Habitations modulaires : une solution à la crise du logement au Nunavik?

De plus en plus présentes au Nunavik, les habitations modulaires pourraient bien changer la donne dans la lutte contre la crise du logement qui frappe les communautés inuit du Nord canadien.
Entouré d’un nuage de mouches noires, omniprésentes durant les mois d’été, Willie Gadbois supervise l’installation d’une section d’un immeuble modulaire.
Son entreprise, Nunavik Modulaire, a été mandatée pour construire un camp de travailleurs de 20 chambres à Kuujjuaq.
Tout est pensé pour réduire au minimum la main-d’œuvre nécessaire à l’installation de ces modules.
Dans ce cas-ci, seulement quatre travailleurs sont requis, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre.
Malgré ce petit nombre de travailleurs, la structure prend forme à une vitesse impressionnante.
Plomberie, systèmes électriques et chauffage sont déjà intégrés. Même les lits et les télévisions sont en place.

« Pour un bâtiment de 20 chambres, ça va prendre de deux à trois semaines, puis ça va être vivable. On peut même les envoyer meublés avec tout dedans », explique l’entrepreneur.
Les modules plus petits, comme les habitations ne comportant qu’une chambre, ne requièrent que de deux à trois jours pour l’installation.
« Nos maisons, c’est du plug and play! », souligne l’entrepreneur.
Un atout face à la courte saison
Cette rapidité représente un avantage majeur dans un contexte où la saison de construction est particulièrement courte.
L’arrivée précoce de l’hiver interrompt souvent les chantiers, limitant la capacité de bâtir plus de logements.
« À cause du froid, on ne peut pas vraiment bâtir dans le Nord l’hiver. Puis ça prend beaucoup de temps l’été pour recevoir tes matériaux pour monter des bâtisses », souligne Willie Gadbois.
C’est là que la fabrication en usine entre en jeu.

À Napierville, en Montérégie, une quinzaine de personnes travaillent à temps plein pour Nunavik Modulaire.
Beau temps, mauvais temps, l’entreprise peut produire jusqu’à 60 modules par an.
Une solution face à la crise?
Cette stratégie de construction attire l’attention de l’Office d’habitation du Nunavik (OHN). L’organisme gère la quasi-totalité des logements dans la région, faute de marché immobilier abordable.
En 2024, l’OHN estimait qu’il manquait plus de 1000 logements pour répondre à la demande.
Le manque de main-d’œuvre, combiné à la saison de construction écourtée, freine la livraison de nouvelles habitations.
« Selon moi, il y a une économie d’échelle à faire là. Avec la même somme d’argent, on pourrait peut-être en faire plus pour combattre la crise », estime Lupin Daigneault, directeur général de l’OHN.
L’organisme n’a toutefois pas encore franchi le pas. Avant d’opter pour cette formule, il veut s’assurer de la durabilité des constructions, qui doivent résister aux conditions extrêmes du Nord canadien.
Contrainte du transport
Le transport demeure un obstacle de taille. Les modules doivent être acheminés par navire, ce qui complique la logistique.
Daniel Desgagnés, directeur des ventes pour Desgagnés Transarctik, constate lui aussi la montée en popularité de cette formule.
Depuis les deux ou trois dernières années, on voit plus de projets émerger. […] Ça semble être la solution pour les prochaines années au niveau du manque de main-d’œuvre pour construire
, observe-t-il.

Par contre, les modules sont volumineux et, s’ils ne sont pas empilables, ils entraînent une perte de capacité de chargement.
Le risque, c’est que la perte de volume fera augmenter les coûts de transport pour le reste du cargo
, ajoute-t-il.
Face à la popularité grandissante de ce modèle de construction, les transporteurs n’ont donc pas d’autres choix que de collaborer en amont avec les fabricants, pour que ceux-ci adaptent leur produit au transport maritime.
Nunavik Modulaire travaille par ailleurs sur une solution pour empiler ses modules, à la manière d’un conteneur maritime, ce qui pourrait régler une partie de ce problème.
Ça va être important, parce qu’évidemment, on ne peut pas grossir indéfiniment les navires. On doit être capable d’entrer dans certaines rivières dans ces régions-là
, ajoute Daniel Desgagnés.
Une solution à confirmer
Rapides à assembler et pensées pour le Nord canadien, les maisons modulaires pourraient bien trouver leur place au Nunavik.
La question demeure à savoir si elles pourront résister au froid et aux longues traversées maritimes avant de pouvoir combler une partie du manque criant de logements.