Chronique – Non, 40 % de la calotte glaciaire du Groenland n’est pas disparue en un seul jour

Des étangs se forment sur le glacier Helheim, près de Tasiilaq, au Groenland, le 19 juin 2018. Des médias français ont rapporté la semaine dernière que 40 % de la masse de la glace du Groenland avait fondu en une seule journée, le 13 juin. Il s’agissait d’une erreur.(Lucas Jackson/Reuters)
Plusieurs médias français ont rapporté que le Groenland avait perdu 40 % du volume total de sa glace en une seule journée, la semaine dernière. Si vous vous inquiétiez pour l’avenir immédiat du Groenland et de l’Arctique, soyez rassurés : il s’agit d’une erreur.

Depuis avril, le temps exceptionnellement chaud laisse présager une saison de fonte particulièrement précoce et importante. Des scientifiques avaient capté des images de rivières et d’étangs sur des glaciers dès le début mai, un phénomène habituellement observé à partir de juin.

La semaine dernière, CNN rapportait que l’île s’était délestée de plus de 2 milliards de tonnes (2 gigatonnes) de glace en une seule journée, le 13 juin. La chaîne américaine précisait également que la glace fondait sur 40 % de la surface du territoire, une donnée officielle provenant de Polar Portal, un service qui surveille l’état de la calotte glaciaire du Groenland et de la banquise de l’Arctique.

Ces chiffres doivent cependant être mis en perspective.

Le volume de la calotte glaciaire du Groenland est estimé à 2 900 000 km3 (une gigatonne équivaut à 1km3 de glace) et a perdu en moyenne 234 gigatonnes de glace annuellement entre 2003 et 2011, selon Polar Portal. D’ailleurs, une perte de 3 gigatonnes a été enregistrée pour la seule journée de lundi, soit une gigatonne de plus que le 13 juin.

La fonte sur 40 % de la surface de la calotte glaciaire n’avait auparavant jamais été observée si tôt dans l’année. Toutefois, elle a été observée presque chaque été en juillet ou en août au cours des 25 dernières années, selon un graphique interactif de la National Snow and Ice Data Center (NSIDC).

Voici, en guise d’exemple, une comparaison entre l’étendue quotidienne de la surface de la calotte glaciaire du Groenland subissant un épisode de fonte cette année (en bleu) et celle pour l’année 2012 (en orange). Le sommet observé sur la ligne bleue correspond au 13 juin 2019.

Graphique illustrant la comparaison de la surface de fonte de glace de la calotte glaciaire du Groenland en 2012 (orange) et en 2019 (bleu), en date du 20 juin 2019. Le sommet observé sur la ligne bleue correspond à la date du 13 juin 2019, journée durant laquelle un peu plus de 40 % de la surface de la calotte glaciaire du Groenland connaissait un épisode de fonte. (National Snow and Ice Data Center)
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Plusieurs médias français ont toutefois décrit un scénario apocalyptique dans lequel 40 % de la masse totale de la glace du Groenland, voire « 40 % de son territoire », avait fondu lors de la seule journée du 13 juin. Ces articles, largement partagés sur les réseaux sociaux, reposaient sur une lecture erronée des données présentées par CNN et le Polar Portal. Précisons toutefois que ces articles ne constituent pas des « fausses nouvelles », car rien n’indique qu’elles ont été écrites dans le but de véhiculer de fausses informations.

Certaines nouvelles précisaient de façon confuse que l’année 2019 pourrait battre des records, tout en affirmant qu’en 2012 « la quasi-totalité de la glace avait fondu en l’espace d’un mois [juin] » ou que « quasiment l’intégralité de la calotte glaciaire du Groenland avait fondu dans le courant de l’été. » Or, on peut difficilement faire fondre plus que l’intégralité de la calotte glaciaire.

En réalité, une étude (en anglais) parue cette semaine dans Science Advances affirme que si l’humanité ne réduit pas ses émissions de gaz à effet de serre, la calotte glaciaire du Groenland devrait disparaître complètement d’ici… mille ans.

La plupart des articles fautifs ont depuis été corrigés, sans erratum. Le Parisien fut parmi les rares médias à reconnaître ouvertement son erreur.

Cette histoire erronée trahit une certaine méconnaissance du Groenland en France, mais révèle aussi une sincère préoccupation pour les conséquences des changements climatiques dans l’Arctique.

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