Enseignants et parents doivent se mobiliser pour la survie de la langue inuit, disent des experts

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Les Inuit du Nunavut, un territoire de l’Arctique canadien, sont de moins en moins nombreux à avoir comme langue maternelle l’inuktut, la langue inuit. Pour assurer la survie à long terme de cette langue, plusieurs experts croient que les enseignants du territoire auront à s’impliquer politiquement et que les parents devront réaliser l’importance de transmettre leur dialecte à leurs enfants. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)
Le gouvernement du Nunavut, dans le Nord canadien, a échoué à préserver la langue inuit, mais sa survie dépendra de la volonté des Inuit à la transmettre à leurs enfants et des enseignants du territoire à se mobiliser politiquement, affirment des experts inuit.

Militants, linguistes, professeurs et anciens fonctionnaires territoriaux étaient réunis à Montréal lors d’une conférence sur l’enseignement bilingue, organisée dans le cadre du Congrès d’études inuit, un événement multidisciplinaire qui a lieu du 3 au 6 octobre.

« Dans les dernières décennies, différents modèles linguistiques ont été testés dans les écoles des trois régions du Nunavut, mais aucun d’entre eux n’a été efficace », explique Naullaq Arnaquq, une ancienne fonctionnaire pour le ministère de l’Éducation du Nunavut.

Lors de la création du territoire en 1999, cette dernière a notamment été chargée de réviser la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest pour l’adapter aux réalités linguistiques du Nunavut.

Dans la salle, la critique est unanime : le gouvernement territorial a échoué à mettre en place des politiques efficaces en matière de protection de l’inuktut, le terme employé pour désigner la langue inuit. Au Nunavut, les deux dialectes inuit les plus couramment parlés sont l’inuktitut et l’inuinnaqtun.

« L’absence de stratégies et de volonté politique a un impact direct sur la survie d’une langue. »

Naullaq Arnaquq, ancienne fonctionnaire pour le gouvernement du Nunavut

Plus d’une fois, le gouvernement du Nunavut a tenté de mettre en place un système d’éducation bilingue dans les écoles du territoire, mais le projet de loi 25, qui vise à modifier la Loi sur l’éducation et la Loi sur la protection de la langue inuit, a soulevé plusieurs déceptions, notamment au sein de l’organisme Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), qui représente les Inuit du territoire.

Une mobilisation dans les salles de classe

« Maintenant que je ne travaille plus pour le gouvernement, je me permets de dire ouvertement qu’il est temps de se mobiliser politiquement », affirme Naullaq Arnaquq, qui est originaire d’Iqaluit, la capitale territoriale.

Paul Berger, un ancien enseignant de 7e année, est du même avis. Ce dernier croit que c’est au tour des professeurs de se mobiliser, sans quoi, la survie de la langue inuit ne sera pas assurée. « Nous devons nous impliquer politiquement le plus possible », insiste-t-il.

Il ajoute que la protection de la langue inuit devrait être considérée comme un combat tout aussi important que la lutte contre les changements climatiques. « Malgré tout, il ne faut pas baisser les bras », mentionne Paul Berger.

Les deux participants souhaiteraient aussi voir davantage d’Inuit envisager une carrière en enseignement. Le Collège de l’Arctique, à Iqaluit, offre un programme bilingue d’enseignement primaire et secondaire, mais seulement une dizaine d’étudiants par année en sortent diplômés, selon le gouvernement territorial.

« Pour véritablement renforcer l’inuktitut, il faut que ceux qui l’enseignent soient Inuit », admet Paul Berger, un non-Autochtone venu enseigner à Cape Dorset, dans l’est du Nunavut, au milieu des années 1990.

Le rôle des parents

Depuis plusieurs années, Naullaq Arnaquq constate que le fossé intergénérationnel continue de se creuser entre les aînés et la jeune génération. Selon elle, les parents détiennent une grande part de responsabilités dans la survie des différents dialectes inuit.

« Quel sera l’état de la langue inuit dans 10 ans si [certains parents] continuent de ne parler qu’en anglais à leurs enfants? », s’interroge-t-elle.

Même si les Inuit constituent la majeure partie de la population du Nunavut, ils sont de moins en moins nombreux à avoir comme langue maternelle l’inuktut, concluait récemment Statistique Canada dans une analyse de données linguistiques du territoire.

En 2001, l’inuktut était la langue maternelle de près de 72 % des Inuit du Nunavut, contre environ 65 % en 2016. Selon l’agence fédérale, cet état des lieux n’est pas attribuable à une baisse de la population inuit sur le territoire, mais plutôt à une percée de l’anglais.

Une réalité que Naullaq Arnaquq attribue historiquement à l’interdiction pour les Inuit de parler leur langue maternelle dans les pensionnats autochtones, mais aussi, plus récemment, aux nouvelles technologies et aux réseaux sociaux.

L’ancienne fonctionnaire du gouvernement du Nunavut croit donc que le territoire a encore du chemin à faire et que la survie des dialectes inuit dans les années à venir est loin d’être assurée, mais « la bataille », assure-t-elle, est loin d’être terminée.

Correction
Dans une précédente version de ce texte, le nom de famille de Paul Berger était mal orthographié. Cette version a été corrigée.

Précision
Paul Berger est actuellement chercheur et professeur agrégé au Département d’études supérieures et de recherches en enseignement de l’Université Lakehead, en Ontario.

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