Des rennes de l’Arctique norvégien modifient leur alimentation en raison du réchauffement climatique

Les rennes de l’archipel du Svalbard parviennent à s’adapter aux changements climatiques en se nourrissant d’algues le long des littoraux, selon une récente étude de l’Université norvégienne des sciences et des technologies. (Martin Bureau/AFP/Getty Images)
Les changements climatiques dans l’Arctique contraignent les rennes de l’archipel norvégien du Svalbard à se nourrir d’algues pour survivre, souligne une récente étude de l’Université norvégienne des sciences et des technologies.

« Les données nous ont montré que ces animaux se rendent de plus en plus vers les littoraux pour se nourrir des algues qui se déposent à marée basse sur le rivage […] », explique le coauteur de l’étude Jeffrey Welker, qui était responsable des analyses isotopiques des échantillons de biomasse marine et de matière fécale prélevés dans l’archipel norvégien, situé à l’est du Groenland. Le scientifique est professeur à l’Université d’Anchorage en Alaska ainsi qu’à l’Université d’Oulu, en Finlande, et est directeur de la chaire de recherche de l’Université de l’Arctique.

L’étude, publiée le 23 avril dans la revue scientifique Ecosphere, visait à mesurer l’impact des bouleversements climatiques sur l’alimentation des rennes, des cervidés désignés par le terme « caribous » au Canada et en Alaska. « Les caribous se regroupent sous forme de hardes […] mais on ne peut pas vraiment parler de hardes dans l’archipel du Svalbard, plutôt de groupes », précise le chercheur, en entrevue téléphonique avec Regard sur l’Arctique.

Remplacer les lichens par des algues

« Les rennes de Svalbard sont-ils portés à se tourner vers des plantes marines, comme les algues, lorsque des couches de glace recouvrent les sols? », se sont initialement interrogés Jeffrey Welker et ses collègues norvégiens et danois.

Grâce à des données de 2006 à 2015 liées aux déplacements des rennes dans l’archipel et à l’épaisseur de la glace au sol, ainsi que des prélèvements d’algues et d’excréments, l’équipe de scientifiques a pu déterminer si une grande épaisseur de glace au sol entraînait davantage de migrations de ces cervidés vers les littoraux.

Plusieurs caractéristiques physiques des quelque 20 000 rennes de l’archipel du Svalbard, comme leur petite taille, les rendent plus résistants au froid extrême que d’autres rennes de l’Arctique, mais les perturbations climatiques plus fréquentes en hiver ont un impact direct sur leur alimentation, rapporte l’étude.

Des épisodes plus récurrents de chaleur extrême et de précipitations de pluie sur des couches de neige durant l’hiver ont eu tendance à augmenter la formation de croûtes de glaces qui affectent les végétaux ainsi que les animaux herbivores et carnivores, selon l’analyse des chercheurs.

« Le manque de glace des mers revient à dire qu’il y a davantage d’eau libre de glaces, et cette eau a tendance à s’évaporer avant de tomber sous forme de précipitations de pluie ou de neige », résume Jeffrey Welker, qui constate une multiplication des épisodes de précipitations de pluie sur des couches de glace dans l’archipel du Svalbard. (Tamara Hiltunen/Courtoisie de Jeffrey Welker)

Certaines espèces, comme les rennes, parviennent plus difficilement à accéder aux lichens, aux mousses et aux petits arbustes situés au ras du sol. Résultat : ils se dirigent davantage vers les littoraux pour se nourrir de varechs, des algues rejetées par la mer qui se déposent à marée basse sur le rivage.

« Nous constatons de plus en plus d’épisodes de précipitations de pluie sur des couches de neige. »

Jeffrey Welker, coauteur de l'étude et professeur à l'Université d'Anchorage en Alaska et à l'Université d'Oulu, en Finlande

En plus d’altérer l’abondance et la répartition des espèces animales, le réchauffement climatique dans l’Arctique bouleverse les interactions trophiques à l’intérieur des différents écosystèmes, mais les chercheurs croient que la capacité d’adaptation des rennes de Svalbard sera une clé pour leur survie à long terme.

« Même si nous avons tendance à constater une baisse considérable de certaines populations d’animaux lorsque les hivers sont plus glaciaux, les rennes ont une capacité d’adaptation surprenante », mentionne le premier auteur de l’étude et chercheur au Centre sur les dynamiques de la biodiversité de l’Université norvégienne des sciences et des technologies, Brage Bremset Hanset, dans un communiqué de presse de l’université.

Un régime alimentaire d’urgence

Les algues sont toutefois loin d’être une panacée devant l’ampleur des défis qu’imposent les changements climatiques, nuance Jeffrey Welker. « Les algues sont plutôt une nourriture d’urgence, puisqu’elles ne sont pas suffisamment nutritives », précise-t-il. L’estomac [des rennes] n’est pas vraiment adapté pour bien digérer ces [végétaux]. »

Les déplacements des rennes vers les côtes préoccupent aussi les chercheurs, puisque ces animaux se rendent dans des zones où se trouvent de possibles prédateurs. « Normalement, les rennes demeurent à l’intérieur des terres, mais lorsqu’ils sont contraints de se nourrir d’algues le long des littoraux, leur habitat naturel empiète sur celui d’animaux comme les ours polaires », explique-t-il.

« Lorsqu’ils passent plus de temps le long des littoraux, [les rennes] sont plus vulnérables aux prédateurs qui s’y trouvent, comme les ours polaires. »

Jeffrey Welker, coauteur de l'étude et professeur à l'Université d'Anchorage en Alaska et à l'Université d'Oulu, en Finlande

Les auteurs de l’étude ne sont pas les premiers à s’intéresser aux changements climatiques dans cet archipel norvégien. Au mois de février, un rapport (en anglais) de l’Université du Svalbard indiquait que les températures de Svalbard pourraient augmenter de 10 degrés Celsius d’ici 2100.

Le 8 avril, une précédente étude (en anglais) publiée dans la revue scientifique Nature Communications a conclu que les rennes de l’archipel du Svalbard parvenaient à s’adapter à la multiplication des événements climatiques extrêmes.

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