Les Autochtones de l’Alaska divisés sur les politiques d’extraction de Trump

Dès son premier jour au pouvoir, le président américain Donald Trump a désigné le développement des ressources de l’Alaska comme une priorité. Les chefs et militants autochtones en Alaska sont toutefois divisés au sujet des projets d’extraction sur leurs terres. Les partisans soutiennent que ces projets créent des emplois et financent les infrastructures, tandis que les opposants affirment qu’ils mettent en péril l’environnement et les traditions ancestrales.
Dans le sud-ouest de l’État, un projet minier d’envergure, le projet Donlin Gold, fait depuis longtemps l’objet de débats. Les partisans du projet – développé par des investisseurs privés en collaboration avec des sociétés autochtones propriétaires des terres et des droits miniers – vantent la création d’emplois, les dividendes versés aux actionnaires et les fonds destinés à financer des services aux villages et l’éducation, entre autres.
« Ce type de projet, puisqu’il se déroule sur nos terres, est différent de la plupart des autres projets liés aux ressources, car nous avons littéralement notre mot à dire », soutient Thomas Leonard, vice-président des affaires générales chez Calista Corp., une société régionale autochtone d’Alaska impliquée dans le projet.
Mais les opposants au projet, tels que le groupe de défense de l’environnement Mother Kuskokwim Tribal Coalition et certaines tribus de la région, s’inquiètent des risques environnementaux. « Protéger la rivière, la terre et la planète fait partie du partenariat et de la relation que nous entretenons en tant que gardiens du territoire », estime Gloria Simeon, une résidente yup’ik de la ville de Bethel.
Plus d’un Alaskien sur cinq s’identifie comme autochtone – seul ou en combinaison avec un autre groupe ethnique –, ce qui représente le ratio le plus élevé de tous les États, selon les chiffres du recensement américain de 2020.
Les Autochtones en Alaska, qui comprennent les Aléoutes, les Athabascans, les Iñupiat, les Tlingit, les Yup’ik et d’autres groupes, partagent une histoire qui remonte à des milliers d’années, ainsi que des traditions culturelles et spirituelles. Mais la campagne de Trump en faveur du forage et de l’exploitation minière ravive le débat au sein des communautés au sujet des terres qu’ils considèrent comme sacrées.
Prospérité et sécurité économique
Les dirigeants politiques de l’Alaska ont salué cette initiative visant à accroître l’exploitation minière, pétrolière et gazière, notamment la délégation républicaine au Congrès et le gouverneur Mike Dunleavy, qui a qualifié son État « d’entrepôt des ressources naturelles de l’Amérique ».
Certains dirigeants autochtones ont également montré leur soutien aux politiques républicaines, affirmant que ces projets étaient essentiels pour leur développement économique et leur autodétermination. Ils ont par ailleurs accusé l’ancienne administration du président Joe Biden de les avoir ignorés.
« Nous avons besoin d’emplois. Notre peuple a besoin de formation pour devenir autonome. Nos enfants ont besoin d’un avenir. »
Une citation de PJ Simon, premier chef du Conseil tribal d’Allakaket

PJ Simon a ajouté que les communautés peuvent préserver leurs traditions tout en bénéficiant du développement économique, mais qu’il est essentiel que les responsables publics et les entreprises les incluent dans la planification. « Les peuples autochtones veulent être entendus, pas mis de côté », a-t-il précisé.
Le maire Nathan Gordon Jr. de Kaktovik, la seule communauté située dans la Réserve faunique nationale de l’Arctique, a salué le mégaprojet de loi budgétaire. Selon lui, « le projet de loi permet à Kaktovik de renforcer [sa] communauté, de préserver [ses] traditions culturelles et la garantie de pouvoir rester sur [les] terres pendant de nombreuses années », a-t-il déclaré dans un communiqué publié par Voice of the Arctic Iñupiat, un groupe militant en faveur de l’exploration pétrolière.
Donald Trump a désigné le développement des ressources de l’Alaska comme une priorité dans un décret signé dès son premier jour au pouvoir, en janvier dernier. « L’exploitation de ces richesses naturelles permettra d’accroître la prospérité de nos citoyens tout en contribuant à renforcer la sécurité économique et nationale de notre pays », indique le décret.
Le décret a ouvert la voie au forage dans une partie de la Réserve faunique nationale de l’Arctique et a retiré la limite imposée par l’ancienne administration Biden sur l’exploitation pétrolière de la réserve nationale de pétrole de l’Alaska.
Le mégaprojet de loi budgétaire de Donald Trump adopté le 3 juillet dernier par le Congrès américain a ainsi autorisé la vente de concessions supplémentaires dans la réserve nationale de pétrole l’Alaska et l’ouverture de zones supplémentaires à l’exploitation potentielle.
Manque de respect pour nos traditions
Les opposants autochtones à ces projets d’extraction soutiennent toutefois que les gains économiques à court terme s’accompagnent d’impacts environnementaux à long terme. « Nous sommes en quelque sorte considérés comme la dernière frontière, comme si nous disposions de ressources illimitées », déplore Sophie Swope, directrice exécutive du groupe de défense de l’environnement Mother Kuskokwim Tribal Coalition.
Elle ajoute que des espèces névralgiques de l’Alaska, telles que le saumon, le cerf et d’autres animaux sauvages migrateurs, sont menacées à la fois par une pêche océanique trop intensive et par les industries extractives.
« Il y a ce manque de respect pour nos modes de vie traditionnels de subsistance. »
Une citation de Sophie Swope, directrice exécutive du groupe de défense de l’environnement Mother Kuskokwim Tribal Coalition

( Lindsey Wasson/Associated Press)
Les opposants au forage pétrolier dans la Réserve faunique nationale de l’Arctique craignent que ces projets ne perturbent de manière permanente la migration à longue distance des caribous, que les peuples autochtones chassent depuis des millénaires.
La Tanana Chiefs Conference, une coalition représentant des dizaines de tribus de l’intérieur de l’Alaska, au sud de la réserve, s’oppose depuis longtemps au forage. Le chef de la Tanana Chiefs Conference, Brian Ridley, admet comprendre le point de vue des chefs tribaux favorables aux projets d’extraction, compte tenu de la pénurie d’emplois bien rémunérés dans de nombreux villages.
Mais les inquiétudes concernant les impacts environnementaux à long terme l’ont incité à s’opposer à des projets tels que le forage pétrolier dans la Réserve faunique nationale de l’Arctique et dans les Yukon Flats, ainsi qu’à la construction de la route dite Ambler Road, qui pourrait ouvrir l’accès à l’exploitation minière dans des zones plus reculées.
M. Ridley a expliqué avoir récemment participé à une conférence nationale avec d’autres chefs tribaux qui ont tous exprimé le même sentiment : « il faut s’opposer aux projets de développement sur nos terres ou à proximité de nos terres qui promettent des emplois et autres avantages, mais qui finissent par disparaître, nous laissant avec les aspects négatifs à long terme, du nettoyage et de la restauration ».
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