Une immigration francophone d’Afrique inégale dans le Grand Nord canadien

Alors qu’aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut la francophonie est plurielle, le Yukon peine à attirer les nouveaux migrants venus d’Afrique. Et la raison pourrait avoir affaire avec la force du bouche-à-oreille, selon des intervenants en immigration.
« Je ne sais pas pourquoi on n’arrive pas à avoir plus de diversité », déplore d’emblée Isabelle Salesse, directrice de l’Association franco-yukonnaise (AFY).
Elle explique que l’organisme cherche à attirer des migrants venus d’Afrique, mais pour le moment, la population francophone du territoire reste principalement canadienne et européenne.
C’est pourquoi l’un des objectifs de l’AFY est d’aller recruter directement sur place à l’avenir.
Les questions d’immigration relèvent pourtant bien souvent d’autre chose que du désir, et s’il y a une barrière qui affecte le processus, c’est bien celle qui est liée aux démarches administratives.

Par exemple, explique Isabelle Salesse, si les employeurs décident d’embaucher une personne directement d’Afrique, ils devront se munir de patience. Elle avance même le chiffre de 90 jours d’attente pour certains visas.
« Beaucoup des demandes de mobilité francophone se ramassent à Dakar. Ils n’ont pas suffisamment de monde pour trier ces demandes-là », dit-elle.
Cette réalité est bien connue au Nunavut, et aux Territoires du Nord-Ouest aussi. Pourtant, dans ces deux derniers territoires, elle ne semble pas avoir d’incidence sur la diversité de la population francophone.
Importance du bouche-à-oreille
François Afane, directeur du Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest (CDETNO), parle d’une immigration francophone riche et variée qui a démarré avec l’installation de la communauté zimbabwéenne.
Selon lui, cette communauté a fait « un appel d’air » qui a poussé d’autres migrants à tenter l’expérience ténoise.
Les nouveaux arrivants se sentent aussi mieux accueillis, car il y a déjà une forte communauté sur place.

Au Nunavut, même cas de figure : le bouche-à-oreille est à l’origine de l’arrivée de plusieurs familles originaires d’Afrique, selon Francis Essebou, directeur de Carrefour Nunavut.
Il note pourtant que le territoire, contrairement à ses deux voisins du Nord, ne possède pas de programme d’immigration en soi. Il se contente de participer à des salons dans le sud du pays, mais il ne sort pas des frontières canadiennes.
Deuxième ou troisième destination
Et cela tombe bien, car Francis Essebou et François Afane croient que le Nunavut, tout comme les Territoires du Nord-Ouest, est « une deuxième ou une troisième destination », c’est-à-dire que les migrants s’y intéressent après avoir tenté leur chance dans le sud du pays et y avoir été déçus.
« Quelqu’un qui est dans le sud, qui n’arrive pas à trouver ses marques, qui n’arrive pas à s’intégrer dans le tissu n’est pas épanoui », remarque Francis Essebou.

Il affirme même que le taux de chômage pour la population africaine qui arrive au territoire est de 0 %, un chiffre qui a de quoi faire des envieux.
Au Yukon, Isabelle Salesse ne perd pas espoir que son territoire suive la même trajectoire. Pourtant, elle sait que les choses ne changeront pas en une nuit.
« On voudrait faire un plan pluriannuel de recrutement qui nous permettrait de faire autre chose que Destination Canada [un salon d’immigration qui se déroule en France] pour se déplacer en Afrique […], au même titre que les universités. »
Mme Salesse note aussi que la destination attire tout de même les candidats du continent, puisque les derniers salons organisés en ligne ont donné lieu à de nombreuses candidatures venant d’Afrique du Nord.
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