Exposition artistique : fruits de l’isolement dans le Grand Nord canadien

Œuvre “Kaska Dena Women Tanning Moose Skin” de Mary Caesar, exposition Strenght in Spirit. (Université Victoria)
Une exposition virtuelle offre neufs perspectives autochtones sur les façons de vivre sa pandémie.

« Dans le Nord, nous ne sommes pas étrangers à l’isolement », peut-on lire en préambule de l’exposition Strength in Spirit (Force de caractère) présentée virtuellement jusqu’à la fin de 2021 à l’initiative de la galerie universitaire de l’Université de Victoria.

Mais alors que certains d’entre nous peuvent aimer ou être habitués à travailler seuls, d’autres sont nourris de manière créative par l’interaction intime de s’engager avec leur public au-delà des murs du studio. En l’absence de lien physique, de nombreux artistes autochtones ont dû chercher l’inspiration dans leur for intérieur pour trouver la force de caractère et continuer de créer.

Les neuf artistes sélectionnés expriment, à travers des peintures, des sculptures et des créations perlées, leurs états d’âme pendant la période de quarantaine, qui a été plus ou moins longue d’une province à l’autre au Canada. La curatrice, Jennifer Bowen, estime que cette vitrine virtuelle peut apporter une plus grande visibilité aux artistes.

Œuvre “The Spread” (2020) de Ddhalh kit Nelnah, exposition Strenght in Spirit. (Université Victoria)

Avec le Nord comme leitmotiv, Mme Bowen avoue avoir été surprise de recevoir des soumissions d’artistes d’Alberta ou de Colombie-Britannique qui revendiquent leurs origines nordiques. Elle-même Dénée et originaire de Yellowknife, elle estime que la conception de cette galerie virtuelle lui a permis de réfléchir à sa propre définition du Nord.

« Ça a changé la façon dont je vois le Nord et j’ai réalisé que mon point de vue était biaisé. Cette exposition amène une nouvelle perspective sur ce que le Nord représente au Canada et plus particulièrement du point de vue autochtone. »Jennifer Bowen, curatrice de l’exposition virtuelle
Gestes traditionnels

Mary Caesar est Kaska, membre de la Première Nation Liard et résidente de Watson Lake au Yukon, a acquis une renommée internationale. Elle a choisi une toile représentant des femmes de sa communauté lors du processus de tannage de la peau d’orignal. Le retour aux gestes traditionnels et la transmission de la culture kaska aux jeunes générations par les ainés permet aux jeunes de rester actifs, et ce geste prend pour l’artiste toute sa dimension en temps de crise.

« Nous pouvons retrouver nos racines, nos façons de faire traditionnelles et c’est plus qu’important pendant une pandémie, car la situation est effrayante. »Mary Caesar, membre de la Première Nation Liard
Œuvre “Essential Salmon” de Arlene Ness, exposition Strenght in Spirit. (Université Victoria)

Pour Dennis Shorty, artiste Kaska de Ross River au Yukon, sa culture lui permet de se protéger sur les plans spirituel, émotionnel et corporel. Sa contribution à l’exposition consiste en une sculpture sur bois d’orignal sur laquelle il a ajouté notamment des poils de bison, d’ours noir et d’ours blanc. Elle représente un danseur, une couverture cérémoniale sur les épaules. La sculpture affirme l’importance des vêtements cérémonials lors des danses rituelles. C’est une façon pour l’artiste d’exprimer son identité autochtone.

Pour cet artiste, être fier de sa culture et de son identité facilite une reconnexion avec la nature tout en restant lié aux membres de la communauté.

« Aujourd’hui à cause de la COVID-19, nous sommes limités dans nos interactions sociales et nous devons nous adapter, mais nous sommes un peuple résilient. Dans le passé, lorsqu’il y a eu des épidémies mon peuple a survécu, aujourd’hui nos familles reproduisent ce que [nos ancêtres] avaient fait, en se rendant sur le territoire traditionnel et en cueillant des plantes médicinales qui seront consommées durant l’hiver. »Dennis Shorty, artiste
Vision contemporaine

Dans une création contemporaine qui regroupe à la fois un objet du quotidien : un mouchoir en papier et une technique traditionnelle de perlage, Ddhalh kit Nelnah s’est lancé le défi de coudre des perles et des piquants de porc-épic sur un matériau non conventionnel.

« Je voulais vraiment utiliser quelque chose que tout le monde connait, comme des mouchoirs en papier, explique-t-elle. Je souhaitais aussi me mettre au défi de perler, car il est très difficile de coudre sur des mouchoirs. C’est une pièce très délicate. »

Le motif représenté au centre du mouchoir évoque la dispersion du virus lors d’un éternuement. Appelée La propagation, cette création est la seule que Ddhalh kit Nelnah a conçue sur le thème de la COVID-19.

L’artiste a perdu plusieurs membres de sa famille depuis le début de la pandémie : « L’épidémie représente la mort et le deuil, et je ne suis pas en mesure de créer d’autres œuvres pour exprimer cela. »

Membre de la Première Nation de White River au nord-est du Yukon, elle se consacre à la sauvegarde de sa culture traditionnelle et de sa langue, le haut tanana, tout en préparant une maitrise en arts visuels, qu’elle poursuit à distance à l’Université Concordia de Montréal.

L’exposition Strenght in Spirit est accessible sur le site Web de la communauté universitaire de l’Université Victoria.

Nelly Guidici, L'Aquilon

Pour d’autres nouvelles sur le Nord du Canada, visitez le site de L’Aquilon.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *