Nord québécois : les Nunavimmiut appelés à s’exprimer sur l’avenir de leur territoire
L’Administration régionale Kativik (ARK) a lancé une vaste consultation publique avant d’officialiser le statut de nouvelles aires protégées au Nunavik, qui empêcherait tout développement industriel sur près de 30 000 kilomètres carrés, au cœur du territoire traditionnel des Inuit du Nord-du-Québec.
Ces vastes étendues de toundra, de rivières et de marais peuvent sembler inaccessibles pour la plupart des gens. Ils sont toutefois d’une importance capitale pour les résidents du Nunavik, qui y pratiquent la chasse et la pêche depuis des siècles.
Les futures aires protégées ont été désignées en 2020, à la suite de travaux de consultations effectués en 2011 et 2012. Le processus est long, mais nécessaire, afin que les territoires choisis répondent aux aspirations des Nunavimmiut.
« On est ici pour s’assurer que l’information est transmise et que les gens sont informés sur le réseau des aires protégées. Mais c’est aussi pour avoir l’opportunité de recevoir les commentaires des gens. C’est pour savoir s’ils acceptent le réseau tel qu’il est présenté actuellement », explique Marianne Ricard, agente à la planification des aires protégées à l’ARK.
Les consultations ont commencé à Kuujjuaq
La délégation ira dans toutes les communautés inuit de la région, au village cri de Whapmagoostui et du côté des Naskapis de Kawawachikamach. C’est toutefois à Kuujjuaq que les consultations ont commencé cette semaine. Des classes entières d’étudiants au secondaire ont pu y participer.
« C’est important de leur expliquer le processus de consultation publique et de les impliquer dans la discussion. Les jeunes ont aussi leur mot à dire. Éventuellement, c’est la terre qu’on va leur laisser », explique l’enseignante de l’école secondaire Jaanimmarik de Kuujjuaq, Louisa Thomassie.
Des élèves ont pu analyser les cartes de façon plus détaillée et donner leur avis sur les futures aires. Malgré leur jeune âge, la plupart avaient une bonne connaissance du territoire.
« Je vais souvent ici près de Kangiqsualujjuaq avec mes grands-parents. Je trouve ça super important de protéger ces zones du développement minier. C’est associé à plein de beaux souvenirs et je veux y retourner plus tard dans ma vie », explique Naina Jaani Blake, 15 ans.
Des limites flexibles
Les commentaires des participants seront tous colligés et compilés dans un rapport au terme de ces consultations. Les résidents auront donc leur mot à dire sur la toponymie des lieux, mais aussi sur les limites plus précises des territoires protégés.
« Ce sont des territoires qu’ils connaissent, dans lesquels ils ont des habitudes de chasse de pêche. Parfois, ils voient une ligne de délimitation tracée et se demandent par exemple : “Pourquoi tel lac n’est pas inclus?” On n’a pas toujours la réponse, alors on documente le tout », explique Carolane Tanguay, conseillère principale à Mu Conseils.
L’entreprise, indépendante du processus de sélection des aires, a été choisie pour animer les consultations et produire le rapport final.
« Notre indépendance est importante, pour donner la capacité aux gens de venir parler librement. Ça crée un climat de confiance. Nous ne sommes pas là pour défendre un programme ou justifier une démarche. Les gens peuvent parler plus librement de ce qu’ils ont à dire et donner leur opinion », ajoute Carolane Tanguay.
Certaines craintes
Le statut officiel des aires protégées n’est pas encore déterminé. Il pourrait prendre la forme d’une réserve de biodiversité, mais aussi d’un parc national, géré alors par Parcs Nunavik. L’organisation inuit propose différentes activités touristiques ancrées dans la culture traditionnelle et dans la protection du territoire.
Certains craignent toutefois qu’une éventuelle expansion du réseau soit un frein à leur mode de vie. « Je suis à la fois pour et contre. Mes ancêtres ont chassé et vécu ici depuis des millénaires. On le fait encore de nos jours. Quand ça devient un parc, la terre est affectée. Si c’est développé davantage, il y aura des milliers de gens du Sud qui viendront visiter. Et quand ça arrive, les animaux s’en vont. Ça a des impacts sur notre mode de vie », explique George Peters, le président de la corporation foncière de Kuujjuaq.
Ce dernier a pu rencontrer les instigateurs du projet et faire part de ses réticences. Il espère que son point de vue sera retenu dans la décision de l’Administration régionale Kativik et du groupe de travail sur les aires protégées au Nunavik.
D’autres, comme la jeune Naina Jaani Blake, espèrent que l’objectif de protection de 20 % du Nunavik sera bonifié dans le futur. Deux points de vue divergents, qui démontrent l’importance de consulter la population, dont les habitudes de vie sont directement liées à l’aménagement du territoire.