Quand des réseaux sociaux censurent des publications liées à la culture inuit

Manitok Thompson a récemment dû supprimer une de ses publications sur son compte Twitter après que le réseau social lui eut envoyé un avertissement de non-respect de sa politique. (Photo fournie par Manitok Thompson)
Une ancienne députée territoriale du Nunavut, Manitok Thompson, est tombée des nues, à la mi-octobre, lorsqu’elle a constaté que Twitter lui avait donné un avertissement après la publication d’un message dans lequel elle faisait part de son intérêt pour le morse.

« Ma nourriture préférée! Le morse! Je payerais n’importe qui pour pouvoir m’en procurer! », avait publié l’ancienne députée inuk. Le réseau social a rapidement censuré sa publication et l’a frappée d’un avertissement pour avoir enfreint sa politique en partageant du « contenu illustrant des scènes sanglantes gratuites ».

Manitok Thompson indique qu’elle a dû supprimer sa publication pour pouvoir conserver son compte.

« Je ne vendais pas de la viande de morse, je ne faisais que demander dans une publication si quelqu’un pouvait en trouver pour m’en envoyer », dit-elle. « C’est une très grande discrimination à l’égard de notre culture de ne pas être en mesure de publier des choses au sujet de notre nourriture ou de notre mode de vie. »

Déjà-vu

Ce n’est pas la première fois qu’un réseau social juge que des publications liées à la culture autochtone violent sa politique. En 2017, Facebook a suspendu le compte de la chanteuse inuk Tanya Tagaq après la publication d’une photo d’un manteau en peau de phoque.

L’artiste inuk Kenneth Ingniqjuk Piugattuk Mackay, originaire de Yellowknife, qui se spécialise dans la confection d’uluit, des couteaux traditionnels, a aussi constaté que certaines de ses publications avaient été censurées parce que Facebook considérait ses produits comme des « armes ».

Le réseau social s’est d’ailleurs excusé publiquement en 2017 et en 2019 pour avoir retiré des produits en peau de phoque.

En 2017, la chanteuse Tanya Tagaq affirmait avoir été prévenue que son compte avait été bloqué pendant 24 heures après la publication de la photo d’un ami montrant un jeune homme vêtu d’un manteau en peau de phoque. (Peter Power/La Presse canadienne)

La professeure Kim TallBear, de la Faculté d’études autochtones de l’Université de l’Alberta, regrette que des Autochtones qui publient des éléments de leur mode de vie doivent vivre ce type de situations.

Selon elle, l’une des solutions est de recruter plus d’Autochtones dans le domaine des technologies. « Je pense que, s’il y a plus d’Autochtones qui occupent des postes dans le secteur des technologies dans ces entreprises, ils seront plus en mesure de signaler ce qui est vraiment un contenu inapproprié », dit-elle.

Kim TallBear ajoute qu’il y a encore du travail à faire en matière d’information sur les réalités autochtones, notamment dans les entreprises qui gèrent les réseaux sociaux.

Un morceau de caribou congelé est coupé avec un ulu, un couteau inuit. (Marie-Laure Josselin)
Les défis liés à la modération sur les réseaux sociaux

La modération sur les réseaux sociaux est une science inexacte, puisqu’elle est assurée à la fois par l’intelligence artificielle et par des êtres humains. TikTok admet d’ailleurs que cette équation ne permet pas toujours de parvenir à des décisions adéquates.

« Les créateurs peuvent faire appel des décisions qu’ils jugent incorrectes directement dans l’application », indique le réseau social dans un échange de courriels. « Si le contenu ou les comptes ont été supprimés de manière incorrecte, le contenu sera rétabli et/ou la pénalité sera effacée et ne nuira pas le compte dans l’avenir. »

Quant à Meta, anciennement appelé Facebook, l’entreprise affirme qu’elle souhaite contribuer à prévenir l’extinction d’espèces animales.

« Bien que nous reconnaissions que toutes les espèces ou populations de phoques ne soient pas en danger ni menacées, certaines le sont », mentionne Meta, par courriel. « Par conséquent, nous mettons en application des normes globales pour nous assurer que les espèces les plus vulnérables à l’échelle planétaire ne soient pas mises en danger. »

Meta dit par ailleurs qu’elle recueille aussi régulièrement les commentaires d’Autochtones et de Canadiens ayant des besoins particuliers pour « tenir compte des considérations culturelles et régionales lors de l’élaboration de politiques qui ont un impact sur la communauté mondiale ».

Les réseaux sociaux disposent de politiques de modération qui limitent les contenus publiés en fonction de leur nature et de critères qu’elles déterminent. (iStock)

Twitter n’a, pour sa part, pas répondu à notre demande de commentaires avant la publication de cet article.

Manitok Thompson souhaiterait s’entretenir avec les dirigeants de ces réseaux sociaux pour donner son point de vue et offrir une meilleure compréhension des questions en présence.

Étant Inuk, elle affirme se sentir visée par exemple lorsque des publications montrant des animaux de l’Arctique font l’objet d’avertissements, puisque, selon elle, la culture inuit accorde un grand respect à la faune.

« Notre loi traditionnelle exige que l’animal soit abattu immédiatement pour ne pas qu’il ait à souffrir », précise Manitok Thompson.

Avec des informations de Jenna Dulewich

Radio-Canada

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