Analyser les eaux usées pour mieux lutter contre la tuberculose au Nunavik

Des équipes de chercheurs se sont unies dans un projet d’analyse des eaux usées des villages du Nunavik, ce qui devrait aider la santé publique régionale à avoir un meilleur portrait de la transmission de maladies infectieuses, comme la tuberculose.
Des chercheurs de l’Université Laval et de l’Université d’Ottawa étaient présents à Kuujjuaq cette semaine. Ils avaient comme tâche d’échantillonner l’ensemble des déversements d’eaux usées dans le bassin de rétention du village, qui sont effectués par camions. La région ne dispose pas de système d’égouts.

À chaque camion-citerne, une petite quantité d’eaux usées était prélevée. Ces échantillons seront analysés dans les laboratoires de l’Université d’Ottawa, sous la supervision de Robert Delatolla.
Cette méthode s’était révélée bien utile pour détecter la prévalence de la COVID-19 dans certaines villes du pays.
On est capable parfois de voir le commencement d’une nouvelle maladie. On peut savoir, par exemple, qu’une vague de COVID va entrer dans la communauté, quelques jours ou même une semaine ou deux à l’avance, explique Robert Delatolla, professeur titulaire au Département de génie civil de l’Université d’Ottawa.

Au Nunavik, cette méthode d’analyse va permettre à la santé publique d’avoir un portrait fiable et rapide de l’évolution des maladies infectieuses, particulièrement la tuberculose.
La maladie a atteint des niveaux records dans la région, ce que la santé publique tente d’endiguer.
On peut imaginer qu’on va être capable d’utiliser les eaux usées pour mesurer les niveaux de circulation de la maladie et, parfois, voir si nos interventions sont efficaces, dit Yassen Tcholakov, directeur par intérim de la santé publique du Nunavik.

En plus de la tuberculose, on pourra aussi avoir plus de données sur la transmission de la rougeole, de l’hépatite A et des infections transmissibles sexuellement et par le sang, entre autres.
Un défi d’ingénierie
Contrairement aux systèmes d’égout traditionnels, l’utilisation des camions de pompage au Nunavik comporte son lot de défis pour les chercheurs.
D’abord, les scientifiques ont la contrainte de devoir récolter un échantillon à la sortie des camions, avant que les eaux usées soient mélangées au reste du bassin de rétention.
Le bassin, c’est un mélange d’eaux usées de plusieurs mois ou d’années. On ne pourrait pas détecter la bactérie ou le virus qu’on cherche parce qu’ils ne restent que quelques jours. Il faut que ça soit encore frais pour que ce soit utile, indique Stéphanie Guilherme, professeur au Département de génie civil et de génie des eaux de l’Université Laval.

Les camions propulsent toutefois les eaux usées avec une certaine force, ce qui peut causer des dégâts et beaucoup de désagrément.
On a donc mis au point plusieurs prototypes de robinet, qui permettent de récolter un échantillon sans gêner les travailleurs municipaux, qui seront mis à contribution.
La vitesse de l’échantillonnage est aussi primordiale, puisque les équipes municipales doivent travailler rapidement, pour desservir le plus de résidents possible.

L’appareil n’est pas encore parfait. Une version améliorée sera développée par la suite, pour faciliter l’échantillonnage.
On pense que, d’ici l’an prochain, on aura assez fait de tests pour avoir un bon prototype pour finalement l’installer dans les communautés, puis entraîner quelqu’un dans les communautés qui pourra faire l’échantillonnage, ajoute Stéphanie Guilherme.
La santé publique régionale a bon espoir d’être en mesure d’implanter cette méthode au Nunavik au cours des prochaines années. Ce sera un outil de plus pour les équipes, qui manquent parfois de données fiables (nouvelle fenêtre) sur la santé générale de la population.
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