Une ancienne cheffe d’antenne inuk recevra un prestigieux prix canadien en journalisme

La carrière de Rassi Nashalik, qui a été pendant près de 20 ans le visage de l’information offerte en inuktitut dans le Grand Nord, sera saluée par le prix Gordon-Sinclair du journalisme parlé.
Mardi, l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision a dévoilé que l’ancienne présentatrice recevra ce prix, qui est remis annuellement à un journaliste pour son « œuvre exceptionnelle en journalisme télévisé au pays ».
Rassi Nashalik a été la première cheffe d’antenne d’Igalaaq, le journal télévisé en inuktitut de CBC North. De 1995 à 2014, elle a présenté l’actualité quotidienne du Grand Nord depuis Yellowknife.
« Animer quotidiennement cette émission m’a vraiment appris à bien communiquer avec le public », résume-t-elle.
Née dans un camp éloigné près de Pangnirtung, sur l’île de Baffin, Rassi Nashalik a travaillé comme traductrice pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest avant de faire son entrée à CBC. Elle était loin de se douter qu’elle ferait carrière en journalisme.
« Durant l’été 1994 [je] faisais la traversée du Canada en voiture et j’avais gardé avec moi l’offre d’emploi pour le poste de présentateur d’Igalaaq », raconte-t-elle. « J’y ai pensé pendant un bon moment, puis je me suis dit : « Je pense que je peux faire ce travail. » »
De passage dans l’Illinois, aux États-Unis, elle prend son courage à deux mains le dernier jour avant la clôture des candidatures et passe un coup de téléphone aux patrons de CBC North.
La suite a prouvé qu’elle avait eu raison de le faire.

« Elle a ouvert la voie »
Sa profession l’a amenée à voyager sur le terrain dans plusieurs collectivités du Nord et à couvrir une période politique marquante, ponctuée notamment par la création du Nunavut en 1999 et par la première élection de ce territoire.

Rapidement, la cheffe d’antenne inuk est devenue une référence dans la sphère médiatique du Grand Nord. « Tout le monde la connaissait », raconte l’archiviste de CBC North Susie Zettler. Cette dernière a travaillé aux débuts des années 2010 avec Rassi Nashalik, qu’elle considère aujourd’hui comme une grande amie.
Son fort niveau d’inuktitut, dit-elle, lui a valu le respect de ses collègues et du public, qui comptait de nombreux unilingues. « Elle a ouvert la voie aux locuteurs de l’inuktitut », assure-t-elle.
Rassi Nashalik croit que c’est son précédent emploi de traductrice pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest qui lui a permis d’atteindre un bon niveau de langue.
« Nous avions appris à faire de la traduction à vue. Alors, quand j’ai occupé le poste d’animation, il n’était pas si difficile pour moi de traduire des textes de nouvelles de l’anglais vers l’inuktitut en direct », affirme-t-elle.

Former localement les jeunes journalistes inuit
En 2014, Rassi Nashalik a pris sa retraite et ainsi passé le flambeau à la prochaine génération de journalistes inuit.
Avec le recul que lui a donné son expérience, elle explique qu’elle souhaiterait que davantage d’Inuit deviennent journalistes. « Nous connaissons les gens et la culture, dit-elle. Il est très important que la jeune génération prenne le relais. »
Elle admet que l’absence de programmes d’enseignement en journalisme dans le Nord n’encourage pas les jeunes à se tourner vers cette profession, mais elle espère que ce sera un jour le cas, évoquant l’exemple du Collège de l’Arctique, du Nunavut.

Aujourd’hui, Rassi Nashalik travaille pour la Fondation pour le bien-être des Autochtones de l’Arctique, un organisme qui lutte contre la détresse psychologique des Autochtones des Territoires du Nord-Ouest en privilégiant des pratiques de guérison traditionnelle.
Elle a aussi pris part aux audiences de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées pour offrir notamment son soutien aux personnes présentes pour témoigner.