Camouflage moins réussi pour le lièvre d’Amérique en raison du réchauffement

Au Yukon, le pelage des lièvres d’Amérique détonne de plus en plus de leur environnement, d’après une étude récente. Des chercheurs se demandent si cela ne rendra pas ces animaux plus vulnérables aux prédateurs à long terme.
Les lièvres d’Amérique changent de couleur, du brun au blanc, à l’automne, pour se fondre dans leur environnement et se tenir chaud en hiver, explique Charles Krebs, zoologiste à l’Université de la Colombie-Britannique, l’un des auteurs de l’étude publiée dans la revue Royal Society Open Science Journal.
Sachant que les changements climatiques dérèglent les températures et la couverture neigeuse, l’équipe de chercheurs dont il fait partie a étudié si les lièvres d’Amérique de la région de Kluane modifiaient le moment de leur mue en conséquence.
Il y aura toujours un décalage, parce qu’il neige parfois tôt à l’automne, puis tout refond pendant encore quelque temps, indique Alice Kenney, zoologiste, qui a également participé à l’étude. La question, c’est : est-ce que cela va empirer avec les changements climatiques? C’est difficile à savoir.
Contrairement aux attentes des chercheurs, aucune tendance tirée n’a permis de suggérer que les lièvres changeaient de couleur plus tard à l’automne ou plus tôt au printemps, en réponse à ces dérèglements.
Par contre, leur étude a mis en évidence un décalage plus important entre la couleur de ces mammifères et leur environnement local, ce qui signifie qu’ils sont moins bien camouflés au printemps et en hiver.
Les lièvres d’Amérique jouent en rôle crucial dans l’écosystème des forêts boréales et ce qui leur arrive peut avoir un effet domino sur d’autres espèces.
Leur population suit un cycle démographique aux 10 ans, durant lequel elle augmente progressivement pendant cette période, avant de s’effondrer brusquement.
Le niveau de population de leurs prédateurs, comme le lynx et le coyote, suit le même rythme, car les lièvres constituent leur principale source de nourriture.
Pièges photographiques
Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont eu recours à une méthode non invasive : ils se sont basés sur des photos de ces petits animaux, prises, chaque jour, à de courts intervalles de temps, dans le secteur de Kluane, grâce au projet de « piège photographique », dirigé par Alice Kenney depuis 10 ans.
Des données recueillies entre 2016 et 2022 ont ainsi permis de comparer l’épaisseur de la couche de neige au sol à la blancheur du pelage des lièvres.

Quand ils étaient au sommet de leur cycle, je me souviens d’avoir vu tellement de lapins, des milliers de photos de lapins, c’est probablement l’animal que nous voyions le plus souvent, explique le citoyen de la Première Nation Kluane Nick Johnson, engagé dans le projet depuis ses débuts et qui était chargé d’installer les caméras dans la forêt et de collecter les photos à la période estivale.
Impact incertain à long terme
Brian Melanson, un trappeur de Haines Junction, près de Kluane, a observé beaucoup de lièvres blancs cet automne avant la tombée des premières neiges.
Il faisait assez frais, mais il n’y avait pas de neige, et il y avait ces lapins blancs partout. J’ai remarqué que beaucoup plus de faucons et d’aigles les chassaient le long de la route et des chemins forestiers, ajoute-t-il.
Charles Kerbs confirme que les prédateurs en profitent, lorsque les lièvres sont plus facilement reconnaissables. Des recherches antérieures suggèrent que le taux de survie hebdomadaire des lièvres diminue jusqu’à 12 % lorsqu’ils ne se fondent pas dans leur environnement.
Il note toutefois que de courtes périodes de forte prédation n’ont souvent pas d’impact important sur les populations de lièvres d’Amérique, ce qui rend incertain l’effet à long terme de ce manque de concordance entre leur cycle de mue et l’environnement.
Il est possible qu’au fil du temps l’espèce s’adapte, un processus qui pourrait toutefois prendre des « dizaines, voire des centaines d’années », selon lui.
Avec les informations de Tori Fitzpatrick
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