L’artiste Jessica McVicker expose sa vision du Nord canadien

Les œuvres de Jessica McVicker semblent parfois sortir tout droit de la nature sauvage des T.N.-O., et, à d’autres moments, droit de notre propre imagination. (Lambert Baraut-Guinet/L’Aquilon)
Après deux années passées à peindre sans pouvoir exposer son travail, Jessica McVicker a pu profiter de la levée des restrictions sanitaires pour partager son travail et ravir son public. L’exposition s’est déroulée à l’édifice Northern United Place de Yellowknife, les 22 et 23 avril, et a été un franc succès.

« Il ne me reste presque plus de tableaux », a annoncé joyeusement l’artiste sur sa page Facebook dimanche soir, au lendemain de la clôture de l’exposition.

Une exposition d’une trentaine de toiles, dont la grande majorité avait déjà été réservée à l’achat après la soirée d’ouverture. Ce succès, la Britanno-Colombienne l’a construit petit à petit, d’abord en Alberta, où elle a suivi une formation artistique universitaire, puis aux Territoires du Nord-Ouest ensuite.

« J’étais à Calgary, à l’Université de l’Alberta exactement, pour étudier l’illustration. Et une amie à moi m’a raconté toutes ses histoires à propos de Yellowknife. Ça sonnait comme une aventure épique. Alors, je suis venue, et je vis ici depuis. Ça va faire 13 ans. »

Les œuvres de Jessica McVicker semblent parfois sortir tout droit de la nature sauvage des T.N.-O., et, à d’autres moments, droit de notre propre imagination. (Lambert Baraut-Guinet/L’Aquilon)
Une arrivée en tambour

En 2016, après avoir travaillé quelque temps comme designer et réalisé quelques œuvres sur son temps libre, qu’elle est parvenue à vendre, elle a créé le studio JAMmed, comme ses initiales, « Jessica Alice McVicker », et comme elle souhaitait qu’on l’appelle lorsqu’elle « était plus jeune ».

En créant ce studio, l’artiste a pris le pari de ne vivre que de sa peinture. Elle a loué un local dans la vieille ville, puis l’a déménagé dans le centre avant de commencer à donner des cours et à exposer ses œuvres.

Une transition « incroyablement effrayante », mais qu’elle juge plus facile à Yellowknife qu’ailleurs. D’après elle, « la communauté est très accueillante, et toujours à l’affût du prochain artiste célèbre en devenir ».

« Comme si les gens se disaient : « Qui sait ce que ce peintre ou cette artiste va devenir. Si on ne l’aide pas à se lancer, elle ne décollera pas, et à terme n’a aucune chance de devenir célèbre » », explique-t-elle.

Une ville « parfaite pour se lancer et réussir, pour commencer à construire. Une ville qui pousse les artistes émergents, grâce à des subventions, à des programmes, » détaille-t-elle.

Rapidement, sa peinture gagne en réputation. Elle est exposée en Europe, à Vérone, en Italie, à Vancouver et à Toronto. « Je commençais à être exposé dans le Sud, et je commençais à envisager de m’étendre un peu. »

« Évidemment, la pandémie est arrivée, pile à ce moment-là. »

Un retour en arrière douloureux

La crise économique frappe, et « le secteur artistique est le premier touché », dit l’artiste. Les galeries annulent les expositions, lui renvoient même parfois ses œuvres. Certaines, heureusement, les conservent, en attendant des jours meilleurs.

La peintre est compréhensive. « C’est toujours un risque d’exposer des artistes qui viennent de loin », ajoute-t-elle.

La déception est immense, tout de même. « C’était un moment pivot dans ma carrière et je me suis sentie déçue, dévastée », raconte-t-elle.

Têtue, elle tente tout de même d’exposer son travail pour garder le lien et maintenir la communauté active.

Elle refuse de passer au mode virtuel. « Je déteste les évènements en ligne, donc j’ai tenté de faire quelque chose. J’aime voir les gens, comprendre ce qu’ils voient, savoir où part mon travail quand ils l’achètent. »

« Ça me nourrit et me fait me sentir bien d’imaginer mes tableaux dans ces beaux endroits », confie-t-elle.

Encore une fois, il faudra attendre. Ses expositions en présentiel n’auront pas lieu à cause de la pandémie et des contraintes sanitaires encore en vigueur.

Nuances d’introspection

À défaut de se tourner vers l’extérieur, l’artiste se renferme et puise en elle-même l’inspiration dont elle a besoin pour se renouveler et continuer à travailler.

« Je ne savais pas ce qui allait se passer, si j’allais pouvoir vendre mon travail. J’étais anxieuse, et, pour faire face à cela, j’ai décidé de peindre pour moi, de réaliser tous ces tableaux plus personnels. Des portraits qui parlent de ce que je ressentais, qui plongent au plus profond de ce que je suis. Je ne les ai pas peints pour les vendre, plutôt pour vraiment célébrer qui je suis, et travailler sur mes sentiments de ces deux dernières années. »

Des changements qui ont également influencé son art lui-même. « J’ai élargi ma palette de couleurs, en passant de 4 à 13 », mentionne la peintre.

« Ça a vraiment transformé la manière dont je traite et la façon dont je comprends la peinture. Ce que je faisais auparavant était devenu presque machinal, et j’ai cherché à aller plus loin dans mon art. J’avais la sensation d’être assez compétente dans ce que je faisais depuis des années, et j’avais besoin d’aller plus loin. »

Repartir vers l’avant

Produire de nouvelles œuvres, en attendant la fin des restrictions et le redoux pandémique de ce début 2022, c’est ce que Jessica McVicker a fait, pour finalement se relancer dans l’organisation de son exposition Up North.

Cette dernière s’est tenue les vendredi et samedi 22 et 23 avril et a été un franc succès. Le samedi à midi, près des deux tiers des œuvres étaient déjà réservés. Cela a laissé l’artiste littéralement désœuvrée. « C’est incroyable, dit-elle. Les gens en demandent plus. Il va falloir se remettre au travail. »

Un nouveau départ pour se donner le courage de reprendre le chemin des galeries du Sud. Car si les effets de la crise se font encore ressentir dans le secteur artistique, il est tout de même temps pour l’artiste de recommencer.

Également, peut-être, le temps de créer et de se lancer dans de nouveaux projets, comme cette bourse obtenue pour travailler sur le lien entre paysage et mise en récit, notamment en partenariat avec « les archives des Territoires du Nord-Ouest et le Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles », dit la peintre. Il s’agit de « discuter avec les habitants qui sont là depuis toujours et découvrir ce que les artistes locaux ont produit dans le passé, comment ils ont interprété les paysages et les couleurs ».

« Je ne sais pas ce que ça va donner, mais ça devrait arriver en octobre 2022. »

Lambert Baraut-Guinet, L’Aquilon

Lambert est titulaire d'une maîtrise en géochimie de l'Institut de physique du Globe de Paris et en communication sur le changement climatique de l'Université Paris Saclay. Après son doctorat en géochimie isotopique au Muséum National d'Histoire Naturelle où il a étudié les processus de fractionnement isotopique de l'ozone indépendants de la masse, il a travaillé comme rédacteur scientifique, rédacteur technique et professeur de mathématiques. En tant qu'écrivain indépendant, son travail a été publié dans Pour la Science et d'autres publications.

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