Faire parler l’ADN des plantes préhistoriques dans l’Arctique

Les résultats des analyses de l’ADN ont révélé que la végétation autour du lac était beaucoup plus luxuriante il y a 120 000 ans. (Chris Jackson/Getty Images)
L’analyse des sédiments d’un lac de l’ile de Baffin permet de mieux comprendre et d’envisager les changements climatiques.

La végétation arctique était plus luxuriante il y a 120 000 ans. C’est ce que révèle les travaux d’une équipe de chercheurs qui a effectué des analyses d’ADN sur des sédiments déposés au fond d’un lac à proximité de la collectivité de Clyde River, au Nunavut.

L’équipe de 13 chercheurs issus de différentes universités du Colorado, de la Californie, de l’état de New York et de l’Alaska s’est rendue à plusieurs reprises sur le site afin de collecter les sédiments présents dans la couche de vase au fond du lac.

« Les sédiments se sont accumulés au fond du lac et représentent une très belle archive continue de la façon dont le paysage autour du lac a changé au fil du temps », explique Sarah Crump, boursière en recherches postdoctorales à l’université Santa Cruz et spécialiste en paléoclimatologie.

Présente sur le terrain en 2017, elle s’est ensuite rendue au laboratoire spécialisé de l’université Curtin de Perth, en Australie, afin d’analyser elle-même l’ADN présent dans les carottes de sédiments extraites à l’aide d’une nouvelle technologie appelée Sedimentary Ancient DNA qui permet l’extraction d’ADN directement de la vase.

« Il s’agit d’une technique assez nouvelle qui nécessite une configuration de laboratoire vraiment spécifique pour éviter la contamination lorsque nous travaillons sur cet ADN dégradé très ancien. J’y ai travaillé pour extraire et séquencer l’ADN végétal qui nous intéressait. »Sarah Crump, spécialiste en paléoclimatologie
L’adaptation des plantes en milieu arctique

Les résultats de cette recherche ont donc permis de mettre à jour un environnement arctique bien différent de ce que l’on connait aujourd’hui. Il y a 120 000 ans, à cette latitude, le climat était plus chaud avec des températures de 5 degrés plus élevés qu’aujourd’hui. La végétation reflétait donc ce climat. La lecture de l’ADN a permis de montrer qu’une variété de bouleau nain poussait aux abords immédiats du lac alors que cette variété est présente 400 kilomètres plus au sud à l’heure actuelle.

Cette conclusion est fascinante selon Mme Crump, car elle montre les capacités d’adaptation de la végétation aux changements climatiques : « Il y a eu une redistribution assez substantielle des plantes autour de l’Arctique et nous savons que les arbustes de l’Arctique et de la forêt boréale poussaient plus au nord. »

Effet sur les changements climatiques

Pour la chercheuse, la flore arctique joue un rôle important qu’il faut prendre en compte dans les prévisions du changement climatique. Si l’Arctique continue de se réchauffer à la même cadence, la végétation évoluera afin de s’adapter. Cependant, la présence d’arbustes plus grands n’est pas anodine et pourrait aggraver le réchauffement. Ces arbustes, par leur ombre, rendraient la surface neigeuse plus sombre et réfléchissante et permettraient ainsi une plus grande absorption de l’énergie solaire qui contribue au réchauffement du sol.

« Comme l’Arctique continue de se réchauffer, les changements dans l’aire de répartition des espèces végétales seront une réalité et je ne pense pas que nous puissions empêcher cela, indique la paléoclimatologue. Cependant nous pouvons comprendre comment ces changements se produiront et il est important de les prendre en considération. »

Alors que la pandémie remet en cause les possibilités de retour sur le terrain afin de poursuivre la collecte de sédiments sur d’autres sites du territoire, l’équipe travaille actuellement à la création de documents à l’intention de la collectivité de Clyde River, afin de communiquer les résultats de leurs recherches.

Nelly Guidici, L'Aquilon

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