COVID-19 dans le Grand Nord canadien : quarantaine stricte au Nunavik et étroite surveillance de la situation au Sud

Le Nunavik est composé de 14 villages nordiques qui s’étendent de la baie d’Hudson à la baie d’Ungava. (Commission scolaire Kativik)
Au Nunavik, les services de santé surveillent de près la situation de la COVID-19, car la deuxième vague dans le sud du Québec augmente les risques dans une région où faire une quarantaine n’est pas si simple.

Dans les 14 villages Inuit du Nord du Québec, la période estivale avait été plutôt tranquille. Mais dès que la deuxième vague a commencé dans le sud de la province, le Nunavik l’a ressentie avec quelques nouveaux cas recensés, et ce, malgré les mesures de prévention et les programmes mis en place pour limiter les entrées sur le territoire.

« On voit que le risque augmente étant donné qu’il y a beaucoup plus de personnes qui sont affectées par la COVID-19 au Sud. »Marie Rochette, directrice de la santé publique du Nunavik

Depuis le début de la pandémie, il y a eu 28 cas de COVID-19 chez les résidents du Nunavik, dont 17 lors de la première vague. Mais depuis septembre, 11 nouveaux résidents ont été diagnostiqués.

Chez les non-résidents, cinq personnes ont reçu un résultat positif alors qu’elles étaient dans la région, dont une jeudi dernier. La personne a été placée en isolement et aucun risque pour la région n’a été identifié. Sept autres ont été infectées mais étaient à l’extérieur du Nunavik.

La directrice de la santé publique à la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, Marie Rochette. (Marie Rochette)

Même si elle ne se dit pas inquiète, Marie Rochette affirme suivre la situation de près.

« Avec les mesures que l’on a, cela diminue énormément le risque d’introduction de l’infection, mais on voit que ce n’est pas complètement étanche. »Marie Rochette, directrice de la santé publique du Nunavik

Alors si la situation ne s’améliore pas, voire si elle se dégrade, « on va avoir des discussions à savoir si on doit renforcer certaines mesures, restreindre encore plus les déplacements ou même exiger une quarantaine sous surveillance pour tout le monde comme le fait le Nunavut », précise-t-elle.

Actuellement, certaines catégories de personnes ne peuvent entrer au Nunavik, comme les touristes par exemple. Et chaque voyageur qui veut y entrer, même si c’est un résident, doit faire une demande d’accès au territoire via un questionnaire sur Internet.

Ce document se révèle un important outil de suivi pour les services de santé du Nunavik. Il permet de savoir dans quelles conditions et où va se dérouler la quarantaine.

« Lorsqu’il y a des éléments qui nous laissent croire que les conditions ne seraient pas optimales, par exemple quelqu’un qui vit avec sept autres personnes dans un petit appartement, une infirmière va tenter de voir les alternatives possibles. »Marie Rochette, directrice de la santé publique du Nunavik
Le logement, un défi pour la quarantaine

Avoir un lieu adéquat pour faire sa quarantaine représente un défi au Nunavik quand plus de la moitié des Inuit du territoire vivent dans des logements surpeuplés.

Lors de la première vague, une personne de Puvirnituq, qui revenait de Montréal, a été infectée par la COVID-19 et ses proches, vivant dans la même maison, ont aussi contracté la maladie.

Pour éviter cela, à Kangirsuk, un petit village de 500 habitants situé au nord de Kuujjuaq, Sarah, qui est allée à Montréal deux jours pour des raisons médicales, a pris ses dispositions.

Celle qui travaille pour Makivik, l’entité qui représente les Inuit de la région, a demandé aux deux personnes qui vivaient avec elle d’aller habiter ailleurs dans le petit village, le temps qu’elle fasse sa quarantaine.

Mais tous ne peuvent pas faire de quarantaine sans exposer à des risques les membres de la maisonnée. La santé publique du Nunavik met alors à disposition des logements sociaux, afin d’éviter les contaminations.

« On s’est rendu compte quelques fois que les gens ne respectaient pas leur quarantaine tout simplement parce qu’ils n’avaient pas pu s’organiser pour avoir accès à de la nourriture. »Marie Rochette, directrice de la santé publique du Nunavik
Isabelle Dubois habite Kuujjuaq. (Isabelle Dubois)

Sarah a aussi fait des provisions en prévision de sa quarantaine. La clé, assure l’Inuk, c’est d’être bien préparée et stricte dans sa quarantaine.

À Kuujjuaq, Isabelle Dubois, qui travaille pour Tourisme Nunavik, se dit chanceuse car elle peut se faire livrer médicaments et nourriture pendant sa quarantaine après un court séjour à Montréal pour des raisons médicales. Et quand la livraison n’est pas possible, elle demande à des amis.

« On se débrouille, c’est un petit village et tout le monde se connaît. Souvent, les gens vont t’offrir de l’aide. Je l’ai fait pour une amie qui était en quarantaine. »Isabelle Dubois, employée chez Tourisme Nunavik

Et pour garder tout le monde à distance, Isabelle a utilisé les décorations d’Halloween afin de mettre en garde les voisins.

Message devant chez Isabelle Dubois à Kuujjuaq. (Isabelle Dubois)
De l’importance de conscientiser tout le monde

Car l’autre difficulté de la quarantaine au Nunavik, c’est… la communauté.

La conseillère municipale de Kuujjuarapik Jennifer Hunter en sait quelque chose. Après être venue à Montréal pour des raisons familiales, elle est retournée dans sa communauté.

Plusieurs fois, lors de sa quarantaine, elle a dû faire des statuts sur les réseaux sociaux pour demander à ses proches ou même à des personnes voulant lui emprunter son auto de ne pas venir.

Jennifer Hunter a dû rappeler qu’elle était en quarantaine sur les réseaux sociaux. (Capture d’écran/Facebook Jennifer Hunter)

« Je ne pouvais pas ouvrir la porte, j’étais stricte avec moi et avec les autres. Comme je suis conseillère à la municipalité, il fallait être exemplaire », raconte Jennifer Hunter depuis Kuujjuarapik.

Elle est même allée passer son message à la radio locale.

« Ce n’est pas évident, car ici, on est habitué à avoir du monde qui rentre tout le temps chez nous. Les portes ne sont jamais fermées. La première semaine, dix fois des gens ont tenté de rentrer chez moi. »Jennifer Hunter de Kuujjuarapik

La santé publique du Nunavik veut d’ailleurs renforcer ce message : que la personne ne soit pas seule à porter la quarantaine, mais que l’entourage comprenne qu’il est important de respecter la quarantaine des autres et les soutienne.

Jennifer Hunter était allée à Montréal pour voir ses enfants et petit-enfant. Mais l’isolement lors de la quarantaine a été si pénible qu’elle ne pense pas retourner de sitôt. Même si, comme Isabelle et Sarah, elle a apprécié les longues marches quotidiennes dans la nature pendant les 14 jours.

Marie-Laure Josselin, Radio-Canada

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