Inclusion historique des droits de la Terre mère dans le pacte final de la COP15

Le Cadre mondial pour la biodiversité, signé lundi à Montréal à l’issue de la COP15, reconnaît la Terre nourricière comme un sujet de droit. Sur la photo, l’œuvre intitulée « Terre Mère » des Mosaïcultures internationales de Gatineau.
Dans un geste inédit, les négociateurs du Cadre mondial de la biodiversité, signé à Montréal en conclusion de la COP15, ont inscrit la Terre mère et la nature comme sujets de droit.

Malgré un certain nombre de désaccords, d’oublis et d’impressions de déjà vu, la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15), qui s’est déroulée pendant deux semaines à Montréal, a réussi à reconnaître un aspect jusqu’ici ignoré de l’interaction entre les humains et la planète.

C’est la première fois qu’un texte de ce calibre introduit les droits de la Terre mère, une expression utilisée par de nombreux peuples autochtones qui considèrent la Terre comme la source de la vie, comme notre mère à tous.Yenny Vega Cárdenas, présidente de l'Observatoire international des droits de la nature

L’avocate Yenny Vega Cárdenas (Paloma Martínez Méndez/Radio Canada International)

Cette avocate spécialisée en droit de l’eau depuis des années estime que ce qui a été obtenu à Montréal est très important.

Pour Yenny Vega Cárdenas, également conseillère en recherche à l’Université de Sherbrooke, la reconnaissance et l’inclusion des droits de la nature et de la Terre mère dans ce Cadre mondial de la biodiversité jetteront les bases de sa véritable mise en œuvre.

María Mercedes Sánchez est la coordonnatrice du programme Harmonie avec la nature des Nations unies.

Lors de sa participation à l’événement « La voix des rivières » à la COP15, Mme Sánchez a expliqué que les peuples autochtones du monde entier comprennent que les systèmes de gouvernance humaine doivent être dérivés des lois de la Terre et s’y conformer.

Extrait du document officiel du Cadre mondial de la biodiversité signé à Montréal tôt le matin du 19 décembre 2022. (Getty images/iStock/Paloma Martínez Méndez/Radio-Canada International)

María Mercedes Sánchez a également mentionné que les cultures autochtones des Amériques ont une longue tradition de respect du lien entre les humains et la nature.

Ils partagent et comprennent que le sens de la vie réside dans l’équilibre de la coexistence entre toutes les formes de vie, et que cet équilibre est fondé sur des valeurs et une éthique liées à la conviction que la loi réside dans la Terre, et non dans les êtres humains.María Mercedes Sánchez, coordonnatrice du programme Harmonie avec la nature de l'ONU

À l’extrême gauche, María Mercedes Sánchez, avec d’autres participants à l’événement Voix des rivières : conversation sur la biodiversité organisé par l’Observatoire international des droits de la nature à la COP15. (Observatoire international des droits de la nature/adaptation RCI)

Dans sa présentation, Mme Sánchez a retracé le processus par lequel les droits de la nature sont devenus une priorité aux Nations unies.

Elle a évoqué la création du programme Harmonie avec la nature de l’ONU en 2009 et la formulation de la Déclaration universelle des droits de la Terre mère lors de la Conférence mondiale des peuples contre le changement climatique en 2010.

Mme Sánchez a aussi expliqué que les droits de la Terre mère ont été mentionnés pour la première fois dans des documents officiels lors de la conférence Rio+20 à Rio de Janeiro en 2012.

C’est au paragraphe 39 de la déclaration The Future We Want que le concept a été inclus, a dit fièrement María Mercedes Sánchez en lisant l’extrait.

Nous reconnaissons que la planète Terre et ses écosystèmes sont notre foyer et que « Terre mère » est une expression courante dans plusieurs pays et régions, et nous notons que certains pays reconnaissent les droits de la nature dans le contexte de la promotion du développement durable.Extrait de la déclaration The Future We Want de la conférence Rio+20 (2012)

Le document de l’époque soulignait également que les pays signataires sont persuadés qu’il est nécessaire de promouvoir l’harmonie avec la nature pour parvenir à un juste équilibre entre les besoins économiques, sociaux et environnementaux des générations actuelles et futures.

La déclaration a certainement jeté les bases d’une approche plus énergique de la version finale du cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal en 2022.

Le ministre chinois de l’Environnement, Huang Runqiu, et le ministre canadien de l’Environnement, Steven Guilbeault, ont formalisé conjointement l’adoption du Cadre mondial pour la biodiversité. (Graham Hughes/La Presse canadienne)

Pour sa part, Yenny Vega Cárdenas rappelle que l’objectif 19 du Cadre mondial de la biodiversité, signé à Montréal à l’issue de la COP15, souligne l’importance de soutenir les initiatives émanant des communautés locales des peuples autochtones, qui ont une perspective « écocentrique » et qui travaillent à la protection de la biodiversité.

Cet écocentrisme a donné la possibilité d’une justice écologique et est intimement lié aux droits de la nature. C’est magique et historique, car c’est la première fois que les droits de la nature sont inclus dans un texte issu d’une convention internationale.Yenny Vega Cárdenas, présidente de l'Observatoire international des droits de la nature

Selon l’avocate canado-colombienne, il est également important de relever le rôle joué par la Bolivie et son représentant Diego Pacheco dans les négociations pour l’inclusion des droits de la nature dans le pacte final de la COP15.

Yenny Vega Cárdenas note également la position du Canada, qui a fait preuve de leadership en soutenant ces nouvelles perspectives qui permettent une vision pluraliste de la protection de la biodiversité.

Note : cet article est également disponible en espagnol.

Un reportage de Paloma Martínez Méndez, Radio Canada International

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