Des plantes boréales figées sous les glaces de l’Arctique canadien pendant plus de 40 000 ans

Le chercheur à l’Institut de recherche arctique et alpine de l’Université du Colorado à Boulder, Gifford Miller, qui a contribué à l’étude, tient de la mousse collectée aux abords d’un glacier de l’île de Baffin, dans le nord-est canadien. (Matthew Kennedy/Earth Vision Institute/Courtoisie de Simon Pendleton)
La hausse des températures dans l’Arctique canadien a entraîné la fonte de glaces qui avaient emprisonné des plantes boréales pendant plus de 40 000 ans. Une récente étude menée par une équipe de chercheurs américains révèle que l’île de Baffin, dans le nord-est du Canada, traverse le siècle le plus chaud en 115 000 ans.

« À quand remonte la dernière fois dans l’Histoire où les conditions ont été aussi chaudes? », s’est d’abord interrogé l’auteur principal de l’étude, Simon Pendleton, et étudiant au doctorat à l’Institut de recherche arctique et alpine de l’Université du Colorado à Boulder, aux États-Unis.

L’étude, publiée le 25 janvier dans la revue scientifique Nature Communications, conclut que les températures enregistrées dans l’est de l’île de Baffin durant le dernier siècle ont suffi aux calottes glaciaires pour retrouver la même dimension qu’elles avaient il y a 115 000 ans.

Les glaciers et les calottes glaciaires de l’île de Baffin, dans l’Arctique canadien, ont rétréci rapidement au cours des dernières décennies. D’après les chercheurs, de la mousse recueillie aux abords de cette calotte glaciaire daterait d’il y a plus de 48 000 ans. (Gifford Miller/Courtoisie de Simon Pendleton)

Selon l’étudiant au doctorat spécialisé en géologie glaciaire, il faut remonter au début de l’Holocène – il y a environ 10 000 ans – pour retrouver un important réchauffement des températures. « C’était principalement dû à un pic de radiations solaires entrant dans l’hémisphère nord », explique Simon Pendleton, en faisant référence à l’orientation de la Terre lors de sa rotation en orbite autour du Soleil.

Entre 2013 et 2015, les chercheurs de l’Université du Colorado à Boulder ont employé une méthode de datation au radiocarbone pour dater 48 échantillons de végétation – principalement de la mousse et différentes variétés de lichens – récoltés aux abords de 30 calottes glaciaires différentes de l’est de l’île de Baffin, dans le territoire nordique du Nunavut.

Des glaciers plus « doux »

Selon l’étude, les calottes glaciaires examinées par l’équipe de chercheurs interagissent plus doucement avec le paysage que d’autres glaciers de l’Arctique. « Contrairement aux autres glaciers, ils ne glissent pas à leur base, ils sont donc complètement gelés au sol », décrit Simon Pendleton, en entrevue téléphonique avec Regard sur l’Arctique.

Plutôt que de sculpter des canyons et de creuser des sillons dans un substrat rocheux solide, les glaciers de l’est de l’île de Baffin ont eu tendance à recouvrir graduellement la flore au sol. « Ça a tué la végétation, mais elle a été figée sur place, précise-t-il. Donc plusieurs milliers d’années plus tard […] la plante est exactement au même emplacement où elle se trouvait lorsqu’elle était recouverte par la calotte glaciaire. »

« Les résultats de notre étude nous permettent de prouver que ces paysages ont été figés sous les glaces pendant au moins 40 000 ans », soutient le chercheur Simon Pendleton.(Gifford Miller/Courtoisie de Simon Pendleton)
« Course contre la montre »

Les plantes boréales se désintègrent et disparaissent rapidement une fois libérées des glaces, explique le chercheur. « Cela nous permet de dire avec assurance que l’âge de la plante équivaut à la période la plus récente pendant laquelle le paysage était recouvert de glace, et ce, jusqu’à notre échantillonnage », mentionne-t-il.

Comme la fonte des glaces s’accélère chaque année, le chercheur sent l’urgence de recueillir d’autres échantillons de plantes boréales, cette fois dans le nord de l’île de Baffin, avant qu’elles ne soient emportées par l’usure du temps. « C’est en quelque sorte une course contre la montre », résume-t-il.

« Nous espérons poursuivre nos recherches plus au nord dans l’Arctique pour recueillir d’autres échantillons de végétation libre de glace », mentionne le chercheur au doctorat à l’Université du Colorado à Boulder, Simon Pendleton. (Matthew Kennedy/Earth Vision Institute/Courtoisie de Simon Pendleton)

Dans son rapport publié en décembre (en anglais), l’Agence américaine océanographique et atmosphérique a révélé que 2018 avait été en deuxième position des années les plus chaudes jamais enregistrées dans l’Arctique. Le réchauffement y est deux fois plus rapide que la moyenne mondiale.

La survie des glaciers menacée

Contrairement à la faune et à la flore, les glaciers ne disposent pas de mécanismes pour survivre à une période de hautes températures. « D’une certaine manière, la biodiversité s’adapte aux températures et parvient à survivre, tandis qu’un glacier est beaucoup plus à la merci du climat », rapporte le scientifique.

Bien que les chercheurs n’aient pas formellement effectué de prédictions sur la proportion de la calotte glaciaire de l’île de Baffin qui risque de s’amenuiser, Simon Pendleton croit qu’il faut s’attendre à ce que les plus petits glaciers disparaissent dans un avenir proche.

« D’ici à la fin du siècle, nous allons voir les glaciers rétrécir considérablement. »

Simon Pendleton, premier auteur de l’étude et étudiant au doctorat à l’Institut de recherche arctique et alpine de l’Université du Colorado à Boulder

Avant d’entamer leurs recherches, les chercheurs ont reçu un financement de l’Université du Colorado à Boulder et de la Fondation nationale pour la science, une agence indépendante qui finance la recherche scientifique aux États-Unis.

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