Les langues autochtones sont « symboliques » dans le Grand Nord canadien, déplorent leurs défenseurs
Les défenseurs des neuf langues autochtones officielles des T.N.-O. le martèlent : ils n’ont pas l’impression qu’elles sont mises sur le même niveau que l’anglais et le français. Ils ne sont pas les seuls, puisque la commissaire aux langues officielles du territoire est aussi de cet avis.
Après 2017, 2022 est l’année à laquelle la Loi sur les langues officielles des T.N.-O. subit une révision.
Après avoir commencé à consulter la communauté, l’été dernier, le Comité permanent des opérations gouvernementales a tenu, jeudi, un examen public du rapport annuel 2020-2021 de la commissaire aux langues officielles.
Sans surprise, la commissaire Brenda Gauthier, en poste depuis un peu plus d’un an, a choisi de concentrer sa présentation sur les langues autochtones et leur quasi-absence des services offerts par le gouvernement territorial.
Avant d’occuper son poste actuel, Mme Gauthier a travaillé plus de 30 ans pour le gouvernement territorial. Après 25 ans de services, elle a demandé à ce que la cérémonie pour honorer sa longévité professionnelle se fasse en langue dene zhatıé (esclave du Sud).
Même si elle affirme avoir trouvé quelqu’un l’ayant fait rapidement et gratuitement, elle avoue ne pas savoir si le gouvernement aurait payé les frais s’il y en avait eu.
Une loi peu connue par les fonctionnaires
Mme Gauthier ne peut pas s’empêcher de se demander si les choses ont changé depuis, d’autant plus que, selon elle, la Loi sur les langues officielles est relativement peu connue des fonctionnaires.
« Le plus gros problème avec la législation est qu’elle s’applique aux institutions gouvernementales, mais les employés gouvernementaux dans ces institutions ne sont pas conscients du rôle qu’ils doivent jouer ou de l’endroit où ils peuvent obtenir des instructions. »
Paul Boucher et Jessica Hval, deux enseignants à l’école secondaire PWK de Fort Smith, s’interrogent eux aussi sur la place de leurs langues – le cri et le chipewyan – dans les Territoires du Nord-Ouest.
« Quand vous regardez la loi, elle doit protéger neuf langues [en plus du français et de l’anglais], mais j’ai l’impression que les langues autochtones sont symboliques », avance M. Boucher, qui ajoute que toutes les langues doivent être protégées au même niveau.
Quand Mme Hval regarde la loi, elle déplore que tout le monde n’ait pas eu une place égale à la table des discussions. « Le document est surtout centré sur le français et l’anglais et le reste est, en quelque sorte, en périphérie de cela. »
Rendre les langues plus visibles
Paul Boucher estime que certains ministères, comme ceux de l’Éducation, qui a développé le curriculum basé sur les langues autochtones « Nos langues » en 2020, et de la Santé, qui a affiché des signes dans différentes langues autochtones au centre de santé de la communauté, font du bon travail pour rendre les langues visibles à Fort Smith.
Jessica Hval cite, pour sa part, les panneaux « arrêt » qui sont dans les quatre langues parlées dans la communauté (anglais, chipewyan, cri et français).
Pour les deux enseignants, la question de la visibilité des langues autochtones est centrale pour donner aux jeunes l’envie d’apprendre, pour leur montrer la « valeur » de la langue.
En plus de voir la langue, encore faudrait-il l’entendre, croit Mme Hval.
Elle regrette aussi que les jeunes n’entendent pas plus souvent la langue dans la communauté.
Les deux enseignants reconnaissent cependant que le gouvernement ténois fait des efforts pour améliorer la situation dans ses services.
Paul Boucher pense aussi que les obstacles pourraient assez facilement être surmontés, ne serait-ce que pour ajouter les neuf langues autochtones en option pour les appels téléphoniques aux différents ministères.
« Avec la technologie que nous avons de nos jours, nous pouvons promouvoir l’utilisation de nos langues, nous pouvons quasiment tout faire. »