Le Canada accroît ses revendications dans l’Arctique auprès des Nations unies

Pôle Nord (iStock)
Pôle Nord (iStock)
Le Canada accroît ses revendications sur les ressources reposant sur et sous les fonds marins de l’océan Arctique. Le pays a déposé cette semaine un document auprès de la Commission des limites du plateau continental des Nations unies qui vient ajouter à ses revendications déjà présentées en 2019.

Le dépôt de ce document à l’ONU s’est fait en douce, sans communication officielle du gouvernement canadien à ce sujet.

Les nouvelles revendications englobent toute la dorsale Lomonosov jusqu’à la zone économique exclusive de la Russie, qui s’étend à 200 milles marins des côtes russes.

En 2019, dans un document déposé par le Canada qui présentait ses « demandes partielles » et les justifications scientifiques les sous-tendant, la zone totale visée couvrait 1,2 million de kilomètres carrés d’océan, soit un territoire grand comme les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan réunies.

Les revendications du Canada (en surbrillance) dans l’océan Arctique présentées en 2019 à la Commission des limites du plateau continental des Nations unies. (Gouvernement du Canada)

La zone augmentée présentée dans le nouveau document de 54 pages de 2022 est nettement plus vaste. On ajoute au moins 600 000 kilomètres carrés aux revendications (selon une estimation effectuée par Regard sur l’Arctique en consultant la carte), bien que le document ne précise pas la superficie exacte de cette zone.

Les nouvelles revendications du Canada de 2022. On note que la dorsale Lomonosov, qui traverse tout l’océan Arctique, en beige, du Groenland jusqu’à l’Arctique russe, est entièrement comprise dans les nouvelles revendications canadiennes. (gouvernement du Canada)

« Le présent addenda à la présentation partielle de 2019 délimite les limites extérieures supplémentaires du plateau continental, qui couvrent toute la longueur du plateau de l’Arctique central (dorsale Lomonosov, dorsale Alpha et dorsale Mendeleyev, avec le bassin Podvodnikov et le bassin Makarov), au-delà des 200 milles marins de la ligne de base de la mer territoriale », peut-on lire dans la présentation du document.

Cet addenda « concernant les limites extérieures du plateau continental dans l’océan Arctique couvre une zone supplémentaire du plateau continental, qui s’étend au-delà des limites prévues dans la présentation partielle [de 2019] et qui englobe toute la longueur du plateau de l’Arctique central », poursuit le document.

Études scientifiques

Rappelons que le Canada a dépensé des dizaines de millions de dollars en recherches depuis l’époque du gouvernement Harper pour établir les bases scientifiques des revendications du pays dans l’océan Arctique. 

Essentiellement, Ottawa juge que le plateau continental canadien s’étend à tout l’Arctique central. 

« Des données géologiques et géophysiques démontrent en outre que le plateau de l’Arctique central est un prolongement de la masse terrestre du Canada et, à ce titre, représente un composant naturel de sa marge continentale. Il est donc considéré comme une élévation du fond marin dans le contexte de l’article 76 [de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982] et des Lignes directrices scientifiques et techniques de la Commission des limites du plateau continental », soutient-on dans le nouveau document.

Les arguments scientifiques présentés par chaque pays arctique en soutien à leurs revendications servent ensuite de base aux négociations et à l’étude qui se fait au niveau international sous l’égide des Nations unies. 

Comme l’explique le gouvernement canadien, « en vertu de la Convention, les pays ont des droits sur les fonds marins et les ressources naturelles qui se trouvent sous la surface de l’océan s’ils peuvent présenter des preuves scientifiques dignes de foi que leur plateau continental s’étend au-delà de 200 milles marins de leur littoral et qu’il est un prolongement naturel de la masse continentale ».

Une partie des revendications et des négociations qui les entourent se font aussi en tenant compte de la notion d’« équidistance » entre les côtes de deux États circumpolaires.

La dorsale Lomosov

Les revendications du Canada, de la Russie et du Danemark (Groenland) se chevauchent en partie, essentiellement sur la dorsale Lomosov, une chaîne de montagnes sous-marines s’étirant de la Sibérie au Groenland.

La Russie considère que la dorsale Lomonosov fait partie de son plateau continental, et le Danemark, que cette dorsale est associée au Groenland. Elle est aussi revendiquée par le Canada, qui la voit comme un prolongement de son plateau continental à partir de l’île d’Ellesmere.

En 2021, la Russie a étendu sa revendication initiale d’environ 705 000 kilomètres carrés, ce qui inquiétait certains observateurs, notant qu’il s’agissait d’une position maximaliste, ce pays ne pouvant pas réclamer davantage que cela compte tenu de la réalité géographique de l’océan Arctique.

Moscou avait créé la surprise et l’ire de ses voisins dans l’Arctique en 2007 en plantant un drapeau russe sur le fond marin au pôle Nord. Ce geste symbolique avait pour but de renforcer les prétentions de Moscou sur une région qui est, avec le retrait graduel de la banquise, de plus en plus intéressante économiquement.

Il pourrait s’écouler des années avant que l’ensemble des revendications soient soupesées par l’ONU et que des négociations aboutissent. Ultimement, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer prévoit que c’est aux pays de s’entendre entre eux sur la délimitation de leurs frontières sous-marines.

Les pays se consultent régulièrement aussi entre eux sur une base bilatérale pour échanger et se mettre d’accord sur des procédures ou des éléments de négociation. 

Cela survient dans un contexte géopolitique tendu, avec la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine, les sanctions internationales contre Moscou, la paralysie du Conseil de l’Arctique et un dédain affiché par le Kremlin pour certaines institutions onusiennes depuis le conflit. 

Rien n’indique toutefois que la Russie cessera de participer à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui est le socle sur lequel repose le processus de négociations concernant la souveraineté dans l’océan Arctique.

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