Des chercheurs mesurent l’importance de la banquise pour la régulation du climat planétaire

La hausse des températures et la diminution de la couverture de neige et de glace dans l’Arctique contribuent en retour à amplifier les fluctuations du climat sur le long terme, en plus de modifier différents écosystèmes. (Felipe Dana/The Associated Press)
Une nouvelle étude montre que la perte graduelle du couvert de glace sur l’océan Arctique fait varier considérablement les températures de surface dans l’Arctique et dans l’Atlantique Nord au fil des ans, ce qui a une influence en retour sur les variations de température sur les continents.

La perte de glace de mer, qui diminue à un taux moyen d’environ 13 % par décennie, a un impact climatique durable dans l’Arctique et bien au-delà de cette région, indiquent les chercheurs Aiguo Dai (Université d’État de New York à Albany) et Jiechun Deng (Université des sciences et technologies de l’information de Nanjing), qui ont publié leurs travaux à la fin avril dans la revue Nature Communications.

Les deux spécialistes de l’atmosphère ont utilisé les données climatiques des dernières décennies et ont développé des modèles qui leur permettent de simuler les tendances que pourrait prendre le climat et ses effets dans les prochaines décennies, en faisant varier différents paramètres.

Ils se penchent surtout sur l’« oscillation atlantique multidécennale ». Au fil des décennies, un cycle naturel de hausses et de baisses des températures est observé à la surface de la mer dans l’Atlantique Nord. On a observé, par exemple, que les périodes 1900-1920 et 1970-1990 étaient plus froides, tandis que la période 1940-1960 et celle entamée depuis les années 1990 sont plus chaudes.

Ils étudient aussi la « circulation méridienne de retournement Atlantique », soit les courants majeurs d’eaux chaudes (qui circulent du sud au nord et plutôt en surface) et d’eaux froides (qui circulent du nord au sud, et plutôt en profondeur) qui brassent constamment l’océan. Il s’agit d’un des grands régulateurs du climat sur notre planète.

Finalement, les chercheurs tiennent aussi compte des phénomènes de circulation dans l’océan Arctique et dans les mers de Barents et de Kara, au nord de la Scandinavie et de la Russie.

Une oscillation des températures amplifiée

En tenant pour acquis que la banquise continuera de diminuer graduellement au fil des décennies, avec de légères variations d’une année à l’autre, les chercheurs ont trouvé que cette perte de couvert de glace amplifiait considérablement l’oscillation du climat constatée d’une décennie à l’autre.

Lorsqu’ils gardaient constante dans leur modèle la superficie de glace sur les océans au fil du temps, l’oscillation des températures d’une décennie à l’autre était de beaucoup réduite, de l’ordre de 20 à 50 %, par rapport au scénario réaliste ou de base.

« Dans notre étude, nous avons démontré pour la première fois que les fluctuations des interactions glace de mer-air peuvent considérablement élargir ou amplifier les variations climatiques multidécennales non seulement dans l’Arctique, mais aussi dans l’Atlantique Nord », explique Aiguo Dai, dans un communiqué.

« Alors que la fonte de la banquise arctique se poursuit, ses impacts se feront probablement encore plus sentir dans les décennies à venir, non seulement dans l’Arctique, mais aussi dans l’Atlantique Nord et dans d’autres régions du monde », poursuit le chercheur.

« En effet, les anomalies de température de surface de la mer dans l’Atlantique Nord peuvent modifier les schémas de circulation atmosphérique en Europe, en Amérique du Nord, en Afrique de l’Ouest et en Amérique du Sud, entraînant des changements de température et de précipitations dans ces régions », ajoute-t-il.

On sait par ailleurs que la perte de banquise amplifie le réchauffement climatique par différents mécanismes, notamment la perte d’effet albédo (la glace blanche réfléchit les rayons solaires vers la haute atmosphère, tandis que l’océan foncé absorbe ces rayons de chaleur), et par la fonte du pergélisol, qui libère du méthane, un puissant gaz à effet de serre.

Lorsque les chercheurs poussent la simulation très loin dans le temps, ils constatent que la banquise arctique finit de fondre entièrement dans les années 2200 avec la hausse des émissions de GES.

À ce moment, elle n’a plus d’influence sur les oscillations climatiques, car elle n’existe tout simplement plus. Mais le climat planétaire à ce moment sera tout autre que celui que l’on connaît aujourd’hui, notent les chercheurs dans leur étude.

Les chercheurs veulent poursuivre leurs travaux en examinant les interactions entre les effets dus à la fonte de la banquise et le phénomène cyclique El Niño – oscillation australe, un autre grand régulateur du climat sur la planète.

« Le message à retenir est que la région arctique est très importante pour le climat de la Terre et que la fonte rapide de sa banquise a, et continuera d’avoir, des impacts climatiques importants dans le monde entier », conclut Aiguo Dai.

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