Financer l’exploitation pétrolière en Alaska? Les banques canadiennes disent «non»
La Banque royale du Canada et la Banque de Montréal ont annoncé qu’elles ne fourniraient pas de financement direct pour les projets impliquant de l’exploration dans la réserve faunique nationale de l’Arctique.
La RBC vient de présenter un document qui précise les orientations politiques quant aux secteurs sensibles. Dans cette stratégie, il est fait mention d’une reconnaissance de la vulnérabilité écologique et sociale de la région qui motive cette prise de décision.
Même s’il n’est pas expressément fait mention du peuple gwich’in qui se bat depuis des années pour protéger de façon définitive le Refuge arctique, le grand chef du Conseil tribal gwich’in, Ken Smith, voit cette prise de position d’un bon œil.
Représentant du peuple gwich’in aux Territoires du Nord-Ouest, M. Smith insiste cependant sur le travail mené avec les autres Nations gwich’in du Yukon et de l’Alaska par l’entremise du Gwich’in Steering Committee : « Nous nous considérons comme une seule Nation même s’il y a une frontière nationale entre nous. »
L’initiative des organismes de protection de l’environnement canadiens
La Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) au Yukon s’est positionnée en faveur d’une protection durable. Au mois de décembre dernier, une délégation qui comprenait deux de ses représentants, mais aussi deux représentantes de la Premiere Nation Vuntut Gwich’in d’Old Crow et une personne du Conseil tribal gwich’in, se sont rendus dans le quartier des finances de Toronto afin de rencontrer les directeurs des cinq plus grandes banques du Canada.
Depuis cette visite, Scotiabank, CIBC et TD n’ont pas pris position dans cette affaire. Malkolm Boothroyd, coordonnateur de campagne pour la SNAP estime que les deux premières banques à avoir statué ont permis de créer une dynamique importante : « Nous allons continuer d’exercer la pression jusqu’à ce que les autres banques prennent la même position. »
Dans cette optique, une lettre cosignée par une vingtaine d’organismes de protection de l’environnement canadien a été envoyée la semaine du 19 octobre 2020, aux directeurs des trois banques qui n’ont pas encore statué.
Cet appel urgent à refuser tout financement de forages pétroliers dans le Refuge arctique rappelle que tout projet de développement dans la région « pose une menace pour la santé de la harde de caribous Porcupine et dont dépend directement la Nation gwich’in sur le plan physique, culturel et spirituel ».
Réussir à convaincre les banques canadiennes pose un frein supplémentaire à tout projet de développement dont les couts sont extrêmement élevés en Arctique, selon M. Boothroyd. Si une position favorable est adoptée par l’ensemble des banques canadiennes, ce sera « l’expression d’un signal fort prouvant que l’industrie financière est sceptique ».
Des doutes sur les raisons présentées par les institutions bancaires
Cependant, cette prise de position des institutions financières du Canada n’a pas convaincu le professeur en sciences politiques de l’université de Calgary, Robert Huebert. En effet, celui-ci considère que les banques cherchent seulement à se donner bonne conscience.
Si des prises de position similaires étaient prises face aux projets pétroliers au large de Terre-Neuve par exemple, le scénario aurait été différent selon lui. « C’est assez facile de dire (nous ne financerons pas de projet d’exploration pétrolière dans le Refuge arctique) et de se sentir bien, mais il serait plus intéressant de se poser également la même question pour le Sud du Canada », pense-t-il.
Un travail d’inclusion reste à faire également selon M. Huebert qui estime que la lutte contre le changement climatique devrait inclure davantage les peuples autochtones de l’Arctique directement touchés. Pour le chef du Conseil tribal gwich’in, la coopération avec les peuples autochtones, et les communautés gwich’in en particulier, pourrait s’illustrer par une plus grande intégration des savoirs traditionnels aux savoirs scientifiques.