Les feux de forêt dans le Nord favoriseraient la croissance du phytoplancton dans l’océan Arctique

Image satellite montrant le panache de fumée s’étendant sur l’Arctique russe en août 2014. (Université d’État de la Caroline du Nord)

La fumée des incendies dans le Grand Nord peut contribuer à la prolifération du plancton végétal dans l’Arctique, à la base de la chaîne alimentaire océanique, selon des chercheurs. Leurs travaux mettent en lumière les effets écologiques des feux dans l’hémisphère Nord qui sont de plus en plus intenses.

L’équipe de Douglas Hamilton, professeur à l’Université d’État de la Caroline du Nord, et de Mathieu Ardyna, chercheur affilié à l’Université Laval et au Centre national de la recherche scientifique, a établi un lien probable entre la prolifération importante du phytoplancton dans la mer des Laptev, au nord de la Russie, à l’été 2014 et d’immenses incendies qui ont fait rage plus au sud, en Sibérie, à la même époque.

La zone à haute concentration de plancton se situait à 850 km du pôle Nord, dans l’océan Arctique. « Pour qu’une éclosion aussi importante se produise, la zone a eu besoin d’un apport substantiel d’azote, car l’océan Arctique est pauvre en azote. Il fallait donc trouver d’où provenait ce nutriment », explique Douglas Hamilton, dans un communiqué. 

L’azote est nécessaire au phytoplancton pour croître, comme pour les plantes.

Trouver la cause

Les chercheurs ont examiné la possibilité que ce soit dû à la fonte de la banquise plus importante que la normale, au débit accru des rivières ou encore à la remontée d’eau océanique. C’est le phénomène par lequel le vent entraîne un brassage entre le fond et la surface de la mer, faisant remonter les nutriments accumulés. 

Or, ce n’était pas le cas, selon les scientifiques qui ont publié leurs travaux dans la revue Communications Earth & Environment.

Ils se sont donc mis à la recherche d’une autre cause possible. Ils ont remarqué qu’à peu près à la même époque, des incendies de forêt très importants avaient fait rage en Sibérie, brûlant quelque 1,5 million d’hectares. Ces incendies étaient situés au sud, dans la trajectoire des vents dominants. 

Les chercheurs ont ensuite utilisé un modèle qui simule ce qu’il advient des émissions naturelles et humaines de composés chimiques lorsqu’elles atteignent l’atmosphère. Ils y ont intégré les données de l’été 2014 dans cette région pour ce qui est des températures, des vents et des conditions atmosphériques. 

Ils ont estimé que les concentrations d’azote dans l’atmosphère devaient être deux fois plus élevées que la normale dans cette région, à ce moment-là, en raison des feux de forêt.

Selon eux, il s’agit sûrement de la cause principale, mais peut-être pas unique, de l’accumulation d’azote dans la mer des Laptev et de la prolifération inhabituelle du phytoplancton à l’été 2014. 

De plus, les incendies ont fait rage dans une région de tourbières, très riches en azote, ce qui expliquerait la composition particulièrement élevée en azote de la fumée qui s’en est dégagée, indiquent les chercheurs. 

« Nous savions que les incendies peuvent avoir un effet sur la prolifération du phytoplancton, mais c’est inhabituel de voir quelque chose comme ça dans l’océan Arctique », affirme Mathieu Ardyna.

Du phytoplancton marin vu au microscope (Stephanie Anderson/Université du Rhode Island)

Il souligne que ces épisodes d’éclosions intenses sont circonscrits dans le temps et dans l’espace. On ne s’attend donc pas à une hausse majeure du phytoplancton à l’échelle mondiale en raison des feux. Mais lorsque de grands incendies se produisent et on sait que leur fréquence et leur intensité augmentent avec le réchauffement climatique , on peut s’attendre à voir plus d’éclosions de la sorte. 

« Une éclosion ponctuelle comme celle-ci ne changera pas la structure de l’écosystème, mais la Sibérie et l’Extrême-Arctique canadien subissent de plus en plus d’incendies de forêt. Il peut donc être intéressant d’explorer les effets potentiels en aval si l’activité des incendies et l’apport de nutriments restent élevés », dit Douglas Hamilton. 

Le phytoplancton et la productivité des océans

Par ailleurs, la communauté scientifique s’attend à voir de grandes variations dans les quantités de phytoplancton produites dans les océans dans les prochaines décennies à cause du réchauffement climatique. Certaines zones connaîtront des hausses marquées, d’autres, des baisses.

Cela a des conséquences sur toute la chaîne alimentaire. En effet, les microorganismes qui constituent le phytoplancton sont à la base de la chaîne alimentaire. La diminution ou l’augmentation du phytoplancton risque d’avoir des répercussions sur les invertébrés, sur les poissons, sur les mammifères et oiseaux marins et ainsi de suite.

Le phytoplancton, qui obtient comme les plantes son énergie grâce à la photosynthèse, contribue également à l’absorption du CO2 dans l’océan et à l’émission d’oxygène, représentant ainsi un des poumons de la planète.

Concernant les incendies de forêt, des recherches ont déjà montré que la suie qui s’en dégage contribuerait à faire fondre la banquise arctique.

En même temps, la fumée des feux de forêt contribuerait à la formation de nuages dans l’Arctique, ralentissant jusqu’à un certain point les effets du réchauffement, selon une autre étude récente.

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