Les bélugas ingèrent des microplastiques à travers leurs proies
Selon une étude, un poisson sur cinq consommé par les bélugas dans la mer de Beaufort contient des microplastiques. Pourtant, les chercheurs pensent que cela ne pose pas encore de problème pour la santé des populations locales qui consomment le gros cétacé.
Peter Ross, scientifique principal à la fondation Raincoast Conservation, en Colombie-Britannique, a commencé à s’intéresser aux microplastiques il y a deux décennies.
À l’époque, il avait eu vent d’un incendie sur un pavillon de pêche flottant qui a relâché beaucoup de polystyrène dans l’eau. Le propriétaire refusait de ramasser les déchets avant que M. Ross ne s’en mêle.
« Il y a 20 ans, je craignais que ces microplastiques puissent être ingérés par des espèces peut-être moins séduisantes que les tortues, les baleines ou les oiseaux, mais qui sont assez importantes quand on pense à la chaîne alimentaire, à la santé et au bien-être de l’océan. »
Longtemps après cet évènement, l’étude en anglais intitulée Microplastiques dans les proies des bélugas (Delphinapterus leucas) : une évaluation exploratoire du transfert trophique dans la mer de Beaufort va encore dans le même sens.
Publiée dans la revue Science of the Total Environnement, elle démontre que cinq types de poissons de la mer de Beaufort, située au nord de l’Alaska, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, contiennent des microplastiques qui se retrouvent par la suite, dans leur prédateur, les bélugas.
Le béluga contaminé par ses proies
Peter Ross affirme travailler depuis plus de 15 ans avec Pêches et Océans Canada et les Inuvialuit (Inuit de l’ouest du Canada) de Tuktoyaktuk et que ces derniers ont des questions importantes sur le type de contaminant qu’ils retrouvent dans leur nourriture.
En moyenne, chaque année, les habitants des provinces du sud consomment environ 4,5 kg de produits qui viennent de l’océan. Pour les Inuit, c’est plutôt 110 kg par an, assure Peter Ross.
À travers toute une série d’études publiées récemment, Peter Ross et ses collègues avaient déjà prouvé la présence de microplastiques chez les bélugas. Cette nouvelle étude montre que ces derniers pénètrent dans l’organisme du cétacé par transfert trophique, c’est-à-dire par ce qu’ils ingèrent.
Les chercheurs se sont notamment intéressés aux chaboisseaux à quatre cornes, aux morues polaires et boréales, aux corégones de l’Arctique et aux capelans. Des proies de choix pour les bélugas.
Ils ont découvert que 78 % des microplastiques contenus dans ces poissons étaient en fait des fibres, pour la plupart du polyester, et qu’ils avaient des couleurs variées. Chaque particule faisait moins de 5 mm (microplastiques secondaires).
« Leur taille et leur contenu chimique nous poussent à penser qu’elles proviennent largement de nos textiles, de nos vêtements et des usines de traitement des eaux usées. »
Des microplastiques qui viennent de loin
Pour Peter Ross, il ne fait aucun doute que ces microplastiques ne proviennent pas des communautés locales du Grand Nord, mais du sud, et qu’elles entrent dans l’océan Arctique par des courants, principalement depuis l’océan Atlantique.
Malgré ces découvertes inquiétantes, les conclusions du scientifique ne sont pas alarmantes.
Le scientifique reconnaît pourtant que la situation du plastique ne s’améliore pas, puisque la production double tous les 15 ans. Même avec la pratique du recyclage, il y a toujours des risques que la matière augmente dans le monde.
C’est d’autant plus vrai que les microplastiques sont présents un peu partout, selon M. Ross.
« Les découvertes continuent, et on découvre des particules de microplastiques partout dans le monde : dans les montagnes, dans l’air, dans la neige, dans la pluie, dans la ville, dans le Grand Nord, dans le sud, partout dans les océans, et partout dans toutes les espèces aquatiques et probablement terrestres aussi. »
Malgré tout, Peter Ross croit aussi au changement. Selon lui, les conclusions scientifiques, associées à la connaissance et aux observations des Autochtones, sont les meilleures armes pour pousser les États à s’engager davantage pour l’environnement.