Une clinique mobile de dépistage de la tuberculose s’installe dans le Grand Nord canadien

Une clinique mobile de dépistage de la tuberculose se tient à Pangnirtung jusqu’au 1er décembre. Le gouvernement du Nunavut a annoncé le 25 novembre 2021 le début de l’éclosion dans cette collectivité d’environ 1500 habitants. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
Le ministère de la Santé du Nunavut est sur le point d’amorcer une clinique mobile de dépistage communautaire de la tuberculose à Pangnirtung dans le but de tester le plus grand nombre de personnes qui se portent volontaires. Au mois de novembre, deux ans se seront écoulés depuis que le gouvernement territorial a déclaré une éclosion dans cette communauté de quelque 1500 habitants.

Le dépistage communautaire devait débuter mercredi, mais des intempéries ont retardé l’arrivée du personnel médical. Il doit donc commencer d’un jour à l’autre et s’échelonner sur une dizaine de semaines. D’ici au 1er décembre, le ministère de la Santé déploiera des équipes en rotation, constituées notamment de médecins, d’infirmiers, d’inhalothérapeutes et de techniciens de laboratoire.

« Cela signifie entre six et douze travailleurs supplémentaires », indique la gestionnaire intérimaire des programmes liés à la tuberculose au ministère de la Santé, Victoria Blanchard.

La clinique de dépistage est organisée dans la salle communautaire municipale de Pangnirtung. Selon le ministre de la Santé, la location de la salle coûte au gouvernement territorial entre 8000 $ et 12 000 $ par mois. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

La médecin hygiéniste en chef par intérim du Nunavut, Jasmine Pawa, souligne que « les taux de tuberculose des dernières années » ont motivé la décision des autorités, au début de l’année, de planifier une telle clinique communautaire.

« Certains des objectifs de ce dépistage sont d’identifier et d’offrir un traitement à toute personne atteinte de tuberculose active ou latente et de s’assurer que les membres de la communauté ont accès à l’information et à un endroit sûr pour poser des questions sur la transmission, le dépistage, le traitement et tout ce qu’ils veulent savoir au sujet de la tuberculose », dit-elle.

Le ministre de la Santé, John Main, considère surtout la clinique comme un « outil » pour mieux répondre à l’éclosion, mais il reconnaît que ce n’est pas une « solution miracle ». « C’est un marathon, pas un sprint », dit-il.

Dans un monde idéal, 100 % des résidents y prendront part, mais nous savons que certains membres de la communauté vont choisir de ne pas se faire tester.John Main, ministre de la Santé

Le gouvernement du Nunavut, l’organisme territorial inuit Nunavut Tunngavik (NTI) et Ottawa octroient un financement conjoint allant jusqu’à 4 millions de dollars pour la tenue de la clinique mobile à Pangnirtung. Le ministre John Main affirme toutefois que la facture totale ne sera connue que lorsque le dépistage sera achevé.

Dans un échange de courriels, NTI indique avoir conclu un accord de 2,5 millions de dollars avec le gouvernement territorial. L’organisme dit aussi embaucher deux résidents chargés de faire le lien entre la communauté et la clinique.

Le ministre de la Santé admet que la clinique de dépistage de Pangnirtung n’est qu’une première étape pour répondre à l’éclosion. (David Gunn/CBC)
Causes profondes

Radio-Canada s’est rendue à Pangnirtung à l’approche de la clinique de dépistage. Deux semaines avant le lancement, rien dans la communauté ne laissait présager la présence de la clinique.

Rencontré sur place, le maire de Pangnirtung, Eric Lawlor, attendait toujours que le gouvernement du Nunavut lui communique les dates exactes. « C’est un peu inquiétant que ça n’ait pas encore été annoncé ou publicisé », dit-il.

Selon le maire, la tuberculose est un sujet complexe dans la communauté et que, dans ce contexte, les communications avec le public sont primordiales.

Un grand nombre d’habitants vivent toujours avec des traumatismes associés au traitement de la tuberculose par le gouvernement canadien dans les années 1950 et 1960. Durant cette période, des milliers d’Inuit ont été envoyés dans des sanatoriums du sud du pays, et un grand nombre d’entre eux ne sont jamais revenus.

Eric Lawlor croit que la clinique mobile est un pas dans la bonne direction, mais qu’elle ne s’attaque pas aux racines de l’éclosion, alimentée notamment pas le surpeuplement des logements, l’insécurité alimentaire, la pauvreté et l’accès limité à des soins de santé.

La pénurie et le surpeuplement de logements présentent des risques pour la prolifération de la tuberculose. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
L’éclosion ne faiblit pas

À l’heure actuelle, Pangnirtung est l’une des trois communautés du Nunavut aux prises avec une éclosion de tuberculose, avec Pond Inlet et Naujaat.

La tuberculose latente signifie que la maladie n’est pas contagieuse tant que le malade suit un traitement par médicament. Si la maladie devient active et que des symptômes de toux, de fatigue, de fièvre ou de perte d’appétit apparaissent, les proches de la personne infectée risquent de contracter la maladie à leur tour.

Entre les mois de mai et d’août, une personne a reçu un diagnostic de tuberculose active à Pangnirtung, tandis que neuf autres ont appris qu’elles avaient contracté une tuberculose latente, selon les données du gouvernement du Nunavut.

Cela porte donc à 40 le nombre de résidents de cette communauté qui ont obtenu un diagnostic de tuberculose active depuis janvier 2021, et à 187, le nombre d’infections de tuberculeuse latente, selon la plus récente mise à jour du ministère de la Santé, datée du 26 août.

Le centre de santé de Pangnirtung. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
Plus de transparence demandée

Le ministère de la Santé ne publie pas le nombre de cas de tuberculose en temps réel, une approche qui a d’ailleurs été contestée par le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée du Nunavut dans le passé. Le gouvernement territorial s’est ensuite engagé à publier une mise à jour de chaque éclosion tous les trois mois.

S’il voit ce compromis d’un bon œil, le maire de Pangnirtung voudrait avoir une meilleure vue d’ensemble de l’éclosion. Il milite depuis longtemps pour des mises à jour plus fréquentes et détaillées, qui signalent notamment le nombre de personnes ayant guéri de la maladie.

« [Le ministère de la Santé] ne nous informe pas sur le nombre de personnes qui ont terminé leur traitement », dit-il.

Cela ne nous donne pas un aperçu détaillé de la situation. Cela entretient en quelque sorte un sentiment de peur.Eric Lawlor, maire de Pangirtung
Le maire de Pangnirtung affirme qu’il est difficile pour la communauté de mettre en place des mesures adéquates sans avoir accès à plus de données sur l’éclosion. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

Questionné à ce sujet, le ministre de la Santé affirme que la publication de données fait l’objet de discussions constantes au sein de son ministère. « Nous voulons trouver l’équilibre entre la protection de la vie privée et la transparence dans la communication avec la communauté », dit-il.

« L’une des choses auxquelles notre ministère fait face et qui nous freine […] c’est l’absence de système de surveillance en santé publique, une base de données qui existe déjà dans la plupart des autres entités au Canada », soutient John Main.

« C’est une chose que nous avons soulevée auprès de nos homologues fédéraux et des responsables de la santé publique à l’échelle nationale », ajoute-t-il.

En 2018, Ottawa et l’organisme national Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) ont annoncé un plan visant à réduire de moitié le taux d’infection par la tuberculose active dans les communautés inuit du pays d’ici 2025 et à éradiquer la maladie d’ici 2030.

Matisse Harvey, Radio-Canada

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