Des épisodes d’El Niño plus forts avec le recul la banquise, selon une étude

Représentation du phénomène El Niño en 2016 (earth.nullschool.net)
Avec l’accélération de la fonte de la glace de mer dans l’Arctique, le monde peut s’attendre à une augmentation de la fréquence de phénomènes El Niño forts au courant de ce siècle, selon une recherche américaine.

La fonte de la banquise a été bien documentée depuis les 40 dernières années.

Selon la NASA, l’étendue de la glace de mer arctique en été a diminué de 13 % en moyenne par décennie en raison du réchauffement climatique.

Les spécialistes du climat prévoient qu’à partir du milieu du siècle, l’Arctique pourrait connaître un été sans glace de mer

Or, l’impact réel de la perte de glace dans l’océan Arctique sur les phénomènes météorologiques planétaires reste à documenter.

Une équipe de chercheurs, sous l’égide de Jiping Liu de l’Université de New York à Albany, a modélisé l’effet de la fonte de la banquise sur le grand phénomène météorologique récurrent qu’est El Niño.

Qu’est-ce que le phénomène El Niño?

El Niño est un phénomène naturel caractérisé par des fluctuations de la température des eaux de surface dans l’océan Pacifique, associées à des variations de la circulation atmosphérique. Il survient environ tous les deux à sept ans.

L’augmentation de la température de l’eau dans la région équatoriale provoque des tempêtes qui condensent et retiennent l’air chaud au-dessus de cette zone. Les courants d’air, comme le courant-jet, se trouvent ainsi déjoués.

El Niño exerce une grande influence sur les conditions météorologiques dans de nombreuses régions du monde. Par exemple, l’air humide sur la côte est du Pacifique entraîne plus de précipitations sous forme de neige ou de pluie sur l’Amérique dans les mois qui suivent.

Certaines années, El Niño peut être beaucoup plus fort qu’à l’habitude, si la température de l’eau s’élève de beaucoup. Avec un El Niño fort, la saison des ouragans se fait particulièrement intense dans le Pacifique. Le « super » El Niño de 1997-1998 est en partie responsable de l’épisode historique de verglas au Québec et dans le nord-est de l’Amérique du Nord en janvier 1998. En 2015-2016, El Niño avait provoqué d’importantes sécheresses ou encore des inondations, selon les régions du globe, et des records de chaleur avec une élévation de la température planétaire de près d’un demi-degré.

Des pylônes effondrés sous le poids de la glace, le 10 janvier 1998 à proximité de Saint-Bruno-de-Montarville, au Québec (Jacques Boissinot/La Presse Canadienne)

Dans leur étude, les chercheurs américains et chinois ont incorporé dans leur modèle les données sur l’étendue passée, actuelle et prévue des glaces dans l’océan Arctique, ainsi que les données sur les courants atmosphériques, les courants marins, les températures de surface et de l’eau, l’humidité, le rayonnement et d’autres paramètres du climat.

Ils ont constaté que, jusqu’ici, la fonte des glaces n’a pas eu d’effet direct sur la fréquence et l’ampleur du phénomène El Niño.

Or, dans les décennies à venir, la disparition des glaces arctiques aura un effet de plus en plus marqué, estiment-ils.

On sait que la perte de banquise amplifie le réchauffement par différents mécanismes, notamment par la perte d’effet albédo (la glace blanche réfléchit les rayons solaires vers la haute atmosphère, tandis que l’océan foncé absorbe ces rayons de chaleur), et par le contact accru entre la surface de l’eau et l’air, à mesure que la glace de mer recule.

Ainsi, les changements provoqués au fil des ans avec la perte de glace dans l’Arctique viendront influencer la région du Pacifique et le phénomène El Niño.

« …[N]ous concluons qu’au moins 37 à 48 % de l’augmentation d’[épisodes] d’El Niño forts vers la fin du 21e siècle sera spécifiquement associée à la perte de glace de mer arctique », écrivent les chercheurs dans leur étude.

Les chercheurs ont pris le soin de séparer dans leur modèle l’effet de la perte de glace de celui de la concentration croissante de gaz à effet de serre (en gros, le CO2), dans l’atmosphère, qui contribue à la hausse des températures et, lui aussi, à l’accentuation du phénomène El Niño.

« Après des décennies de recherche, il existe un accord général, bien que non universel, sur le fait que la fréquence des événements El Niño, en particulier des événements El Niño extrêmement forts, augmentera avec le réchauffement climatique », affirme Jiping Liu dans un communiqué. 

« Étant donné que la banquise arctique devrait continuer à diminuer de façon marquée, il était important d’évaluer si l’augmentation prévue des [épisodes] puissants d’El Niño pouvait être directement liée [à cette perte de glace arctique]. » La réponse des chercheurs est donc oui, très probablement.

L’augmentation des épisodes forts d’El Niño pourrait avoir des conséquences sur les populations de tous les continents, entraînant des famines, des épidémies et la destruction d’infrastructures, par exemple.

Néanmoins, les scientifiques appellent à raffiner les modèles et à continuer les recherches pour mieux comprendre les liens entre la perte de glace de mer, El Niño et d’autres facettes des changements climatiques.

D’autres chercheurs ont montré plus tôt cette année que la perte graduelle du couvert de glace sur l’océan Arctique fait varier considérablement les températures de surface dans l’Arctique et dans l’Atlantique Nord au fil des ans, ce qui a une influence en retour sur les variations de température sur les continents.

Les derniers travaux de Jiping Liu et de son équipe sont parus dans la revue Nature Communications.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *