Pressions pour que les Autochtones canadiens supervisent les pratiques policières

Michèle Audette, ancienne commissaire à l’Enquête nationale canadienne sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, juge qu’il est plus que temps de mettre sur pied des groupes civils autochtones pour superviser les pratiques policières au pays.
Pendant trois ans, elle a écouté les témoignages de familles et de femmes autochtones victimes de crimes qui n’ont pas su vers qui se tourner lorsqu’elles estimaient que la police était la cause des préjudices qu’elles subissaient.
Or, dans le rapport final d’enquête remis au gouvernement canadien l’an dernier et qui comprenait 231 propositions de réforme, plusieurs d’entre elles concernaient une réforme des forces policières et une meilleure supervision de leurs actions.
Le rapport exhortait spécifiquement les gouvernements du pays à créer des organes civils autochtones dans toutes les régions pour superviser les enquêtes policières lorsqu’elles touchent des membres des communautés autochtones. Or, il ne s’est rien passé depuis, dénonce Michèle Audette.
Des tragédies similaires récentes au pays illustrent à ses yeux un problème étendu de discrimination systémique au pays et la nécessité que des Autochtones puissent surveiller le déroulement de certaines enquêtes concernant l’un des leurs.

Réponse de ministères responsables
En réaction aux propos de l’ex-commissaire Michèle Audette, un porte-parole du ministère canadien de la Sécurité publique affirme qu’il y avait eu depuis la publication du rapport d’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées des réunions avec des dirigeants autochtones au sujet des pratiques des services de police.
Selon ce porte-parole, on peut s’attendre à ce que des questions sur la surveillance efficace de la police par des civils et la relation entre la population autochtone du Canada et les services de police fassent l’objet d’autres discussions. Les mesures pour corriger la situation devront être soigneusement évaluées au fur et à mesure des discussions, explique Tim Warmington dans un courriel.
Ian McLeod, un porte-parole du ministère fédéral de la Justice, indique pour sa part qu’il ne peut pas parler spécifiquement des mesures de surveillance concernant les agissements de la police, mais il admet qu’il y a beaucoup de travail à faire en ce qui concerne le soutien aux peuples autochtones.

Un incident qui a fait le tour du pays
Une vidéo de 12 minutes de l’arrestation du chef Allan Adam filmée en mars dernier, en Alberta, par la caméra d’une auto-patrouille de la Gendarmerie royale du Canada, montrait un policier jetant au sol sans avertissement le dirigeant autochtone puis lui donner un coup de poing à la tête et se mettre à lui serrer le coup.
Lors d’une conférence de presse, ce chef de la Première Nation Chipewyan d’Athabasca, dans le nord-est de l’Alberta, avait dénoncé le fait que des agents de la GRC l’avaient agressé violemment dans un stationnement de la ville pétrolière de Fort McMurray avec comme preuve une image agrandie de ses blessures au visage.
En juin dernier, la vidéo obtenue par CBC News venait confirmer ses dires et conforter la thèse que le comportement des policiers était lié au racisme systémique.
La vidéo a été versée au dossier public du tribunal dans le cadre d’une requête visant à faire suspendre les accusations contre Adam.
Les accusations contre le chef autochtone ont été retirées depuis, mais l’affaire a causé d’importants remous au pays.
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