Non-ayants droit et les écoles francophones : la Cour suprême du Canada devra trancher
Et si la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire passait par l’admission d’élèves non titulaires de droit dans les écoles francophones? C’est ce que veut démontrer la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (CSFTNO) dans son mémoire déposé en Cour suprême du Canada.
Accepter l’admission d’élèves de parents non admissibles, qui sortent du cadre défini par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, pourrait permettre d’assurer l’existence des écoles de langues minoritaires, selon la CSFTNO.
Et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qui détient un pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de refuser ces demandes, devrait tenir compte des répercussions de leurs décisions sur la communauté francophone, toujours selon la CSFTNO.
C’est l’une des questions en litige qui sera revue par la Cour suprême du Canada à l’audience de la cause de la CSFTNO prévue en 2023.
Avec une population canadienne en déclin et un haut taux d’assimilation chez les gens dits ayant droit
, la survie des écoles et des communautés francophones passe par l’admission d’élèves provenant de l’immigration, selon l’avocat Roger Lepage, qui a déposé une requête pour intervenir dans la cause de la CSFTNO.
Selon lui, le droit est comme un arbre vivant, et son interprétation doit tenir compte de la réalité d’aujourd’hui.
Un ayant droit est une personne qui a un droit constitutionnel à l’école française, en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Aux T.N.-O., des refus d’admission dits non raisonnables
La gestion des admissions d’élèves de parents non-ayants droit varie d’un bout à l’autre du pays.
Aux T.N.-O., la CSFTNO a le pouvoir depuis 2020 d’accepter les demandes dites de « restitution », provenant d’un nouvel arrivant au Canada, d’un francophone non citoyen canadien ou de parents francophiles.
Les demandes exceptionnelles, qui n’entrent dans aucune catégorie, sont transférées au gouvernement qui détient le pouvoir discrétionnaire de les accepter ou non.
À la suite du refus des demandes d’admission de six élèves, par Caroline Cochrane, qui était ministre de l’Éducation en 2018 et 2019, la CSFTNO a entrepris un recours.
« Est-ce que cette personne [qui prend la décision, NDLR] doit se demander quels seraient les impacts sur la communauté francophone en situation minoritaire? » demande Mark Power, qui représente la cause de la CSFTNO en Cour suprême du Canada. « Le gouvernement dit non, la majorité de la Cour d’appel des T.N.-O. a dit non. Nous, on dit oui. »
Égalité de traitement des écoles de la minorité et de la majorité
Selon les arguments de la CSFTNO, les écoles de la minorité devraient avoir le droit d’admettre un petit nombre d’élèves non-ayants droit, puisque les écoles de la majorité « peuvent admettre autant d’enfants de la minorité qu’elles le veulent ».
Certains de ces élèves parlent parfois mieux français que des enfants de parents ayants droit. Ils peuvent contribuer à améliorer l’expérience culturelle, pédagogique et linguistique des enfants de parents titulaires de droit, selon le mémoire.
La Cour suprême du Canada : dernier recours des minorités
Joseph Pagé, qui a été l’instigateur de la cause de l’Association des parents de l’École Rose-des-Vents, à Vancouver, qui s’est rendue en Cour suprême du Canada en 2015, trouve dommage que les francophones minoritaires doivent toujours se tourner vers les tribunaux pour faire valoir leurs droits.
« La Cour suprême, je pense qu’elle est pas mal tannée des causes sur l’article 23, dans le sens que selon elle, ça devrait être réglé. Il ne devrait plus y avoir de chicanes, les conseils scolaires et les provinces devraient arrêter de mettre des embûches aux ayants droit », dit-il.
La Cour suprême du Canada a accepté de revoir la décision de la Cour d’appel des T.N.-O. Pourquoi? C’est difficile à dire selon l’avocat Mark Power : « Il se peut que la Cour ait dit oui parce qu’elle s’intéresse vraiment à la deuxième question en litige [Voir Être compris par le juge dans sa langue officielle : la Cour suprême devra se prononcer, NDLR]. »
« Depuis 1982, la Cour suprême du Canada a autorisé un très grand nombre de dossiers en matière d’article 23. Et pourquoi? Bien parce que les minorités […] ont souvent besoin que la Cour suprême corrige ou renverse carrément des décisions des cours d’appel. »