En apprendre plus sur la vie sur Mars à partir de l’Arctique canadien
Des recherches sur une formation géologique unique aux Territoires du Nord-Ouest portent des scientifiques à conclure que la planète Mars serait plus habitable qu’il n’y paraît.
C’est du moins ce qu’indique une recherche entreprise par Steve Grasby, chercheur scientifique de Ressources naturelles Canada à la Commission géologique du Canada, et son équipe. Les résultats de cette recherche sont publiés dans la revue Chemical Geology.
Les scientifiques se sont rendus sur le site des Smoking Hills, une formation géologique située à l’extrémité nord de la partie continentale des Territoires du Nord-Ouest. Nommée Ingniryuat par les Inuvialuit qui peuplent la zone, elle est formée de roches qui produisent de la fumée contenant de l’acide sulfurique.
Cette fumée relâche des métaux dans l’environnement et rend l’eau des étangs de la zone très toxique et, surtout, très acide. À un point tel que le pH le plus bas relevé sur place se situe à -1,4, explique le chercheur Manuel Bringué, biostratigraphe et l’un des auteurs de l’étude.
Ce qui intéresse particulièrement les chercheurs, c’est qu’on trouve dans cette formation unique un minerai assez rare, qui se repère grâce à la couleur jaune qui apparaît dans la roche : la jarosite.
Un minerai présent aux T.N-O. et sur Mars
Toujours selon le chercheur, la jarosite s’est formée après le dépôt de sédiments accumulés dans le fond de l’océan il y a 80 à 85 millions d’années.
« On sait qu’à l’époque, il y avait beaucoup de vie dans les océans, beaucoup de productivité primaire, beaucoup de planctons […] donc la vie était très abondante. »
Selon Manuel Bringué, on sait aussi que ce minéral est présent sur Mars. Jusqu’à présent, sur Terre, il avait surtout été documenté dans des lacs très acides situés en Australie. Ces découvertes ont poussé la communauté scientifique à penser que les conditions sur la planète rouge ne sont pas très compatibles avec la formation de la vie.
« Ce que mon collègue Steve [Grasby] vient de montrer ici, c’est que la jarosite ne témoigne pas nécessairement de conditions adverses. »
Dans un communiqué de presse, Steve Grasby affirme en effet que puisque la jarosite trouvée sur Terre s’est formée dans « des conditions marines normales et propices à la vie », les eaux qui se trouvent sur Mars pourraient avoir un pH presque neutre et, ainsi, être propices à la vie.
Lorsqu’il est question de vie, les chercheurs font référence à des micro-organismes qui ne sont visibles qu’au microscope et non aux organismes multicellulaires, plus gros.
Cette découverte pose une question importante, notamment dans le contexte des recherches effectuées en ce moment par la NASA, note Manuel Bringué.
« Il y a un intérêt énorme pour arriver à comprendre dans quelle condition la vie peut émerger sur d’autres planètes. »
La découverte de la jarosite aux Smoking Hills, une zone bien plus accessible que la planète Mars, permettrait à l’Agence spatiale américaine de préparer ses prochaines missions sur la planète rouge, pense le chercheur.
« Maintenant qu’on a établi ce site comme étant un analogue potentiel [de Mars], ça donne une chance aux scientifiques et aux ingénieurs qui vont concevoir les prochains instruments envoyés sur Mars de déterminer ce dont ils ont besoin, de quel capteur ils ont besoin, de quel calibrage ils ont besoin pour détecter la jarosite et les éléments connexes. »
Cependant, avant de penser retourner sur place pour continuer d’étudier les Smoking Hills et ce qu’elles peuvent nous enseigner sur Mars, l’équipe de Steve Grasby devra demander des autorisations aux communautés locales.
En cas d’accord, ils aimeraient étudier ce qu’il advient des métaux contenus dans la fumée et relâchés dans l’environnement, ainsi que les effets du réchauffement climatique sur le taux de relâchement de ces métaux.
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