Dans le Grand Nord canadien, le Nunavut se bat pour recruter des infirmières
Au Nunavut, le manque d’infirmières s’est accru avec la pandémie. Le gouvernement territorial dit faire beaucoup d’efforts de recrutement et de rétention dans un contexte particulièrement tendu au pays.
Entre 2008 et 2017, Colleen Wyatt a travaillé comme infirmière à Pond Inlet, une communauté située au nord de l’île de Baffin. Venue finir sa carrière dans le Grand Nord, la native de Terre-Neuve dit être tombée amoureuse de l’endroit, mais ne cache pas les difficultés qu’elle a rencontrées dans son travail.
En arrivant sur place, dans le centre de santé communautaire, Mme Wyatt affirme qu’elles étaient cinq infirmières. « On devait tout gérer, la santé mentale, les maladies infectieuses comme la tuberculose, etc. »
Elle explique que, pendant plusieurs années, elles ont eu de la chance, car leurs cinq postes étaient permanents. Cela leur permettait de bâtir des relations de confiance avec la communauté.
Le problème des employés transitoires est bien connu dans le Nord. Le gouvernement du Nunavut ne cache pas qu’il est très difficile de recruter, mais surtout de retenir du personnel.
Colleen Wyatt avoue ne pas connaître la solution pour faire face à ce problème. « La solution n’est pas financière, ça, c’est sûr, dit-elle. Même si c’est un gros facteur, ça ne suffit pas. »
Elle pense que l’accent devrait être mis sur la santé mentale.
Des fermetures de centres de santé
Les récents manques de personnel ont poussé plusieurs centres de santé du Nunavut à fermer de façon temporaire, quand d’autres ne pouvaient rester ouverts qu’aux urgences.
« Cela signifie que dans une communauté de 1800 personnes, l’accès aux soins est réduit, mais l’accès à ceux qui en ont vraiment besoin à court terme est accru », résume Diane Batchelor qui, à 71 ans, compte 50 ans d’expérience comme infirmière.
Celle qui travaille aussi à Pond Inlet reconnaît que pour elle et ses collègues, les temps sont durs. Et les effectifs fluctuent en fonction des disponibilités des infirmières du Sud. Les jours peuvent donc être très longs.
Elle avoue que de tels horaires peuvent jouer sur le moral des infirmières.
Embauche d’ambulanciers
Jennifer Barry, sous-ministre adjointe des opérations pour le ministère de la Santé, reconnaît qu’il y a des progrès à faire pour recruter de la main-d’œuvre dans le Nord. Elle soutient pourtant que le gouvernement est très proactif.
Pour faire face au manque d’infirmières, encore plus criant cette année, le ministère de la Santé a dû trouver des solutions innovantes. « L’une de nos stratégies, ça a été l’arrivée de techniciens ambulanciers paramédicaux. Mais comme cela n’avait pas été fait avant, nous avons dû faire un gros travail en amont pour nous assurer qu’ils puissent entrer en toute sécurité dans le système de santé nordique. »
Mme Barry affirme que l’opération a été un succès puisque le gouvernement a reçu des retours positifs des membres des communautés dans lesquelles ils ont été déployés.
Elle reconnaît pourtant que cela ne suffit pas puisqu’il y a 95 postes d’infirmières dans des domaines variés à pourvoir dans le territoire. L’employée gouvernementale note qu’une des grosses difficultés concerne les logements : ces derniers ne sont pas fournis.
La dernière année et demie lui a toutefois enseigné d’autres choses sur les envies de la profession.
Malgré l’épuisement, Colleen Wyatt et Diane Batchelor n’hésitent pas à dire que l’expérience d’être dans une petite communauté et d’apprendre à réellement connaître les gens qui la composent est très enrichissante.
« Les deux pensent d’ailleurs que la communauté devrait jouer un plus grand rôle dans le domaine de la santé. Plus la communauté sera engagée, plus nous pourrons comprendre ses besoins spécifiques et faire évoluer notre système de santé vers un modèle plus consensuel utilisant des mesures fondées sur des preuves et des mesures fondées sur l’expérience communautaire afin de fournir la meilleure aide possible », conclut Diane Batchelor.
Avec des entrevues de Cindy Alorut et Meagan Deuling