Crise en santé dans le Nord québécois : la nouvelle DG veut donner de l’espoir
Alors que le réseau de la santé du Nunavik se remet doucement d’une pénurie de personnel sans précédent et d’une crise de confiance interne douloureuse, sa nouvelle directrice générale, Jennifer Munick-Watkins, assure comprendre la « frustration » et la « détresse » de ses gestionnaires, rapportées récemment par Radio-Canada.
Dans une entrevue accordée cette semaine à Montréal, elle tend la main à tous les travailleurs de la santé.
« C’était vraiment difficile pour moi. Je venais d’arriver en poste et j’avais tout ça sur ma table. Des enquêtes de la province, le manque d’infirmières […] Je veux assurer les membres du personnel des deux établissements de santé que j’ai reçu le rapport [Verreault-Dion] avec ouverture », nous dit-elle, en prenant le temps de répondre dans la langue de Molière, sa troisième langue. Elle alterne avec l’anglais, sa deuxième langue après l’inuktitut.
L’Inuk, originaire de Kuujjuaq, formée en sciences sociales et en sociologie au Collège John Abbott et à l’Université Concordia à Montréal, a officiellement pris les rênes de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN) cette semaine. Elle assurait l’intérim depuis cinq mois.
« Je les remercie [les travailleurs de la santé]. Ils sont là tout le temps avec les Inuit à l’hôpital, ils font tout le travail et ça me tient à cœur », précise Mme Munick-Watkins.
Lise Verreault et François Dion sont deux enquêteurs nommés par Québec en 2020 pour faire la lumière sur des allégations de malversations financières et de mauvaise gouvernance dans le réseau de la santé du Nunavik. Leur rapport, gardé confidentiel par Québec, émet une trentaine de recommandations.
La Régie ouverte à collaborer avec le PDG du CUSM
Afin de rétablir la confiance et d’assurer que ces recommandations soient implantées, le ministère de la Santé a récemment proposé à la Régie de recourir aux services du PDG sortant du CUSM, Pierre Gfeller, comme « accompagnateur ». Ce dernier vient d’être remplacé par la Dre Lucie Opatrny.
Soulignant le professionnalisme et la « gentillesse » de M. Gfeller, Jennifer Munick-Watkins se montre ouverte. Elle précise toutefois que les échanges avec le ministère de la Santé et des Services sociaux sont fréquents depuis cet été et que les discussions ont évolué depuis cette proposition.
« Je veux aussi rassurer mon peuple qu’il n’y a aura pas de bris de services. On devra peut-être réduire l’offre des fois, mais j’ai vraiment espoir que les Nunavimiutt recevront les soins auxquels ils ont droit », indique la dirigeante inuk.
L’ex-présidente du gouvernement local, l’Administration régionale Kativik (ARK), rappelle que Québec doit, de son côté, être en mesure de comprendre la « réalité au Nord » et de régler des disparités qui « perdurent depuis des décennies entre Inuit et non-Inuit ».
« Je souhaite que les employés inuit du réseau de la santé du Nunavik aient des conditions de travail égales aux non-Inuit et ce n’est pas le cas présentement », déplore-t-elle.
Actuellement, les employés Inuit sont également sous-représentés dans le réseau de la santé du Nunavik. Ils occupent aussi davantage de postes de soutien comme préposés aux bénéficiaires ou traducteurs, par exemple. Il n’y a aucun Inuk occupant la fonction de médecin ou d’infirmière actuellement.
Selon la dirigeante, recruter des infirmières inuit, par exemple, un projet sur lequel travaille actuellement la Régie, contribuera non seulement à amenuiser la pénurie de personnel, mais aussi à redonner confiance aux Nunavimmiut envers le système de santé québécois.
« Ça fait une grande différence quand les intervenants parlent en inuktitut », insiste-t-elle, d’autant plus que les traducteurs se font de plus en plus rares.
« On a une pénurie de traducteurs en ce moment. C’est un défi. Mais j’ai espoir d’attirer nos jeunes dans le système de santé. Ils sont intelligents et vifs d’esprit », dit-elle d’une voix enjouée.
La directrice générale se permet de rappeler que le gouvernement du Québec a lui aussi la responsabilité de s’ajuster aux communautés autochtones en réponse à de nombreux rapports qui le visent, dont celui de la commission Viens. Ce rapport d’enquête, du nom du juge à la retraite et commissaire Jacques Viens, émettait 142 recommandations en 2019.
« Ils vont peut-être me trouver fatigante, à Québec, mais je vais constamment leur rappeler que la réalité au Nord n’est pas celle des régions de Montréal, de Québec ou du Saguenay-Lac-Saint-Jean », dit la leader inuk.
« Je suis vraiment ouverte. On doit travailler tous ensemble. Mais Québec doit s’ajuster à la réalité des Nunavimmiut », ajoute-t-elle.
« Venez visiter le Nord! »