Étudier l’aspect psychologique de missions polaires pour préparer de futures missions humaines sur Mars

La NASA étudie le rôle que joue l’humour dans la bonne cohésion des groupes en milieux isolés pendant une longue durée. (RichVintage/Getty Images)
La première mission humaine sur Mars n’est pas prévue avant l’an 2043, mais la NASA cherche activement à définir le profil des astronautes qui prendront part à cette expédition extrêmement longue et exigeante. Avoir le sens de l’humour semblerait être un grand atout.

C’est en observant des missions polaires en Antarctique et en Arctique pendant plus de dix ans que l’anthropologue Jeffrey Johnson, de l’Université de Floride, est arrivé à repérer les différents « rôles informels » qui émergent au sein d’un groupe en milieu isolé et confiné pendant de longues durées.

Après avoir travaillé avec les missions américaine, chinoise, russe, polonaise et indienne dans le pôle Sud, il s’est particulièrement intéressé au rôle de l’humour dans le développement d’une bonne cohésion au sein des groupes, toutes nationalités confondues.

En collaboration avec la NASA, le professeur applique aujourd’hui ses recherches à huit groupes d’astronautes confinés dans un habitat simulant les conditions de vie sur Mars pendant un à deux mois.

Plusieurs facteurs de stress

« L’idée est de voir comment les gens performent dans ces conditions difficiles où ils seront assujettis à des privations de sommeil et où les délais de communications avec la Terre peuvent aller jusqu’à plus de 20 minutes », explique M. Johnson.

Selon lui, le voyage vers Mars est très exigeant aussi bien sur le plan physique que psychologique. « Il faut compter neuf mois pour l’aller, au moins un an sur place et puis neuf mois pour le retour, ce qui fait près de trois ans loin de la Terre, dit-il. Les gens vont se sentir nostalgiques, leur famille et leurs amis vont leur manquer. » De plus, il ajoute qu’on doit tenir compte de l’effet du manque de sommeil et de l’exposition aux radiations sur les facultés cognitives des astronautes.

« Beaucoup de facteurs peuvent être source de stress, il faut donc avoir quelqu’un qui a la capacité de réduire ce stress-là. Et l’humour peut certainement améliorer la cohésion du groupe. »

Jeffrey Johnson, anthropologue de l’Université de Floride

Le professeur tient toutefois à souligner que « faire le clown » ne suffit pas pour être qualifié. En plus de sa capacité à tirer un sourire, le candidat idéal doit avoir une forte intelligence sociale ou interpersonnelle afin de savoir quand et comment faire de l’humour.

« Ces personnes doivent avoir une bonne connaissance du groupe dans lequel elles se trouvent, elles doivent comprendre les dynamiques en place et utiliser ces informations pour réduire les tensions lorsqu’elles surviennent », soulève M Johnson. « Il leur faudra également être d’excellents scientifiques et ingénieurs, et être en mesure de passer avec succès un programme de formation rigoureux », ajoute-t-il.

Vue de la planète rouge prise par le télescope Hubble de la NASA en mai 2016. (NASA/Reuters)
Savoir remonter le moral

Pour appuyer ses conclusions, le professeur américain s’est penché sur la mission polaire de l’explorateur norvégien Roald Amundsen entre les années 1910 et 1912. Selon lui, c’est la joie de vivre du cuisinier à bord, Adolf Lindstrøm, qui a joué un rôle primordial dans le succès de cette mission, soulageant le stress de l’équipage lors des longues nuits polaires.

« Il a rendu des services bien plus grands et plus précieux à l’expédition norvégienne que tout autre homme », a écrit Amundsen dans son journal en 1911.

« Lindstrøm savait remonter le moral, il était toujours jovial et aimé de tous, raconte M. Johnson. Il faut se rappeler que l’équipage d’Amundsen était coincé pendant tout l’hiver avant de pouvoir se rendre au pôle Sud. Le moral devait être bon pour le succès de la mission. »

Au cours de ses observations, l’anthropologue a repéré d’autres profils importants pour la réussite d’une mission de longue durée dans des milieux isolés, dont ceux de « leader », de « pacificateur » ou encore de « médiateur ».

« Certaines personnes sont douées pour bien occuper leur temps et celui des autres avec des activités divertissantes et utiles, comme apprendre une nouvelle langue, par exemple, explique M. Johnson. Ceux-là, je les appelle des leaders déclarés : ils savent comment tuer l’ennui et pousser les gens à interagir de manière positive et efficace pour tout le monde ».

« Ces rôles sont informels, certes, mais ils sont d’une grande importance pour la réussite des missions de longue durée dans des conditions extrêmes », conclut-il.

Rania Massoud, Radio-Canada

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