Tambours et chants de gorge inuit s’exposent au Musée des beaux-arts de Montréal

Danseuse à tambour, de Manasie Akpaliapik (1987) (Ivanoh Demers/Radio-Canada)
Des tambours en os de baleine, en peaux, mais aussi dessinés sur des estampes. Des duos de figurines se touchant presque du bout du nez. Et partout, des gorges déployées pour représenter des pratiques musicales immémoriales. Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) lance l’exposition TUSARNITUT! La musique qui vient du froid, une incursion au sein de l’imaginaire musical inuit.

Après À plein volume : Basquiat et la musique, le MBAM poursuit donc son exploration des liens entre arts visuels et musique en se penchant désormais sur les œuvres plastiques inuit inspirées par deux genres musicaux venus de l’Arctique : les danses à tambour et les chants de gorge.

Quelque 200 artefacts regroupés dans une salle toute en rondeurs, au diapason des cercles de chants, racontent un art polymorphe qui accompagne aussi bien les chasses et pêches fructueuses que les célébrations du solstice ou qui constitue tout simplement un divertissement, voire une compétition où le premier chanteur à bout de souffle perd.

Au fil du parcours, le rôle fondamental de la musique dans la vie des Inuit se lit sur les visages particulièrement expressifs des sculptures de pierre.

Tusarnitut! est à l’affiche du MBAM jusqu’au 12 mars 2023. (Ivanoh Demers/Radio-Canada)

La salle d’exposition est surplombée de performances filmées rappelant que, malgré les tentatives d’assimilation des autorités coloniales, le chant de gorge (kattajjaq) a survécu et qu’il reste bel et bien vivant au sein des communautés.

Dans certaines d’entre elles, les pratiques musicales possèdent un rôle fort de cohésion sociale. Une maquette de danse à tambour indique que cette dernière servait à départager les parties rivales lors de conflits (conjugaux, alimentaires, etc.) et rétablissait l’ordre au sein du groupe.

Une maquette de l’artiste Therese Natsiq Tulugatjuk représentant la danse à tambour à Iglulik (1977) (Ivanoh Demers/Radio-Canada)

Le quart environ des artefacts exposés provient de la collection de l’ethnomusicologue Jean-Jacques Nattiez, professeur émérite à l’Université de Montréal et commissaire invité. Ce dernier explique qu’il a commencé à établir sa collection au début des années 1970 alors qu’il effectuait des recherches sur la musique des Inuit.

Bien que la pratique musicale soit ancestrale, les objets exposés sont relativement récents et datent, pour la plupart, de la seconde moitié du 20e siècle. « La pratique de l’estampe a émergé dans les années 1950, quand les Inuit ont commencé à les vendre aux Blancs », explique M. Nattiez.

Joyeuses extrapolations

Le parcours muséal démontre bien les liens entre les différentes régions circumpolaires, de la Tchoukotka (Grand Nord russe) au Groenland, en passant par l’Alaska et le Canada.

Une photographie datant de 1904 de deux femmes pratiquant le katajjaniq, un genre musical circumpolaire. (Ivanoh Demers/Radio-Canada)

Parmi les temps forts de l’exposition, une photographie datant de 1904 de deux jeunes filles tchouktches illustre les similitudes entre les chants de gorge sibérien et inuit bien que les deux peuples soient séparés de 8000 kilomètres.

Intrigante aussi, la Danseuse à tambour de Manasie Akpaliapik (Nunavut), une sculpture contemporaine osant inverser les rôles, puisque la danse à tambour inuit est généralement exécutée par des hommes.

Les animaux, très présents dans l’imaginaire des légendes autochtones, s’emparent eux aussi de l’instrument : ours et morses se transforment en musiciens dans plusieurs sculptures exposées.

L’artiste nunavimmiuq Lalli Betsy Annanack les réunit même dans une œuvre tissée de laine feutrée où un morse et un phoque interprètent un kattajjaq en se tenant par les épaules.

Musiciens, de Pootoogook Jaw (vers 1990) (Ivanoh Demers/Radio-Canada)

Fidèle à sa géolocalisation, l’art inuit extrapole volontiers son thème pour le plus grand plaisir du spectateur. Dans la salle d’art contemporain, un groupe de rock se glisse dans une représentation traditionnelle du chant; là, le corps d’une guitare électrique sert de canevas aux pinceaux de Shuvinai Ashoona.

Absence d’Autochtones

Seul bémol, celui de ne pas avoir permis à ces voix inuit de présenter leur travail lors du lancement de presse. La co-commissaire inuk de l’exposition Lisa Qiluqqi Koperqualuk n’était pas présente, retenue par la COP27 en Égypte. Dans une vidéo de présentation, elle a néanmoins souligné la fierté des artistes inuit exposés.

Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal (Ivanoh Demers/Radio-Canada)

Interrogée sur l’absence d’Autochtones sur place lors du lancement, la nouvelle conservatrice en chef Mary-Daily Desmarais a rétorqué que ces artistes habitent loin, que les convier en personne coûte cher et que plusieurs d’entre eux ne peuvent pas quitter leur famille et leur communauté pour voyager.

« On n’est pas dans le tokénisme », a ajouté Mme Desmarais, en désignant une pratique à laquelle un groupe ou un organisme a recours, afin d’inclure des personnes des minorités, dans le but de pouvoir se targuer d’être inclusives.

Un article de Maud Cucchi, Radio-Canada

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