Des averses plus fréquentes et plus intenses dans l’Arctique au cours de ce siècle
Les précipitations sous forme de pluie vont se multiplier dans le Grand Nord et se produiront plus longtemps dans l’année, selon une étude. Ces changements marqués risquent d’avoir des répercussions sur les écosystèmes de l’Arctique, avertissent les chercheurs.
L’équipe de Tingfeng Dou, climatologue à l’Université de l’Académie chinoise des sciences à Pékin, a déterminé que la fréquence des jours pluvieux dans l’Arctique devrait grosso modo doubler d’ici 2100. Ainsi, l’Arctique, qui recevait plus de précipitations sous forme de neige que de pluie jusqu’à maintenant, connaîtra un renversement de ces proportions dans quelques décennies. Ce basculement avait déjà été prévu par d’autres équipes de recherche.
Les précipitations continueront de progresser vers le centre de l’océan Arctique et vers l’intérieur du Groenland à la fin de ce siècle, entraînant de plus en plus d’épisodes pluviométriques dans ces régions, d’après les scientifiques.
Aussi, les précipitations commenceront beaucoup plus tôt au printemps dans l’Arctique, prévoient-ils. Par exemple, dans le nord de la mer de Barents et dans la mer des Tchouktches à la fin de ce siècle, les premières précipitations printanières se produiront trois mois plus tôt qu’aujourd’hui, calculent les chercheurs, qui publient leurs travaux dans la revue Earth’s Future. Dans l’ensemble de l’Arctique, le début des précipitations aura lieu en moyenne 38 jours plus tôt qu’aujourd’hui.
« Dans le passé, les précipitations se limitaient principalement aux bords de la calotte glaciaire du Groenland. À l’avenir, cela changera radicalement parce que les précipitations s’étendront davantage à l’intérieur des terres et seront un catalyseur pour une nouvelle ablation de la calotte glaciaire », affirme Tingfeng Dou, dans un communiqué.
Cela est causé par le réchauffement climatique et le retrait de la glace de mer, notamment.
« Le recul marqué de la banquise en été entraîne une augmentation de la vapeur d’eau locale et donc davantage de précipitations qui se produisent principalement sous forme liquide au-dessus de l’océan Arctique en septembre », écrivent les climatologues dans leur étude.
Pour ce qui est des « basses latitudes » de l’Arctique, l’intensification des averses à l’avenir sera principalement due au transport accru de vapeur d’eau provenant des régions plus au sud.
« Les précipitations les plus fortes sont susceptibles d’être observées dans le nord-ouest de l’Alaska, l’est de la Sibérie, le nord de l’Europe et la zone marginale du Groenland à l’avenir, et l’intensité de ces précipitations peut atteindre 32 mm/jour », notent les scientifiques.
Bouleversements à prévoir pour les écosystèmes
Dans certaines régions de l’Arctique, les précipitations peuvent avoir un impact négatif majeur sur certaines espèces.
Par exemple, lorsque la pluie tombe sur un manteau neigeux et gèle, il se forme une croûte de glace. « Une seule averse sur la neige peut entraîner la mort de centaines voire de milliers de rennes, car leur nourriture se trouve piégée sous la couche de glace », illustre Tingfeng Dou. Des communautés du Grand Nord dépendent des rennes pour leur survie.
Dans leur étude, les chercheurs utilisent le scénario de réchauffement appelé « RCP8,5 », qui implique que les pays ne parviendront pas à réduire substantiellement leurs émissions de GES au cours des prochaines décennies. L’équipe a modélisé ce qu’il adviendra des précipitations dans le Grand Nord quant à leur fréquence et leur intensité, en intégrant de nombreux paramètres du climat.
La hausse des précipitations contribuera aussi à accélérer la fonte du pergélisol, précisent les scientifiques, ce qui, en retour, amplifiera le réchauffement climatique en relâchant des quantités de méthane emprisonné dans dans sol gelé, en plus de mettre en péril des infrastructures du Nord.
« Les précipitations deviendront un facteur important dans l’accélération de la perte massive de couverture de neige, de glace de mer et de calotte glaciaire dans un Arctique qui se réchauffe rapidement dans le contexte du réchauffement climatique », concluent les chercheurs dans leur article.