Il manque 636 millions aux Autochtones pour avoir des logements convenables
Il existe un écart de 636 millions de dollars entre les montants versés par les ménages autochtones et les sommes nécessaires pour avoir accès à des logements qui conviendraient aux caractéristiques entre autres des familles autochtones qui sont plus nombreuses.
Voilà les données avancées par le bureau du Directeur parlementaire du budget (DPB) dans un rapport intitulé Logement pour les Autochtones vivant en milieu urbain, rural et nordique, et qui donnent une idée de l’ampleur des besoins pour loger ces ménages vivant à l’extérieur des réserves, y compris en matière de lutte contre l’itinérance.
Selon le document, des quelque 667 000 ménages autochtones recensés en 2020, 18 %, ou 124 000, ont des besoins de logement, alors que 0,5 % de la population (7000 personnes) se trouve en situation d’itinérance à un moment donné.
Ces besoins de logements sont définis, selon la Société canadienne d’habitation et de logement, comme des habitations « inacceptables », que ce soit en termes de taille, de qualité ou d’accessibilité financière.
De plus, les logements abordables disponibles à l’échelle locale coûtent plus de 30 % des revenus des ménages concernés.
Au total, il existe un écart de 5000 $, en moyenne, « entre ce que les ménages autochtones ayant des besoins de logement peuvent se permettre de payer et ce qu’ils devraient payer pour un logement convenable et adéquat », mentionne le rapport.
C’est cet écart qui correspond au manque à gagner de 636 millions de dollars souligné par le rapport.
Ce rapport est publié au moment où les autorités sanitaires canadiennes, si elles constatent bel et bien une diminution marquée des cas actifs de COVID-19 chez les Premières Nations, n’en soulignent pas moins que ces populations sont beaucoup plus à risque que l’ensemble de la population canadienne de contracter la maladie.
Ce risque élevé est dû non seulement aux facteurs de santé, mais aussi parce que les Autochtones vivent souvent dans des conditions insalubres, ou dans des logements trop petits, en raison d’une crise du logement qui perdure depuis plusieurs années.
Et ce taux augmente en fonction du sous-groupe autochtone représenté.
Ainsi, en moyenne, 18 % des ménages autochtones ont des besoins de logement, contre 12 % des ménages non autochtones.
La proportion passe à 22 % pour les Autochtones définis comme étant des Indiens inscrits selon la loi, 19 % chez les Indiens non-inscrits, 15 % chez les Métis, et à 30 % chez les Inuit.
Chez ces derniers, la probabilité d’avoir des besoins de logement – donc d’avoir un logement qui ne convient pas – est 2,4 fois plus importante que chez les allochtones, souligne le DPB.
Cette disparité entre ménages autochtones et allochtones est la plus marquée au Manitoba et en Saskatchewan, précise le rapport. Dans ces deux provinces, les ménages autochtones sont « respectivement 1,8 et 1,7 fois plus susceptibles d’avoir des besoins de logement que le reste des résidents ».
Un problème urbain
C’est en ville que l’on trouve le plus de ménages autochtones ayant des besoins de logement, 57 % de ces ménages habitant en ville, notamment à Vancouver et Winnipeg, où l’on compte respectivement 8000 et 9000 familles qui habitent des logements non adaptés à leurs besoins, indique le rapport.
La différence avec les ménages allochtones tient notamment au fait que les ménages autochtones comptent généralement plus d’enfants, ce qui signifie que les logements doivent avoir davantage de chambres, ce qui est habituellement plus difficile à trouver à des prix abordables.
À revenu égal, donc, les ménages autochtones ont plus de problèmes à se loger convenablement.
Cette disparité est particulièrement vraie en ville, où plusieurs facteurs contribuent à ce manque de grands logements, qui touche toute la population, et pas seulement les Autochtones.
À Montréal, par exemple, la pandémie est venue exacerber un problème déjà criant : non seulement les grands logements sont-ils rares, mais cela se combine à une tendance à la transformation de logements en condos, et à la construction de nouveaux logements plus petits, qui ne conviennent souvent pas aux familles nombreuses.
Une aide insuffisante
Autre facteur venant aggraver le problème des ménages autochtones, l’aide financière fournie par le gouvernement fédéral n’est parfois pas suffisante pour subvenir aux besoins en matière d’habitation.
Si Ottawa verse 179 millions de dollars par année pour divers programmes de logement et de lutte contre l’itinérance pour les Autochtones en milieu urbain, rural et nordique, selon le rapport du DPB, et ce, pour une période de 10 ans, « 47% des Autochtones vivant dans des logements subventionnés ont quand même des besoins de logement », indique le même document.
Le rapport du DPB ne contient pas de recommandations en lien avec les informations faisant état de ce manque à gagner de plus de 600 millions de dollars pour les ménages autochtones en matière d’habitation.
Un écart « inacceptable »
Dans une réaction transmise par courriel, jeudi en fin de soirée, le ministère de la Famille, des Enfants et du Développement social affirme que « le rapport du DPB d’aujourd’hui souligne l’écart inacceptable en matière de logement entre les communautés autochtones et non autochtones au Canada résultant de décennies de négligence et de sous-financement des infrastructures communautaires et de logements ».
Selon Daniele Medlej, conseillère principale en communications pour le ministère, dans le cadre de l’Énoncé économique de l’automne 2020, Ottawa a « engagé 1,8 milliard de dollars sur sept ans à partir de 2021-2022 pour soutenir les priorités en matière d’infrastructures communautaires et avons introduit l’Initiative pour la création rapide de logements – notre plan d’un milliard de dollars dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement – afin de créer jusqu’à 3000 nouveaux logements abordables d’un océan à l’autre ».