La Russie installera bientôt sa centrale nucléaire flottante dans l’est de l’Arctique

La centrale nucléaire flottante Akademik Lomonosov, à Mourmansk, en juin 2019. La centrale russe sera remorquée à travers les eaux de l’Arctique jusqu’à la ville de Pevek, en Sibérie orientale, au mois d’août. (Rosenergoatom)
Une centrale nucléaire flottante russe sera installée dans les mers arctiques en août, afin d’alimenter une région particulièrement reculée, mais riche en pétrole.

L’Akademik Lomonosov accostera dans la ville de Pevek, en Sibérie orientale. On s’attend à ce qu’il fournisse de l’électricité à la région de Tchoukotka, qui compte 50 000 habitants.

Greenpeace, de son côté, a parlé d’un « Tchernobyl flottant ».

Mais l’Akademik Lomonosov offre également un aperçu des ambitions nordiques de la Russie et du rôle de l’énergie nucléaire dans leur réalisation.

L’agence russe de l’énergie atomique, la ROSATOM, a déclaré dans des communiqués de presse que la future centrale nucléaire flottante sera un élément clé de l’infrastructure dans le développement de sa route maritime arctique.

De plus, l’agence a commencé à travailler sur une flotte de brise-glace à propulsion nucléaire pour garder cette route ouverte. Ses trois derniers navires peuvent couper à travers trois mètres de glace, et chacun peut produire 350 mégawatts d’énergie.

« Il est beaucoup plus difficile de contrer une catastrophe là-bas que partout ailleurs dans le monde. »

Jan Haverkamp, Greenpeace

Rebecca Pincus, professeure adjointe au U.S. Naval War College, affirme que la vision de la Russie en tant que superpuissance mondiale au XXIe siècle repose sur le Grand Nord.

« La grande stratégie de la Russie pour le siècle à venir est centrée sur le développement des ressources de l’Arctique. […] Ce moteur économique fait partie intégrante de la relance de la place de la Russie dans le monde. »

Rebecca Pincus

Selon les déclarations de ROSATOM, l’usine alimentera en électricité la région de Tchoukotka et soutiendra les « industries clés » dans cette région riche en pétrole et en gaz.

Le choix de construire une centrale nucléaire flottante est une « fabuleuse petite synthèse de tous les défis auxquels la Russie fait face dans le développement de sa zone arctique », a dit la professeure Pincus.

« Faire flotter une centrale nucléaire dans une toute petite ville de l’Arctique russe est un défi colossal, colossal et coûteux… c’est une solution russe classique. »

Rebecca Pincus
Les États-Unis aussi dans la mêlée

Michael Golay, professeur de sciences nucléaires aux États-Unis, est moins enthousiasmé par le jeu de la Russie.

L’équipe du professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) travaille depuis des années sur son propre projet d’énergie nucléaire flottante, et M. Golay pense que le projet de ROSATOM sera éclipsé par les plans de ses collègues.

« D’après sa taille et ce que j’en sais… il utilise certaines des idées que les nôtres utilisent, mais pas de façon aussi approfondie. »

Michael Golay, professeur au MIT

Il fait aussi remarquer que l’Akademik Lomonsov emploie des réacteurs nucléaires similaires à ceux des brise-glace et des sous-marins existants.

La mise en service de l’énergie nucléaire sur l’eau a une longue histoire. Le premier brise-glace à propulsion nucléaire de l’ex-URSS, le Lénine, a été lancé en 1957.

L’armée américaine a lancé la première centrale nucléaire flottante, appelée MH-1A, 10 ans plus tard. Elle a été démantelée au début de cette année.

La barge américaine Sturgis (à droite), vue ici en 2005 dans le port de Galveston au Texas, a servi de petite centrale nucléaire flottante dans les années 1960 et 1970. Son démantèlement a été complété plus tôt cette année. (Adrin Snider/The Daily Press via AP)

Ce que Michael Golay veut voir, ce sont des centrales flottantes beaucoup plus grandes. Son équipe veut se servir de l’eau froide de l’océan pour prévenir la surchauffe qui, selon lui, constitue la plus grande menace d’accident nucléaire.

« Si elle fonctionne bien, nous pensons qu’il y a de bonnes raisons de croire qu’un réacteur flottant peut être au moins aussi sûr que ce que nous avons sur terre, et pourrait être beaucoup plus sûr. »

Michael Golay, professeur au MIT

Il s’inquiète du battage médiatique autour de l’Akademik Lomonosov qui suscitera la crainte des Nord-Américains à propos de l’énergie nucléaire : « On trouve des groupes comme Greenpeace qui mettent tout le monde en colère à propos de cette idée. »

Chez Greenpeace, l’expert en énergie nucléaire Jan Haverkamp estime que son organisation a raison d’être inquiète.

Le Lomonosov s’amarrera dans l’un des endroits les plus reculés du monde.

« Il est beaucoup plus difficile de contrer une catastrophe là-bas que n’importe où ailleurs sur la planète. »

Jan Haverkamp, expert en énergie nucléaire à Greenpeace

Il est aussi préoccupé par l’énergie utilisée pour extraire les combustibles fossiles.

« Le changement climatique est une évidence… Ouvrir de nouveaux projets sur les énergies fossiles à l’heure actuelle, alors que le monde doit être débarrassé des énergies fossiles en 2050, ne semble pas avoir beaucoup de sens. »

Jan Haverkamp, expert en énergie nucléaire à Greenpeace

Entre-temps, ROSATOM affirme que cette barge n’est qu’un petit morceau du nouvel avenir de l’énergie nucléaire flottante.

Avec les informations de CBC News

Radio-Canada

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