La représentation de l’Arctique dans les médias canadiens

Le chercheur Mathieu Landriault analyse la représentation de l’Arctique dans les médias canadiens dans Media, Security and Sovereignty in the Canadian Arctic.(Sean Kilpatrick/La Presse canadienne)
Le chercheur Mathieu Landriault analyse la représentation de l’Arctique dans les médias canadiens.

637 articles de journaux et de magazines, 110 reportages télévisés et 404 gazouillis, voilà ce qu’a analysé le chercheur et enseignant Mathieu Landriault dans son plus récent ouvrage, le chercheur scrute la représentation des problématiques de souveraineté et de sécurité de l’Arctique dans les médias canadiens.

Les représentations analysées dans Media, Security and Sovereignty in the Canadian Arctic s’étendent sur près d’un demi-siècle et s’articulent essentiellement autour de la présence de trois navires américains dans le passage du Nord-Ouest, le pétrolier Manhattan (1969) le brise-glace Polar Sea (1985) et le bateau de croisière Crystal Serenity (2016), des simulations militaires Nanook et Narwhal, et des fréquentes tournées dans le Nord de l’ancien premier ministre canadien Stephen Harper.

Un sensationnalisme occasionnel

Directeur de l’Observatoire de la politique et de la sécurité de l’Arctique (OPSA), Mathieu Landriault souligne que la plupart des Canadiens ne connaissent l’Arctique que par le biais des médias. Dès lors, il est opportun d’évaluer la couverture médiatique du Nord, son objectivité, ses lacunes, son potentiel à influencer le cours des choses.

Des études de cet ordre avaient déjà été conduites, mais de façon moins systématique que la sienne, selon M. Landriault. Certains de leurs auteurs déploraient le sensationnalisme des médias par rapport aux probabilités de conflits dans le Nord et aux catastrophes éventuellement générées par les changements climatiques.

Mais l’analyse de M. Landriault ne le conduit pas à voir ce sensationnalisme comme un phénomène récurrent.

« À certaines périodes, comme lors du passage du Polar Sea et du Manhattan, concède-t-il. […] Et entre 2000 et 2005, on commençait à parler de réchauffement climatique, et il y a eu des spéculations farfelues. […] De 2010 à 2015, il y a eu beaucoup moins de prédictions alarmistes, où on pensait perdre notre Arctique. »

Portevoix de Stephen Harper

Globalement, les médias auraient rapporté fidèlement les évènements et auraient occasionnellement forcé les gouvernements à agir, en attirant l’attention de la population.

On peut toutefois leur reprocher d’avoir longtemps agi comme portevoix de M. Harper lors de ses visites annuelles dans le Nord.

« Le nombre de reportages a alors augmenté, observe le chercheur, le portrait des journalistes était flatteur, ça servait bien le gouvernement. »

Les voyages nordiques de M. Harper étaient couverts par des correspondants parlementaires et non par des spécialistes de l’Arctique, un créneau peu commun il est vrai, et leurs reportages faisaient la part belle aux clichés.

« Les journalistes auraient pu en profiter pour explorer davantage, critique l’auteur de l’étude, mais ils s’en tenaient aux points de presse, aux exercices militaires. On ne sortait pas du cadre. »

Une couverture irrégulière

On retiendra aussi l’irrégularité de la couverture médiatique du Nord.

La croisière du Crystal Serenity a beaucoup retenu l’attention, les médias y voyant le signe précurseur d’un tourisme massif dans le Nord.

Mais sa substitution l’année suivante par un navire de taille beaucoup plus modeste a très peu suscité de manchettes.

Cette irrégularité médiatique est due à la distance, à la concurrence d’autres sujets, mais aussi au caractère moins séduisant et plus complexe de certaines thématiques.

Depuis 2015, fait valoir Mathieu Landriault, les discours publics et étatiques sont plus axés sur des notions liées à la gouvernance, comme la recherche et le sauvetage, la prévention de la marée noire.

« Ce sont des enjeux peut-être moins attrayants dans l’espace public », suggère-t-il.

Le livre de Mathieu Landriault, qui ne sera pas vraisemblablement pas traduit, n’aborde que très peu la différence d’approche entre les journaux du Nord et les grands médias nationaux, non plus que les aspects socioéconomiques du Nord.

Il souhaite que quelqu’un poursuive sa recherche, une tâche d’autant plus pertinente que les médias, sociaux et autres, se sont multipliés, et que les activités humaines dans le secteur, de pair avec la fonte des glaces, sont appelées à croitre grandement.

Denis Lord, L'Aquilon

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