L’océan Arctique s’acidifie de façon accélérée avec la fonte des glaces, montre une étude

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La glace de mer se retire de la mer de Beaufort, en juin 2012. (Observatoire de la Terre/NASA)
Le recul de la glace de mer en été depuis une trentaine d’années a engendré une acidification rapide des eaux de l’ouest de l’océan Arctique. Le rythme du phénomène y est de trois à quatre fois plus élevé que dans les autres bassins océaniques, calculent des chercheurs, ce qui risque d’avoir des conséquences majeures pour les écosystèmes.

L’équipe internationale menée par des scientifiques de l’Université du Delaware et de l’Université chinoise de Jimei a compilé et analysé les données issues de 47 expéditions scientifiques dans et autour du « bassin du Canada », entre 1994 et 2020.

Cette région de l’océan Arctique, située au nord des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et de l’Alaska, a connu en recul marqué de la banquise au cours de cette période.

L’étendue de la glace de mer dans l’Arctique en été a diminué de 13 % en moyenne par décennie en raison du réchauffement climatique, réchauffement qui est accentué dans les latitudes nordiques.

L’acidification des eaux arctiques

Le phénomène d’acidification des océans est bien connu des scientifiques. Les émissions de gaz à effet de serre ont comme conséquence d’augmenter la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Ce gaz est absorbé en grande partie par les océans. 

Dans le processus, l’eau des océans devient graduellement plus acide (son pH diminue). Ce processus s’est fait progressivement pour les océans du monde.

Or, dans l’Arctique, le phénomène se produit dans un laps de temps plus court, et de façon intensive, selon les chercheurs. Ils ont trouvé une corrélation entre la vitesse du retrait des glaces et le taux d’acidification. Le pH mesuré est passé d’environ 8,17 dans les années 1990 à 8,02 dans les dernières années à l’étude.

Ils ont aussi noté que cette acidification s’étendait de plus en plus au nord au fil des ans, au fur et à mesure que la glace d’été reculait.

Dans leur article, publié dans la revue Science, ils expliquent que la glace pluriannuelle (qui s’est formée et reste pendant des années) agit comme une couche qui prévient l’acidification, car elle empêche le contact direct entre l’air et la surface de l’océan et donc le transfert de CO2 atmosphérique vers l’eau.

Or, avec le retrait rapide de la glace, le phénomène s’enclenche vite. L’océan « rattrape son retard » en quelque sorte par rapport aux autres océans.

De plus, les scientifiques observent depuis les dernières années que les eaux de surface de l’océan Arctique deviennent de moins en moins salées, avec le retrait des glaces d’été et un apport accru de précipitations en raison du réchauffement climatique, favorisé par les courants essentiellement en provenance du Pacifique Nord.

Cette couche d’eau « douce » ne se mélange pas bien avec les eaux profondes et, en captant beaucoup de CO2 et en s’acidifiant, perd aussi ses propriétés de tampon qui empêcherait une plus grande acidification dans les années à venir, remarquent les chercheurs.

Un rythme inattendu
Une espèce d’escargot de mer (Limacina helicina) de la mer de Beaufort qui pourrait être affectée par l’acidification (Russ Hopcraft/University of Alaska Fairbanks/Census of Marine Life)

Les scientifiques savaient que l’océan Arctique était à risque d’acidification, mais l’ampleur du phénomène a été un véritable « choc » pour l’équipe de recherche, selon Wei-Jun Cai, expert en chimie marine à l’Université du Delaware et l’un des auteurs de l’article, qui s’est exprimé dans de nombreux médias au sujet des travaux.

Selon les chercheurs, ceci risque d’avoir des conséquences pour la vie marine et les écosystèmes. Par exemple, des espèces de crustacés et de mollusques ont plus de difficulté à former leur carapace ou leur coquille dans une eau plus acide. Ceci peut avoir des répercussions sur toute la chaîne alimentaire oiseaux marins, poissons ou mammifères qui dépendent de ces organismes.

Wei-Jun Cai et ses collègues appellent d’ailleurs la communauté des biologistes à se pencher rapidement sur ces conséquences.

Dans les mers du sud, on sait que l’acidification est un problème de taille qui menace les coraux.

Une eau plus acide augmente aussi la toxicité des métaux lourds qui sont déposés dans l’environnement.

« D’ici 2050, nous pensons que toute la glace [de mer dans l’Arctique] aura disparu en été. Certaines études prédisent que cela se produira d’ici 2030. Et si nous suivons la tendance actuelle pendant encore 20 ans, l’acidification estivale sera vraiment, vraiment forte », soutient Wei-Jun Cai, dans un communiqué.

Le processus d’acidification accélérée de l’océan Arctique va se poursuivre pendant quelques décennies, soulignent les chercheurs dans leur article, jusqu’à ce que la glace cesse de recouvrir l’océan, ce qui mettra fin au mécanisme décrit dans l’étude. À ce moment-là, l’océan Arctique se comportera davantage comme l’ensemble des océans pour ce qui est du rythme d’acidification, selon eux.

Les chercheurs avancent que l’océan austral (entourant l’Antarctique) pourrait connaître un phénomène analogue à celui qui se déroule dans l’océan Arctique, avec un recul possible des glaces saisonnières au cours des prochaines décennies, bien que ceci devra être documenté.

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