arrêt contre l’ex-prêtre a été lancé en 1998, mais Johannes Rivoire avait déjà quitté le Canada pour la France en 1993.

Selon le traité d’extradition entre le Canada et la France, les deux pays ne sont pas obligés d’extrader leurs propres nationaux, et Johannes Rivoire n’est pas légalement tenu de revenir au Canada pour faire face à la justice.

Johannes Rivoire est arrivé au Nunavut dans les années 1960 et est reparti en France en 1993.
(Lieve Halsbergue)

En 2017, le Service des poursuites pénales du Canada a suspendu les accusations, jugeant qu’il n’y avait plus de perspective raisonnable de condamnation contre l’ex-prêtre catholique.

La Gendarmerie royale du Canada au Nuvavut a porté au printemps dernier une nouvelle accusation contre Johannes Rivoire pour l’agression sexuelle présumée d’une femme inuk lorsqu’elle avait 6 ans dans les années 1970.

En juillet, une demande d’extradition a été faite envers la France concernant l’ancien oblat par le Service des poursuites pénales du Canada.

Lors d’une entrevue avec le réseau APTN en juillet 2022, le prêtre a nié avoir commis des agressions sexuelles sur des enfants inuit. Johannes Rivoire est aujourd’hui âgé de 92 ans et vit à Lyon.

Avec des informations de Juanita Taylor

Radio-Canada

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