Plastique dans le poisson, une scientifique sème la controverse
Une scientifique de l’Université Memorial à Terre-Neuve (est du Canada) s’est attiré les foudres de ses collègues après avoir publié une étude dans laquelle elle affirme que ce ne sont pas tous les poissons qui ingèrent du plastique.
« J’ai reçu beaucoup de messages haineux », déclare d’emblée Max Liboiron, professeure associée au département de géographie à l’Université Memorial.
En avril dernier, elle a publié une étude dont l’objectif était d’évaluer la quantité de plastique retrouvé dans les tissus du merlu argenté, une espèce qui fréquente les eaux chaudes de l’Atlantique.
Des 134 poissons échantillonnés au sud de Terre-Neuve, en plein dans le Gulf Stream, aucun ne contenait du plastique.
« Nous avons eu toute une surprise, indique la scientifique. On s’attendait vraiment à retrouver du plastique, et ce, en grande quantité étant donné que le Gulf Stream est reconnu comme étant relativement sale. »
Des résultats inattendus
Max Liboiron et son équipe étaient « stupéfaits », car ils n’avaient jamais rien vu de tel.
Toutefois, après d’intenses recherches au sein de la littérature scientifique, ils se sont rendu compte que 41 % des études analysant l’ingestion de plastique par les poissons obtenaient des résultats nuls.
« C’est très méconnu, car publier une étude nulle est difficile et pas très bien vu. D’autant plus que c’est compliqué d’obtenir des subventions pour des études subséquentes », explique professeure Liboiron.
Les études avec des résultats nuls sont pourtant très importantes, selon elle.
Pourquoi? « Parce que c’est important de nuancer la conversation. Dans mon cas, c’est important de remettre les faits en place en ce qui concerne la pollution par le plastique. »
Accusée de travailler pour « l’industrie »
La communauté scientifique a très mal accueilli le fait qu’une de leurs collègues publie une étude à contre-courant, affirme-t-elle.
« On m’a accusé de travailler pour l’industrie du plastique », se désole Max Liboiron, qui se décrit aussi comme militante environnementale.
Elle dit toutefois comprendre pourquoi d’autres scientifiques peuvent avoir cette réflexion.
« Je comprends, car souvent c’est une tactique de l’industrie pour démontrer que le plastique ne pose pas problème. En plus, les mégas entreprises de plastique sont à la recherche d’études comme la mienne pour renforcer leur point », illustre la professeure.
Démêler les fake news environnementales
Un des chevaux de bataille de Max Liboiron est de démanteler les fausses nouvelles, communément appelées fake news, qui touchent la pollution.
Ces fausses nouvelles, qui deviennent souvent virales sur les réseaux sociaux, sont la plupart du temps communiquées sous la forme d’images troublantes et dramatiques, accompagnés de faits non vérifiés.
« Plusieurs personnes ont vu une photo d’un albatros sur une plage, le ventre ouvert et rempli d’objets de plastique. Eh bien cet oiseau n’est pas mort parce qu’il a ingéré du plastique, mais plutôt parce qu’il s’est pris dans un filet de pêche et est mort de faim. Pour ces oiseaux et pour beaucoup d’autres, les filets de pêche causent beaucoup plus de mortalité que le plastique en soi. »
Elle donne aussi l’exemple d’une affirmation qui circule beaucoup sur les réseaux sociaux et qui mentionne qu’il y aura « autant de plastique dans l’océan que de poissons en 2050 ».
« La réalité est qu’on ne peut pas savoir ça. On ne connaît pas la biomasse exacte des poissons dans l’océan ni la quantité de plastique qu’on y retrouve. On peut faire des estimations, mais on ne peut pas affirmer quelque chose comme ça », explique-t-elle.
Elle estime que cela fait en sorte que les actions ne sont pas posées aux bons endroits : « On essaye de combattre tout le plastique, partout et sous toutes les formes, mais on mélange plein de choses, donc au final on s’éparpille et on ne règle pas le problème. »
C’est la même chose pour les poissons, ajoute Max Liboiron. « Si on veut combattre la pollution par le plastique chez les poissons, il faut étudier [les 60 % d’entre eux qui mangent du plastique], comme le démontrent nos recherches. Ainsi, on aura une meilleure idée de qui sont ces poissons et de comment on peut s’adresser au problème. »
Quoi qu’il soit, la professeure tient à préciser que le plastique se retrouve dans l’eau, peu importe qu’il soit ou non à l’intérieur de l’estomac d’un poisson.
En lien avec votre action, dessinatrice, j’ai réalisé une série sur la pollution des océans réalisée à partir de photographies de particules de plastiques trouvées sur des plages aux quatre coins du monde, dont une baie Canadienne ! Plusieurs ONG internationales de protection des océans ainsi que des scientifiques m’ont envoyé des photographies de ces fragments de plastique. Prenez le temps de découvrir ces dessins ⬇️
https://1011-art.blogspot.com/p/ordre-du-monde.html