La langue inuit perd du terrain au Nunavut, dans l’Arctique canadien

Entre 2001 et 2016, l’usage de la langue inuit comme langue maternelle a décliné au profit de l’anglais dans le territoire nordique du Nunavut, selon une récente étude de Statistique Canada. (Marc Godbout/Radio-Canada)
Même si les Inuit constituent la majeure partie de la population du Nunavut, un territoire de l’Arctique canadien, ils sont de moins en moins nombreux à avoir comme langue maternelle la langue inuit, conclut une récente étude de Statistique Canada.

L’analyse de données linguistiques du territoire, rendue publique mardi, confirme une tendance à la baisse dans ce territoire nordique où environ 85 % de la population est inuit. En 2001, l’inuktut était la langue maternelle de près de 72 % des Inuit du territoire, contre environ 65 % en 2016.

L’inuktut est le terme employé pour désigner la langue inuit qui regroupe plusieurs dialectes au Nunavut. Les plus couramment parlés sont l’inuktitut et l’inuinnaqtun.

Cet état des lieux n’est pas attribuable à une baisse de la population inuit sur le territoire, mais plutôt à une percée de l’anglais, rapporte l’agence fédérale. Des salles de classe aux séries télévisées, en passant par les réseaux sociaux, l’anglais a bel et bien gagné du terrain auprès des Inuit du territoire.

La militante inuk pour la préservation de la langue inuit Edna Elias examine attentivement l’évolution de l’état de la langue inuit dans le Nord canadien depuis les dernières années. « Dans mon village natal de Kugluktuk, où l’inuinnaqtun est le dialecte de l’inuktut le plus couramment parlé, il est très fréquent d’entendre des aînés et leurs petits-enfants converser dans deux langues différentes : l’aîné s’adressant en inuinnaqtun à l’enfant et l’enfant répondant en anglais », explique-t-elle, jointe à Edmonton, sa ville de résidence.

Les données de Statistique Canada montrent par ailleurs que les Inuit parlent de plus en plus l’inuktut à la maison, mais qu’ils sont moins nombreux à en faire leur première langue. « L’usage de l’inuktut comme langue principale décline toutefois au profit de l’utilisation comme langue secondaire », peut-on lire dans le document d’une centaine de pages.

Fossé intergénérationnel

Les aînés sont proportionnellement plus nombreux à avoir l’inuktut comme langue maternelle que les plus jeunes générations d’Inuit. En 2016, l’inuktut était la langue maternelle de plus de 97 % des personnes âgées de 65 ans et plus, contre 72 % des jeunes adultes de 20 à 24 ans. Cet écart intergénérationnel met en lumière les défis de la préservation et de la transmission de la langue inuit auxquels se mesure actuellement le territoire.

« La transmission incomplète de l’inuktut comme langue maternelle semble être le principal facteur ayant une incidence sur sa vitalité », lit-on dans l’analyse.

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Le fossé linguistique entre les aînés et les jeunes s’accentue graduellement au Nunavut. En 2016, environ 68 % des Inuit de 5 à 9 ans avaient l’inuktut comme langue maternelle, contre plus de 97 % des aînés de 65 ans et plus, selon Statistique Canada. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

Le gouvernement du Nunavut a tenté plus d’une fois d’instaurer un système d’éducation bilingue dans les écoles du territoire, mais le récent projet de loi 25, qui vise à modifier la Loi sur l’éducation et la Loi sur la protection de la langue inuit, a soulevé de nouvelles déceptions.

La militante Edna Elias estime que la survie des dialectes inuit dépendra de la qualité de l’enseignement offert par les écoles, mais que la plus grande part de responsabilité incombe aux parents. « Pour apprendre une langue, il faut l’entendre dans des conversations à la maison », croit-elle.

Le bilan de Statistique Canada met par ailleurs en évidence certaines disparités d’une région à l’autre du territoire. « Quel que soit l’indicateur utilisé, la vitalité de l’inuktut apparaît plus fragile dans la région de Kitikmeot », lit-on dans l’étude. Les communautés de Cambridge Bay et de Kugluktuk, de la région de Kitikmeot qui est située dans l’ouest du Nunavut, illustrent particulièrement cet état des faits.

Proportion de la population pouvant soutenir une conversation en inuktut en 2016 :
  • Région de Qikiqtaaluk : 77,3 %
  • Région de Kivalliq : 87,9 %
  • Région de Kitikmeot : 57,4 %
L’inuktut, plus présente sur le marché du travail

En milieu de travail, les données montrent que la tendance n’a pas toujours été linéaire. L’usage de l’inuktut a diminué entre 2001 et 2011, passant de 65 % à 57,8 %, avant de prendre du galon entre 2011 et 2016.

Mardi, lors de la fête du Nunavut, Nunavut Tunngavik Inc. (NTI) s’est d’ailleurs engagé à faire de l’inuktut la langue propre au marché du travail. L’organisme, qui a vu le jour dans les années qui ont suivi l’accord sur le Nunavut, en 1999, a pour mandat de protéger les droits des Inuit.

« Nous ne pouvons plus attendre que les gouvernements tiennent leurs promesses, a fait savoir la présidente de NTI, Aluki Kotierk, dans un communiqué de presse. Nous devons agir. »

L’organisme compte notamment offrir des formations en cours d’emploi liées à la langue inuit et élaborer une nouvelle terminologie propre aux secteurs technique, financier et juridique.

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